La Cour d’appel du Québec se prononce sur la compétence fédérale directe et dérivée sur des ouvrages déclarés à l’avantage du Canada
Claudia Desjardins Bélisle Et Philippe Larochelle
2024-07-30 11:15:02
Le 18 avril 2024, la Cour d’appel du Québec s’est prononcée sur le partage des compétences constitutionnelles en matière de relations de travail dans la décision Procureur général du Québec c. SGS Canada inc.. SGS Canada Inc. (« SGS ») était représentée par Claudia Desjardins Bélisle et Philippe Larochelle de Miller Thomson.
Historique du dossier : décisions du TAT et de la Cour supérieure En 2019, Claudia Desjardins Bélisle et Isabella Gallo ont représenté SGS, un leader mondial de l’inspection, du contrôle et de la certification, dans le cadre d’une requête en accréditation déposée par la CSN en vertu du Code du travail du Québec.
Celle-ci visait à accréditer la CSN comme agent négociateur pour les inspecteurs de la division de grains de SGS, œuvrant principalement dans les terminaux à grains dans les ports le long du fleuve Saint-Laurent.
Ceux-ci effectuent notamment le contrôle de la qualité des grains pour les exploitants des terminaux à grains et les acheteurs de grains avant le chargement des navires.
Devant le Tribunal administratif du travail (« TAT »), SGS a soulevé un moyen déclinatoire, invoquant que le TAT n’avait pas juridiction pour rendre une décision sur la demande d’accréditation, puisque les inspecteurs de grains relevaient de la compétence fédérale et étaient donc assujettis au Code canadien du travail.
En effet, les terminaux à grains sont des ouvrages déclarés à l’avantage du Canada en vertu de la Loi sur les grains du Canada. Le Procureur général du Québec (« PGQ ») est intervenu au dossier pour faire valoir que les inspecteurs relevaient de la compétence provinciale en matière de relations de travail.
Le TAT a déclaré que les employés de la division de grains de SGS étaient assujettis à la compétence fédérale, mais seulement de manière dérivée. Il a considéré que puisque SGS n’exploitait aucun terminal à grains, ses inspecteurs rendant des services aux clients de SGS ne pouvaient relever de la compétence fédérale directe.
Le TAT a néanmoins jugé que les inspecteurs de grains étaient suffisamment intégrés à une entreprise fédérale de manière dérivée, car leurs activités étaient intégrées à six terminaux portuaires le long du fleuve Saint-Laurent, dont le terminal à grains de Montréal qui est le plus important client de la division des grains de SGS au Québec.
Le PGQ a déposé un pourvoi en contrôle judiciaire de la décision rendue par le TAT. La Cour supérieure a rejeté le pourvoi en contrôle judiciaire, jugeant que les inspecteurs de la division des grains de SGS étaient suffisamment intégrés au terminal à grains portuaire de Montréal pour relever de la compétence fédérale dérivée.
Suivant la décision rendue par la Cour supérieure, le PGQ a formulé une demande de permission d’en appeler, laquelle lui fut accordée. Décision de la Cour d’appel Le 29 janvier 2024, Claudia Desjardins Bélisle et Philippe Larochelle ont plaidé devant la Cour d’appel du Québec à titre de représentants de SGS.
L’arrêt a été rendu le 18 avril 2024. La Cour d’appel rejette l’appel du PGQ. Cependant, contrairement au TAT et à la Cour supérieure, elle considère que les inspecteurs de grains relèvent de la compétence fédérale directe, comme le prétendait SGS.
D’abord, la Cour d’appel juge que les inspecteurs à grains de SGS au Québec forment un groupe suffisamment distinct et autonome pour être distingué du reste des activités de SGS aux fins de la qualification constitutionnelle.
Sur l’argument de la compétence fédérale directe, la Cour d’appel juge que la compétence fédérale sur les ouvrages déclarés à l’avantage du Canada en vertu de la Loi sur les grains du Canada découle non seulement de l’alinéa 92(10)(c) de la Loi constitutionnelle de 1867 qui permet au Parlement fédéral de déclarer un ouvrage à l’avantage du Canada, mais également de la compétence fédérale portant sur la réglementation du trafic et du commerce, la navigation et les navires et les poids et mesures.
La Cour énonce également que la compétence fédérale en matière de relations de travail emporte le contrôle des employés nécessaires et essentiels aux opérations des terminaux à grains, peu importe l’identité de l’un ou l’autre des employeurs impliqués dans l’exploitation de l’ouvrage déclaré à l’avantage du Canada.
La Cour conclut que les activités des inspecteurs de grains sont entièrement intégrées aux terminaux portuaires le long du fleuve Saint-Laurent. Ces activités font partie du contenu essentiel de la compétence fédérale composite sur les grains qui sont nécessaires et essentielles au fonctionnement des ouvrages déclarés à l’avantage du Canada liés aux grains.
De plus, les activités des inspecteurs de grains sont nécessaires et essentielles afin d’atteindre la finalité de la Loi sur les grains du Canada, dont l’efficience du commerce interprovincial et international des grains.
Sur l’argument de la compétence fédérale dérivée, la Cour d’appel considère que même si les inspecteurs à grains ne relevaient pas de la compétence fédérale directe, la Cour aurait conclu que les inspecteurs relevaient de la compétence fédérale dérivée, étant suffisamment intégrés à une seule entreprise fédérale principale, soit l’entreprise Viterra exploitant le terminal portuaire de Montréal.
Cet arrêt est une décision phare traitant du droit applicable aux questions de partage de compétences constitutionnelles en matière de relations de travail, particulièrement dans le contexte d’employés travaillant sur des ouvrages déclarés à l’avantage du Canada.
Le PGQ a déposé une demande de permission d’appeler du jugement de la Cour d’appel auprès de la Cour suprême
À propos des auteurs
Claudia Desjardins Belisle pratique au sein du cabinet Miller Thomson. Elle est spécialisée dans la défense des employeurs et dans la résolution de litiges complexes.
Philippe Larochelle pratique en droit de l’emploi et du travail québécois chez Miller Thomson.