Démystifier l’adoption par consentement spécial

Marie Laverdure
2025-03-19 11:15:17

L’adoption par consentement spécial est un type d’adoption où les parents d’origine donnent leur consentement pour que leur enfant soit adopté par une personne, ou un couple, en particulier. Deux cas de figure sont généralement envisagés, soit, l’adoption d’un enfant par un membre de sa famille (ex : par sa tante), ou par le conjoint de son parent.
Quels sont les critères pour que ce type d’adoption ait lieu?
Critères quant au consentement des parents d’origine : le consentement doit être donné par les deux parents de l’enfant, si leur lien de filiation avec l’enfant est établi. Si les deux parents de l’enfant sont décédés, ne peuvent pas donner leur consentement, ou ont été déchu de leur autorité parentale, le consentement peut être donné par le tuteur de l’enfant.
Formalités du consentement : le consentement des parents doit être consacré par écrit devant deux témoins.
Critères quant aux parents de destination : le consentement spécial à l’adoption peut seulement être donné en faveur d’un ascendant de l’enfant (grand-parent), d’un parent en ligne collatérale de l’enfant jusqu’au troisième degré (frère/sœur, oncle/tante), ou du conjoint de cet ascendant ou de ce parent.
Consentement de l’enfant : le consentement de l’enfant de plus de dix (10) ans est requis pour permettre son adoption, sauf si l’enfant est dans l’impossibilité de manifester sa volonté. Toutefois, si l’enfant a entre dix (10) et quatorze (14) ans, le tribunal peut différer son adoption, ou passer outre de ce critère.
Intérêt de l’enfant : l’adoption par consentement spécial ne peut être ordonnée que si elle s’inscrit dans l’intérêt de l’enfant.
Quelles sont les étapes afin d’obtenir ce type d’adoption?
- Le consentement du parent d’origine, des parents d’origine, ou du tuteur de l’enfant est donné par écrit, devant un notaire
- Une évaluation psychosociale du parent adoptif ou des parents adoptifs, peut être ordonnée par le tribunal, s’il le juge pertinent
- Les parents adoptifs présentent une demande d’ordonnance de placement de l’enfant dans leur domicile
- Cette demande ne peut pas être présentée dans un délai inférieur à trente (30) jours depuis le consentement à l’adoption
- C’est dans cette demande que les parents adoptifs demandent de se voir accorder l’autorité parentale de l’enfant, soit, le pouvoir de prendre des décisions importantes à son égard
- C’est également à cette étape que l’enfant obtient le droit d’exercer ses droits civils sous le prénom et le nom choisis par les parents adoptifs
- L’ordonnance de placement empêche toute restitution de l’enfant à ses parents d’origine, tant qu’elle a effet
4. Les parents adoptifs présentent une demande d’adoption
- Cette demande ne peut être dans un délai inférieur à six (6) mois depuis le prononcé de l’ordonnance de placement, sauf si l’enfant réside déjà chez les parents adoptifs, auquel cas ce délai peut être abrégé à trois (3) mois, selon la durée pendant laquelle l’enfant a résidé chez les parents adoptifs
- L’adoption est accordée, sauf si un rapport existe faisant état du fait que l’enfant s’est mal adapté à sa famille adoptive
Quels sont les effets de l’adoption suite à un consentement spécial?
Comme n’importe quel type d’adoption, l’adoption par consentement spécial crée pour l’enfant un nouveau lien de filiation, qui succède aux liens de filiation existants . Cela dit, si le consentement spécial à l’adoption a été donné à un parent pour que son enfant soit adopté par son conjoint, l’adoption remplace seulement un des deux liens de filiation de l’enfant . En d’autres mots, l’enfant aura légalement pour parent son parent biologique, et le conjoint de ce parent.
Comment les tribunaux appliquent-ils le critère de l’intérêt de l’enfant pour ce type d’adoption?
Pour les tribunaux, le critère de l’intérêt de l’enfant est rempli lorsque l’enfant s’attache à son parent adoptif , et que le parent adoptif est en mesure de fournir un environnement sécuritaire et épanouissant pour l’enfant . Les tribunaux n’hésitent pas non plus à confirmer que l’adoption d’un enfant par quelqu’un qui lui tient lieu de parent depuis longtemps est conforme à son intérêt supérieur . C’est le cas, par exemple, lorsque le beau-père d’un enfant souhaite l’adopter alors qu’il est le seul père que l’enfant connait depuis des années.
L’intérêt de l’enfant est essentiel pour prononcer son adoption, mais ne peut pas justifier une dérogation aux règles encadrant le processus légal. Tel que l’explique le professeur Alain Roy, « Subordonner les autres conditions de la loi à l’intérêt de l’enfant reviendrait à évacuer les garanties juridiques sur lesquelles repose le processus d’adoption. Or, ces garanties sont précisément établies dans le but de protéger les uns et les autres contre les abus de toutes sortes. »
À propos de l’auteure
Marie Laverdure est avocate chez Dunton Rainville. Elle pratique au sein de l’équipe de droit de la famille et de protection de la jeunesse. La double formation de Me Laverdure en tant qu’avocate et infirmière lui permet d’adopter « une approche personnelle et humaine » à sa pratique en droit de la famille.