Opinions

Le procès de la justice

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Jean Barbe/Agence Qmi

2011-06-13 13:15:00

J’avoue un penchant pour le thriller judiciaire. Enfant, je me voyais bien un jour exercer la profession d’avocat, et plaider en poète avec des effets de manches pour la justice sociale et les droits de la veuve et de l’orphelin. Hélas, la veuve réclame tout l’héritage, et l’orphelin est sur le crack....
Évidemment, la plupart des thrillers judiciaires sont des pièces de théâtre pleines de rebondissements qui ont peu à voir avec la réalité tracassière des tribunaux. N’empêche, l’actualité se charge régulièrement de nous le rappeler, que l’idée de la justice pour tous est solidement ancrée dans notre culture.

L’affaire Bertrand Cantat, l’affaire DSK, la corruption dans le milieu de la construction, les enveloppes brunes des maires, le méga procès des Hell’s, la saga de l’amphithéâtre de Québec… Toutes ces affaires ont en commun des gens de pouvoir qui s’estiment au-dessus des lois, ou qui cherchent à les contourner…

John Grisham, le maître des best-sellers judiciaires
John Grisham, le maître des best-sellers judiciaires
Dans un monde idéal, nous n’aurions pas besoin de toutes ces lois qui régissent les moindres de nos mouvements, de nos humeurs et de nos actions. Mais notre monde n’est pas idéal, justement, et la compassion, le sens de l’honneur et les promesses verbales ne tiennent pas la route longtemps quand c’est chacun pour soi et au plus fort la poche. Nous avons besoin de lois et du système judiciaire pour nous protéger de la bête en nous, jamais bien loin.

La classe politique s’en remet de plus en plus aux tribunaux pour ne pas avoir à trancher dans les grandes causes qui pourraient leur faire perdre une partie de l’électorat. Mais ça ne l’empêche pas de vouloir se servir de la justice pour gagner des points dans les sondages. Le méga procès des Hells, dont 31 membres ont été libérés à cause de l’engorgement du tribunal, ne prouve pas la faillite de notre système judiciaire, mais plutôt celle d’un gouvernement qui voulait se faire du capital politique en montant un gros show de boucane plutôt que de laisser les procureurs faire leur job.

C’est de ça, dont a marre l’électorat. Cette quête du profit personnel ou politique au détriment de la justice pour tous a des relents de pourriture. Qu’ils ne viennent pas s’étonner ensuite qu’on lève le nez sur eux.

À chacun sa peine

John Grisham est, depuis La Firme (1991), le maître des best-sellers judiciaires. Je l’aime bien, moi, j’avoue. J’ai lu de lui, l’an dernier, ses « Chroniques de Ford County », un recueil de nouvelles pas du tout judiciaire, et très bien tourné, plein de compassion et d’amour pour tous ces laissés pour compte de l’Amérique à deux vitesses…

J’avais beaucoup moins apprécié sa tentative lamentable (et invraisemblable) de roman jeunesse : « Théodore Boone, enfant et justicier ».

Le dernier ouvrage de Grisham aborde la peine de mort pour mieux la dénoncer
Le dernier ouvrage de Grisham aborde la peine de mort pour mieux la dénoncer
Avec « La Confession » (Robert Laffont, 492 pages), vous ne vous ennuierez pas une seconde, même si ce roman n’est pas un thriller. Il y est question d’un innocent dans le couloir de la mort, attendant son exécution. Grisham nous fait comprendre tout ce qu’implique dans une communauté cette gestion de la mort appliquée par l’État, toutes les tensions sociales, politiques, toute la peine des proches de la victime comme de celles de l’accusé, toutes les horreurs d’une justice manipulée par des gens puissants pour rester en poste ou obtenir une promotion. C’est un livre radicalement contre la peine de mort. Dans un pays qui, bon an mal an, exécute une cinquante de prisonniers, et dont tous les citoyens ont le droit constitutionnel d’être armés jusqu'aux dents, c’est un acte courageux.

Le gouvernement canadien, qui s’inspire de plus en plus des pratiques états-uniennes, joue aussi cette carte d’une justice particulièrement sévère, implacable pour se gagner des votes. Le roman de Grisham fait particulièrement froid dans le dos quand on pense qu’un jour la justice d’ici pourrait ressembler à celle de là-bas.

Nous avons dormi au gaz, nous avons laissé faire. Notre cynisme de citoyen a laissé le champ libre aux détourneurs de justice et aux démagogues politiques. Nous en paierons chèrement le prix, vous verrez. En fait, c’est déjà commencé.

Pendant qu’on se déchire pour un amphithéâtre, faut-il le répéter, des gens ont faim, d’autres meurent, et beaucoup, beaucoup n’ont plus grand espoir d’un avenir meilleur. N’est-ce pas là, au fond, le vrai crime?
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