Accès à l'information: une attaque sans précédent contre la magistrature

Sébastien Grammond
2011-10-03 11:15:00

Une telle convocation est sans précédent et menace les principes de base de notre régime démocratique. Le principe de l'indépendance de la magistrature assure aux citoyens qu'il y aura toujours un juge impartial pour statuer sur leur cas, même si le gouvernement est leur adversaire et même si leur cause n'est pas populaire. Bref, lorsqu'une cause est soumise aux tribunaux, elle est tranchée en fonction du droit et non de sensibilités politiques. C'est l'un des principes les plus fermement protégés dans notre droit constitutionnel.
Devoir de réserve
Or, pour garantir cette indépendance, il faut assurer aux juges qu'ils ne seront jamais appelés à s'expliquer publiquement au sujet de leurs décisions. Les juges rendent des motifs de jugement, habituellement par écrit, et tout citoyen peut discuter ou critiquer publiquement de tels motifs. C'est donc par leurs jugements que les juges «rendent des comptes». Cependant, une fois le jugement rendu, le juge est assujetti à un devoir de réserve, étroitement lié à son indépendance, qui lui interdit de participer à un débat public au sujet de l'affaire qu'il a tranchée.

Déontologie judiciaire
De plus, la participation de juges à des débats hautement médiatisés mine la séparation des pouvoirs en confondant l'administration de la justice et la politique partisane. Un principe de base de déontologie judiciaire est que les juges doivent s'abstenir d'activités politiques. Or, aux yeux du public — et c'est la perception du public qui compte ici —, le témoignage d'un juge en comité parlementaire associe la magistrature à la politique partisane et risque de diminuer la confiance du public envers l'indépendance de la magistrature.
Il faut donc condamner fermement cette convocation d'un juge en comité parlementaire comme une atteinte grossière à l'indépendance de la magistrature.
Le Barreau du Québec s'est dit inquiet du fait que le juge Richard Boivin, de la Cour fédérale, ait été invité à comparaître devant le Comité de la Chambre des communes sur l'accès à l'information pour expliquer l'une de ses décisions. « Préserver l'indépendance, l'impartialité et l'éthique de la magistrature, c'est préserver la confiance du public à l'égard des juges et adhérer à une saine gouvernance démocratique », a déclaré le bâtonnier du Québec, Me Louis Masson. « Heureusement, le juge a décliné l'invitation, mais cette tentative d'inciter un juge à sortir de sa réserve inquiète grandement le Barreau », a ajouté de son côté le directeur général du Barreau du Québec, Me Claude Provencher.
L'article du Doyen Sébastien Grammonda été initialement publié sur Le Devoir.
Anonyme
il y a 13 ans>"geste qui fait preuve d'un mépris total pour le principe de l'indépendance de la magistrature"
Stéphanne Grammon vit dans une bulle universitaire. Comme l'a démontré l'actualité récente, le "principe d'indépendandce des juges" ne demeure qu'un principe (du moins au Québec).
En refusant d'aller témoigner, le geste du juge Boivin ne me fait pas oublier le mécanisme de nomination des juges.
Quand on choisi des personnes qui savent ce qu'on attend d'elles, il est ensuite inutile de leur dire quoi faire. Il est donc naïf de croire qu'en l'absence d'instruction explicite la justice est indépendante.
La convocation du juge Boivin devant un comité des Communes a le grand mérite de mettre fin à l'hypocrisie de "l'indépendance judiciaire".
Anonyme
il y a 13 ans> La convocation du juge Boivin devant un comité des Communes a le grand mérite de mettre fin à l'hypocrisie de "l'indépendance judiciaire".
En effet. En France par exemple, on ne fait pas semblant d'ignorer les liens existant entre les pouvoirs exécutifs et judiciaires:
http://www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-divers/video/3472625001012/le-juge-van-ruymbeke-devant-le-conseil-superieur-de-la-magistrature.fr.html
Avocat
il y a 13 ansBon. Le gouvernement l'a fait, le juge a refusé et le gouvernement n'a pas insisté. Case closed. Est-ce que les éminences académiques pourraient se calmer?
Avocat
il y a 13 ans"http://www.ina.fr/economie-et-societe/justice-et-faits-divers/video/3472625001012/le-juge-van-ruymbeke-devant-le-conseil-superieur-de-la-magistrature.fr.html"
Pourquoi le Français doivent-ils avoir un conseil supérieur de la magistrature s'ils n'ont pas un simple conseil de la magistrature?
Anonyme
il y a 13 ans> Pourquoi le Français doivent-ils avoir un conseil supérieur de la magistrature s'ils n'ont pas un simple conseil de la magistrature?
Probablement pour la même raison que la Colombie britanique a un tribunal de première instance appelé "Cour suprême".
GBS
il y a 13 ans>Bon. Le gouvernement l'a fait, le juge a refusé et le gouvernement n'a pas insisté. Case closed. Est-ce que les éminences académiques pourraient se calmer?
J'espère que non.
C'est un gouvernement rempli de demeurés qui, justement, méprisent les élites au point de penser que leur interprétation des règles est tout aussi valable que leur opinion sur l'infaillibilité des textes de la King James Bible.
Heureusement, il en reste quelques uns qui peuvent composer le Conseil des ministres. À peine.