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Fausse présomption

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Guy Pratte

2010-11-11 14:15:00

Guy Pratte, associé chez BLG, a défendu la cause de Lola en appel. Il la défend aujourd'hui dans ''La Presse''. Attaqué par une journaliste, il réplique fermement. Découvrez son texte ...
Je n'ai pas l'habitude de plaider mes causes dans les médias: j'ai assez de difficulté à le faire devant les tribunaux!

Cela étant dit, comme vous m'interpellez directement dans votre chronique, insinuant une forme de malhonnêteté intellectuelle au motif que j'aurais représenté Lola moyennant compensation, je me permets une brève réplique.

D'emblée, je précise que même si je suis on ne peut plus flatté que vous me décriviez comme étant un de «deux brillants avocats», je n'aurais certes pas la prétention de duper la Cour d'appel du Québec par des acrobaties intellectuelles.

De toute façon, nul besoin de faire appel à la haute voltige juridique.

En effet, le plus haut tribunal de la province a retenu nos prétentions pour une raison très simple qui semble vous échapper totalement.

Car la preuve a clairement démontré que, bien que le législateur québécois tentait de justifier son traitement discriminatoire sur la foi de la présomption que les conjoints de fait avaient bel et bien choisi de se soustraire au régime de protection, cette hypothèse s'avérait totalement fausse.

En outre, il est erroné de prétendre, comme votre article le tient pour acquis, que les «1,2 million de couples québécois qui ont choisi de vivre en union libre» l'ont fait sachant que, ce faisant, ils renonçaient au régime de protection que prévoit le législateur pour tous les couples mariés.

En réalité, comme le souligne la Cour d'appel dans son jugement (et comme le démontrait la preuve présentée par le procureur général du Québec lui-même), la majorité des conjoints de fait croient (à tort) qu'ils bénéficieront de la même protection que celle qu'impose l'État aux couples mariés.

Les conjoints de fait ne choisissent donc pas sciemment de se soustraire au régime de protection que la loi accorde aux couples mariés, pas plus que la majorité des couples ne se marient pour obtenir cette protection.

Justifier la discrimination sur la base de présomptions qui n'ont aucune assise dans la réalité serait, vous en conviendrez, un précédent dangereux puisque, justement, la discrimination est le fruit de préjugés - comme l'histoire nous l'a trop tragiquement enseigné à maintes reprises.

Peut-on se permettre de laisser le législateur promouvoir des pratiques discriminatoires sur la foi de préjugés, même ceux qu'endossent les classes bien pensantes de notre société?

Note: Ce texte a été publié ce matin dans ''La Presse''. Il est reproduit ici avec l'autorisation de l'auteur.
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8 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Apres la politique, le droit par sondage
    Et ben...maintenant ce n est plus le droit qui compte, mais ce qu en comprend le commun des mortels...misere. Le maternalisme aura-t-il une fin? La pensée magique comme fondement de droit? Alors pourquoi s'embarasser de regles, de contrats et d avocats si c est une question de croyance populaire qui prime? On avait pas assez des gouvernements qui "gouvernent" par sondages, voila que les tribunaux le font! A pleurer.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Apres la politique, le droit par sondages!
    Et ben...maintenant ce n est plus le droit qui compte, mais ce qu en comprend le commun des mortels...misere. Le maternalisme aura-t-il une fin? La pensée magique comme fondement de droit? Alors pourquoi s'embarasser de regles, de contrats et d avocats si c est une question de croyance populaire qui prime? On avait pas assez des gouvernements qui "gouvernent" par sondages, voila que les tribunaux le font! A pleurer.

  3. M.N.
    Plaider l'ignorance
    Donc, puisqu'une majorité de conjoints de fait ne sont pas conscients du fait que leur situation ne leur permet pas la même protection que les couples mariés ou unis civilement, on peut conclure qu'il n'y a pas ici de réel exercice de la liberté de choix.

    Voici une belle façon de mettre de côté le principe selon lequel nul n'est censé ignorer la Loi... Doit-on réellement permettre de plaider l'erreur portant sur la Loi? Poser la question est y répondre.

    J'ajouterai également qu'il faut ici distinguer certains concepts. Il ne s'agit pas pour les conjoints de fait de renoncer aux mesures de protections prévues pour les couples mariés ou unis civilement. Une renonciation implique un droit préexistant. Or, les droits qui découlent du mariage ou de l'union civil ne s'acquiert qu'à compter de la célébration de l'union. Le régime n'est tout simplement pas applicable aux conjoints de faits, à moins évidemment que ceux-ci ne décident, ensemble et en toute liberté, de s'y soumettre.

  4. Joe
    ??
    Il me semble que deux des bases du droit sont:

    1- Nul ne peut ignorer la loi

    2- Nul ne peut invoquer sa propre turpitude

    Une fois ses prémisses énoncées, je conçois mal comment le tribunal peut se substituer au législateur.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 14 ans
    Re : ??
    > Il me semble que deux des bases du droit sont:
    >
    > 1- Nul ne peut ignorer la loi
    >
    > 2- Nul ne peut invoquer sa propre turpitude
    >
    > Une fois ses prémisses énoncées, je conçois mal comment le tribunal peut se substituer au législateur.

    Le droit familial est maintenant du pénal?

    • M.N
      Re : Re : ??
      Vous m'envoyez désolé d'avoir à vous informer que ces principes sont loin de n'être qu'applicable en matière pénale.

      Selon vous, puisqu'il s'agit d'une matière familiale, il serait possible de plaider la validité d'un contrat de mariage qui n'a pas été notarié pour le motif que les époux n'étaient pas au fait de cette exigence impérative de la Loi?


      > > Il me semble que deux des bases du droit sont:
      > >
      > > 1- Nul ne peut ignorer la loi
      > >
      > > 2- Nul ne peut invoquer sa propre turpitude
      > >
      > > Une fois ses prémisses énoncées, je conçois mal comment le tribunal peut se substituer au législateur.
      >
      > Le droit familial est maintenant du pénal?

  6. MG
    Contre l'argument mais pas contre le jugement...
    À mon sens, le résultat du jugement a du bon. Je n'appuierai toutefois pas l'argument débattu s'appuyant sur l'ignorance de la majorité des gens en union libre puisque, comme le disent les commentateurs précédents, cela revient à alléger le principe selon lequel nul n'est tenu d'ignorer la loi.

    Toutefois, je ne suis pas prête à dire que le jugement est mauvais au fond puisqu'il accorde la protection du mariage aux couples en union de fait, ce qui n'est d'ailleurs pas totalement le cas, même avec ce jugement.

    L'argument que j'appuierais d'avantage serait plutôt que le simple fait de s'engager dans une telle relation revient à du consentement libre et éclairé (et assez express merci) de la part des deux conjoints et cela fait que je ne vois pas pourquoi celui qui subit un préjudice de la séparation n'aurait pas droit à un minimum de protection.

    Comme dans la cause de Lola c. Éric, l'homme ne voulait pas se marier pour ne pas être obligé de donner un centime à Lola.
    Vous me direz qu'elle en avait déjà bien assez comme ça et qu'elle semble bien gourmande celle-là...

    Mais transférons alors le cas chez un couple où le mari fait beaucoup d'argent et où la femme est toujours restée à la maison pour s'occuper des enfants, de la maison et toujours pris soins que le petit repas soit toujours chaud à l'arrivée tardive de son mari...lui n'a jamais voulu se marier et elle a toujours été la bonne épouse aimante en rêvant que peut-être un jour il lui ferait sa grande demande...ce qui n'est jamais arrivé, bien entendu.

    À la séparation (relation qui a duré des années) la dame doit vivre dans un appartement et retourner travailler chez Tim Horton...vous trouvez que ça a du sens? Pourtant c'est une situation qui se produit au Québec...

  7. Me
    Me
    >>>> À la séparation (relation qui a duré des années) la dame doit vivre dans un appartement et retourner travailler chez Tim Horton...vous trouvez que ça a du sens? Pourtant c'est une situation qui se produit au Québec...

    Qu'est-ce qu'il y a de mal que de vivre dans un appartement?

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