Affaire Turcotte : en appel, svp.
Marc Bellemare
2014-09-16 11:15:00
La décision est disponible ici.
Si Turcotte avait perdu sa cause et était resté coffré, il aurait déjà annoncé son intention d’en appeler du jugement. Je ne vois pas pourquoi il en serait autrement pour la poursuite (DPCP - Directeur des poursuites criminelles et pénales).
Cette affaire est trop importante pour que les instances supérieures n’en soient pas saisies. Le concept de « confiance du public » dans le système judiciaire est fondamental et il est impérieux qu’il soit analysé par la Cour d’appel et éventuellement la Cour suprême. Et le DPCP devrait l’annoncer sans délai.
J’étais globalement d’accord avec les arguments du procureur de la poursuite, Me René Verret, qui demandait le maintien en détention de Turcotte. Ses prétentions ont été rejetées, ce qui ne signifie pas qu’elles soient futiles. Bien au contraire, la réaction d’une grande majorité de citoyens démontre que leur confiance est ébranlée comme jamais.
L’opinion publique
Le système judiciaire doit repenser ses assises dans le vaste public. Il est faux de croire que le juge perd son indépendance et s’éloigne de la règle de droit dès qu’il est sensible à l’opinion publique.
Au contraire, c’est l’ensemble des facteurs qui mènent à la meilleure décision. Nous sommes en 2014, à l’ère d’internet, des réseaux sociaux et de l’information continue. Les Québécois ont suivi, depuis une semaine, autant le procès d’Oscar Pistorius en Afrique du Sud que l’affaire Turcotte au Québec, une situation impensable il y a à peine 20 ans. Ils s’intéressent à la justice comme jamais.
Sont-ils bien informés sur les règles de droit applicables? Je dirais dans la bonne moyenne des Occidentaux qui n’ont ni le temps ni les moyens d’assister aux procès. Dans la dernière étape de l’affaire Turcotte toutefois, les médias ont abondamment parlé, opinions de juristes et d’anciens juges à l’appui, de deux critères en particulier, celui de sa dangerosité et celui de la confiance du public.
Même le psychiatre de Turcotte, le docteur Louis Morissette, a distribué, de façon fort surprenante d’ailleurs, de généreuses entrevues pendant comme après le délibéré. Les Québécois pourraient-ils être davantage informés ? Probablement, pour peu qu’on leur donne la chance d’apprendre en leur permettant d’accéder directement aux débats judiciaires.
La télédiffusion
Si les audiences de l’affaire Turcotte avaient été télédiffusées, des milliers d’entre eux auraient beaucoup appris sur les règles applicables au droit criminel. Pendant que Tony Accurso lançait un pétard mouillé à la commission Charbonneau devant des centaines de milliers de téléspectateurs, Turcotte témoignait (de dos) en présence d’une poignée de citoyens, de journalistes, de quelques avocats et d’un juge.
Le citoyen ordinaire, lui, n’y était pas. Le 19 juillet 1954, lorsque le procès de Wilbert Coffin s’est ouvert au palais de justice de Gaspé, il n’y était pas non plus.
Il est quand même curieux que 60 ans plus tard, les débats judiciaires ne soient pas encore télédiffusés. La justice est publique, dit-on. Pas si sûr quand on pense qu’encore aujourd’hui, la simple diffusion des enregistrements audio est strictement interdite. En reconsidérant ces règles, la justice y gagnerait et renforcerait le lien de confiance avec la population, son fondement premier.