L’incertitude liée à la pandémie de la Covid-19 justifie le licenciement
Stéphane Gaudet Et Vincent Gingras
2021-08-04 11:15:00
Les faits
Le plaignant est embauché par l’employeur en 2012 à titre de représentant au développement des ventes à l’international. L’entreprise, spécialisée dans la construction de bâtiments à grande portée, offre ses services partout à travers le monde. En mars 2020, elle connait une diminution importante de ses activités, notamment en raison des restrictions de voyages à l’étranger, adoptées au début de la pandémie et de la crise sanitaire qui y est associée.
Brièvement mis à pied, le plaignant retourne au travail au début du mois du mai suivant. Le 14 mai 2020, le plaignant reçoit même une augmentation salariale. À cette occasion, l’employeur rassure le plaignant en lui confirmant le maintien de son emploi.
Toutefois, le 29 mai 2020, l’employeur invoque l’incertitude associée à la pandémie de la Covid-19 pour procéder au licenciement du plaignant. En effet, il allègue que la crise sanitaire l’empêche de prévoir adéquatement son éventuel besoin de main-d’œuvre et laisse inévitablement entrevoir une importante réduction de ses activités.
Cette volte-face de l’employeur pousse donc le plaignant à contester sa fin d’emploi en déposant une plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante, fondée sur l’article 124 de la LNT.
La décision
Dans sa décision, le Tribunal distingue les notions de « congédiement » et de « licenciement » : la première étant liée à des raisons propres au salarié alors que la seconde, à des raisons propres à l’entreprise. Lorsque l’employeur invoque que la terminaison d’emploi découle d’un licenciement, par opposition à un congédiement, le Tribunal doit évaluer si le motif invoqué au soutien du dit licenciement ne camouflerait pas plutôt une situation de congédiement.
En présence de ce qu’il estimera être un prétexte, le Tribunal pourra donc conclure que le plaignant est plutôt victime d’un congédiement, alors effectué sans cause juste et suffisante. Le fardeau de prouver que le licenciement (fondé ici sur les difficultés économiques inévitables alléguées) est réel, et qu’il qualifie véritablement la fin d’emploi, repose donc sur l’employeur.
En l’espèce, le Tribunal conclut que l’employeur est en mesure de démontrer que l’incertitude associée à la crise sanitaire entraînera une diminution importante de ses activités.
Le Tribunal précise d’ailleurs que même si toutes les données étaient inconnues au moment du licenciement du plaignant, il était tout de même évident que l’année 2020 s’annonçait financièrement difficile pour l’employeur, et que ses ventes seraient considérablement réduites. Et cela même si en mai 2020, il était impossible de prévoir la durée de la crise, ni même la hauteur de ses impacts économiques.
Par conséquent, indépendamment de la situation financière de l’entreprise, la baisse inévitable de ses affaires justifiait la réorganisation de ses activités et le licenciement du plaignant.
Quant au fait que l’employeur ait choisi le plaignant pour procéder à son licenciement, le Tribunal estime que son ancienneté et ses habiletés, prises en considération par l’employeur, constituaient des critères objectifs.
La manière expéditive dont le licenciement a été mis en œuvre, de même que les conditions qui y sont assorties (soit le paiement du strict minimum prévu par la loi) peuvent laisser perplexe. Mais cela dit, le Tribunal conclut que les circonstances qui lui ont été exposées ne peuvent pas modifier la qualification de la rupture du lien d’emploi ; il s’agit bel et bien d’un licenciement. La plainte contestant un congédiement est donc rejetée.
À retenir
La crise sanitaire a obligé plusieurs entreprises à réduire leurs effectifs, provoquant plusieurs licenciements. Cette décision du Tribunal administratif du travail démontre que l’incertitude associée à la pandémie de la Covid-19, qui affectera inévitablement les opérations d’une entreprise, peut justifier l’imposition d’un licenciement.
Paradis c. 9123 – 1878 Québec inc. 2021 QCTAT 2632
Mes Stéphane Gaudet et Vincent Gingras oeuvrent en droit de l’emploi et en relations du travail chez Loranger Marcoux.