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Les petits caractères sont-ils éthiques?

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René Villemure

2011-09-07 13:15:00

Les textes en petits caractères qu'on peine à lire sur les contrats d'abonnement, d'assurance ou autres... sont-ils éthiques? L'éthicien et président-fondateur de l'Institut québécois d'éthique appliquée, René Villemure, nous livre des éléments de réponse.
Avez-vous déjà remarqué les petits caractères qui s’empilent au bas des annonces imprimées dans les journaux? Avez-vous déjà remarqué les petits caractères qui défilent à une vitesse impossible à lire dans les pubs télé? Avez-vous déjà lu un contrat d’assurances ou un contrat de location de voiture?

La réponse à ces questions est probablement, dans tous les cas, « non ».

Le premier cas de figure nécessite une loupe, le second nécessite un appareil enregistreur que l’on ferait défiler de nombreuses fois à basse vitesse tandis que le troisième exige une licence en droit.

Non, nous n’avons pas lu ces petits caractères pourtant écrits par une armée de juristes expressément pour nous; non, nous n’avons pas lu ce contrat d’achat ou de location impossible à comprendre mais néanmoins écrit pour nous.

D'après René Villemure, personne ne lit ces petits caractères ou ces contrats
D'après René Villemure, personne ne lit ces petits caractères ou ces contrats
Personne ne lit ces petits caractères ou ces contrats. On ne les lit pas soit par négligence ou par méconnaissance du charabia dans lequel ils sont rédigés mais, surtout, on ne les lit pas parce que nous ne les voyons pas ou parce que nous ne les comprenons pas. Le rédacteur le sait; le vendeur de bien ou de services le sait et nous le savons aussi.

D’ailleurs, que pourrions-nous faire si nous décidions de contester une de ces clauses? La conséquence probable d’une telle contestation serait, ni plus ni moins, un refus du vendeur de vendre le bien ou le service. Nous aurions alors le loisir d’aller chez son compétiteur qui nous proposerait, lui aussi, un contrat similaire, rédigé dans la même jurilangue et qui contiendrait les mêmes clauses.

Ainsi, en affaire contractuelle ou publicitaire, souvent, nous n’avons pas le choix.

Pouvons-nous, de cette manière, prétendre à une décision éclairée?

J’en doute.

Pourtant, la raison d’être de ces mises en garde ou de ces contrats volumineux n’est-elle pas le résultat d’exigences faites par le législateur afin de protéger le consommateur? Là aussi, le doute persiste. L’intention première était peut-être de protéger le consommateur mais le résultat final est assurément de protéger le rédacteur du contrat, c’est-à-dire le vendeur…

Si le vendeur n’avait pas « honte » des clauses spécifique à son « offre sensationnelle », il ne devrait pas être inconfortable avec l’idée de rendre ces clauses lisibles ou explicites.

En ce qui concerne l'éthique, l’existence même des petits caractères ou des volumineux contrats doit être associée à une forme mineure de la manipulation. Et comme toute manipulation, celle-ci n’a qu’un but : empêcher le décideur d’agir comme s’il avait su.

Le décideur aurait-il acheté le bien ou le service sachant qu’il y avait une obligation « X » rédigée en micro-caractères impossibles à lire à l’œil nu associée à celui-ci? Il aurait pourtant dû savoir, c’était écrit en petit caractères dans la publicité ou dans l’interminable contrat qu’on lui a fait signer avant de lui « permettre » d’acheter…

Si ces clauses sont tellement importantes pour le consommateur, le vendeur devrait avoir l’obligation de les rendre claires, lisibles et compréhensibles par l’acheteur. Le vendeur ne peut lui-même se dégager de sa responsabilité par le seul fait qu’il ait écrit ses réserves en « petits caractères ».

Ainsi, les « petits caractères » sont-ils éthiques?

Il me semble qu’il soit difficile de parler d’éthique et de manipulation dans le même souffle…

Qu’en pensez-vous?



Ce texte a été publié sur le site de l'Institut québécois d’éthique appliquée. Il est reproduit avec l'autorisation de l'auteur.

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7 commentaires
  1. DSG
    Qu’en pensez-vous?
    What I think is that there is no place for ethicists on a blog composed manly of lawyers. Law has nothing to do with ethics. Besides, how does one become an ethicists anyway? Is that even a science?
    "Hey, I'm not sure that this is ethical. Let's call an ethicist." Yeak, right.

    • Imbé...
      Imbé...
      il y a 13 ans
      Re
      > What I think is that there is no place for ethicists on a blog composed manly of lawyers. Law has nothing to do with ethics. Besides, how does one become an ethicists anyway? Is that even a science?

      Parce que le droit est une science peut-être???

      Mais quel commentaire *&?%*

  2. GBS
    GBS
    Je comprends qu'en éthique, au Québec, il faille peut-être commencer par la base, mais là, vous faites du zèle en ce qui concerne le plus bas dénominateur commun.

  3. Fabien
    Fabien
    il y a 13 ans
    Petits caractères, grossière simplification?
    Prémisse intéressante, mais la réponse est me semble-t-il autrement plus complexe que celle que suggère M. Villemure.

    1. Un nombre non significatif de clients (dont je suis) lisent systématiquement ces fameux "petits caractères". C'est en ce qui me concerne la base de l'achat responsable. De dire que "personne ne les lit" revient à infantiliser le public, en présumant qu'il est par défaut distrait, inconscient, ou pire, idiot.

    2. Si ces "petits caractères" étaient plus grands, les lirait-on davantage? Pas à en croire M. Villemure, puisqu'il semble partir du principe qu'une offre assortie de conditions complexes est une offre qui n'est pas éthique. Mais alors, quelle est la solution? Le seul moyen d'éliminer les petits caractères, c'est de retirer toute condition à une offre. Par exemple, le client préfère-t-il vraiment (et peut-il seulement) payer comptant son nouveau véhicule? Si oui, alors on retire toutes ces mentions relatives au coût du crédit, prescrites par la loi. Mais est-ce vraiment à l'avantage du public? N'est-ce pas la loi du marché qui fait en sorte que les marchands doivent rivaliser pour des offres toujours pour complexes et qui, par définition, seront assorties de conditions complexes?

    A la base, toute publicité est mensonge, car elle est par définition une distortion de la réalité, insistant sur les aspects attirants d'un produit ou service. Comme M. Villemure, j'aimerais vivre dans un monde plus simple... Malheureusement, la version de la simplicité défendue dans cet article me semble utopique.

  4. Fabien
    Fabien
    il y a 13 ans
    Petits caractères, grossière simplification? -- correctif
    Bien sûr, c'était "un nombre significatif" que je voulais écrire en ouverture du point 1.

  5. GBS
    GBS
    > De dire que "personne ne les lit" revient à infantiliser le public, en présumant qu'il est par défaut distrait, inconscient, ou pire, idiot.

    Logiquement, environ la moitié de la population est sous la moyenne d'intelligence.

    Vous posez la question de la mauvaise manière.

    Quelle est la raison pour laquelle ces caractères sont volontairement rendus plus difficiles à lire?

    Pour tromper les gens, tout en étant capable d'argumenter par la suite que l'information s'y trouvait.

    Il est vrai que si tout le monde faisait des enquêtes poussées sur tout, il y aurait moins d'abus.

    Mais il faut reconnaître la réalité des choses, et le fautif est celui qui essaie de tromper, pas celui qui fait confiance, ou qui assume ce qu'il est raisonable d'assumer.

    • Fabien
      Fabien
      il y a 13 ans
      Re : GBS
      > Logiquement, environ la
      > moitié de la population est
      > sous la moyenne
      > d'intelligence.

      Vous avez raison. Alors le théâtre et les études universitaire non plus ne sont pas éthiques, puisqu'ils ne sont pas accessibles à la majorité. Abolissons.

      > Quelle est la raison pour
      > laquelle ces caractères sont
      > volontairement rendus plus
      > difficiles à lire?
      >
      > Pour tromper les gens, tout
      > en étant capable d'argumenter
      > par la suite que
      > l'information s'y trouvait.

      Je me demande si ce n'est pas plutôt vous qui répondez à la question de la mauvaise manière?

      Les petits caractères peuvent être rendus difficiles à lire pour plusieurs raisons. Vous choisissez la théorie du complot; c'est défendable. Mais la plus évidente, en ce qui me concerne, est qu'ils sont souvent "cachés" car secondaires. Par exemple, comme client, est-ce que vous accordez vraiment autant d'importance au fait qu'une voiture coûte X$, et à la manière dont les intérêts sont calculés sur ce montant? Vous conviendrez avec moi qu'on ne pourrait vivre ainsi.

      Le marchand responsable ne gagne rien en "cachant la vérité" à ses clients. Tout ce qu'il gagne, c'est justement, que ses clients se plaignent par la suite de ne pas avoir été correctement informés. Cela ne veut pas dire que certains marchands ne font pas preuve de malhonnêteté... Mais de là à dire que les petits caractères ne sont pas éthiques, ou devraient être éliminés parce que "le peuple" est trop bête, je vois un pas.

      > Mais il faut reconnaître
      > la réalité des choses, et
      > le fautif est celui qui
      > essaie de tromper, pas
      > celui qui fait confiance,
      > ou qui assume ce qu'il est
      > raisonable d'assumer.

      Si le marchand essaie de tromper, alors nous sommes d'accord, ce n'est pas évidemment pas légitime. Par contre, il n'est pas nécessaire pour autant de basarder les petits caractères! Les principes élémentaires du droit de la pub veulent que ces petits caractères ne puissent être utilisés pour contredire l'impression générale qui se dégage d'un message publiciaire; ils ne peuvent que modifier ce message. Bref, ils ne sont que le reflet d'une offre qui peut être plus compliquée que ce que laisse entendre ce message!

      La publicité est ce qu'elle est. Il ne faut en général y voir ni une tentative du vilain marchand de nous berner, ni plus qu'une certaine interprétation de la réalité.

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