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Modifications de la loi sur la concurrence

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Andrée-anne Perras-fortin Et Samuel Ross

2024-08-19 11:15:37

Andrée-Anne Perras-Fortin et Samuel Ross, les auteurs de cet article. Source : Robic
Andrée-Anne Perras-Fortin et Samuel Ross, les auteurs de cet article. Source : Robic
Un bref regard sur les dispositions renforcées relatives aux déclarations environnementales…

Le 20 juin 2024, le projet de loi C-59, Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne 2023, a reçu la sanction royale, apportant ainsi d’importantes modifications visant à moderniser la Loi sur la concurrence (la « Loi »).

Parmi celles-ci, certains ajouts auront un impact significatif sur le traitement des représentations environnementales.

L’écoblanchiment

L’écoblanchiment consiste à laisser croire aux consommateurs que les produits ou services qui leur sont offerts ont des qualités écologiques ou environnementales exagérées ou inexistantes. Cette pratique commerciale peut frôler, voire transgresser, les limites de la légalité, surtout lorsqu’elle implique des représentations publiques fausses ou trompeuses.

Le contexte législatif et le Bureau de la concurrence

Avant l’entrée en vigueur des récentes modifications législatives, la Loi prohibait déjà les pratiques commerciales trompeuses, notamment en interdisant aux entreprises de fournir des indications fausses ou trompeuses sur un point important afin de faire la promotion d’un produit, d’un service ou d’une entreprise.

Or, bien que les dispositions de la Loi permettaient au commissaire de la concurrence, qui dirige le Bureau de la concurrence du Canada (le « Bureau »), et aux tribunaux de sévir contre l’écoblanchiment, elles ne contenaient pas de dispositions spécifiques à cette problématique, ce qui soulevait des défis d’application et de prévisibilité.

Afin de guider leurs pratiques commerciales, les entreprises s’en remettaient aux publications du Bureau relativement aux déclarations environnementales et à l’écoblanchiment. En novembre dernier, afin de clarifier le régime législatif entourant l’écoblanchiment, le gouvernement fédéral a publié son projet de loi intitulé Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne 2023, qui annonçait notamment l’insertion de dispositions relatives aux pratiques commerciales trompeuses en matière d’environnement.

Ces annonces constituaient déjà un signal clair selon lequel le gouvernement fédéral prend au sérieux la lutte contre l’écoblanchiment.

Après quelques révisions et son adoption le 28 mai 2024, le Projet de loi C-59 a finalement reçu la sanction royale le 20 juin 2024.

Changements législatifs en matière environnementale

D’abord, les ajouts au paragraphe 74.01(1) de la Loi confèrent au Bureau le droit d’enquêter sur les déclarations environnementales d’entreprises potentiellement fausses ou trompeuses. Les modifications législatives permettent désormais au Bureau d’examiner le comportement d’une entreprise qui fait une déclaration ou présente une garantie visant les avantages d’un produit pour la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux, sociaux et écologiques des changements climatiques.

La Loi exige dorénavant que ces indications soient fondées sur la démonstration d’épreuves suffisantes et appropriées, un fardeau qui incombe à l’entreprise à l’origine des indications. Nous notons au passage que la notion de produit au sens de la Loi comprend tout article (c’est-à-dire les biens meubles et immeubles de toute nature) ainsi que tout service.

L’écoblanchiment ne visant pas seulement que les produits et services d’une entreprise, la Loi prévoit également que le Bureau pourra enquêter sur les indications relatives aux avantages d’une entreprise ou à ses activités quant à la protection ou la restauration de l’environnement ou l’atténuation des causes ou des effets environnementaux et écologiques des changements climatiques.

Comme dans le cas de l’ajout discuté précédemment, il appartient à l’entreprise qui donne ces indications de faire la démonstration que ces dernières se fondent sur des éléments corroboratifs suffisants et appropriés obtenus au moyen d’une méthode reconnue à l’échelle internationale.

Des suites de ces changements législatifs, la capacité du Bureau à agir contre les indications environnementales non fondées se trouve renforcée. Les entreprises auront donc un intérêt particulier à respecter ces nouvelles obligations expresses, car les sanctions administratives pécuniaires peuvent s’élever à plusieurs millions de dollars.

De plus, les nouvelles dispositions législatives permettront l’accès privé au Tribunal de la concurrence en matière de commercialisation trompeuse à partir du 20 juin 2025. Dans la version actuellement en vigueur de la Loi, seul le Bureau peut introduire un recours sur la base d’indications fausses ou trompeuses.

Finalement, les modifications introduisent un nouveau régime volontaire d’approbation préalable pour les accords et arrangements relatifs à la protection de l’environnement. Avant l’introduction de ces modifications, de telles ententes pouvaient être contraires aux dispositions pénales ou civiles de la Loi portant sur les accords ou arrangements empêchant ou diminuant sensiblement la concurrence.

Désormais, si le Bureau détermine qu’une collaboration a pour but de protéger l’environnement et qu’elle n’aura pas pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence, il peut délivrer un certificat attestant cette conviction.

Orientations à venir

À la suite de l’entrée en vigueur des nouvelles modifications à la Loi relatives à la protection de l’environnement, le Bureau a reçu plusieurs demandes de parties intéressées pour obtenir des orientations sur l’interprétation des nouvelles dispositions visant spécifiquement les représentations environnementales et l’écoblanchiment.

Reconnaissant l’importance de se pencher sur l’incidence de ces nouvelles exigences, le Bureau prévoit lancer une consultation publique dans le but d’élaborer des orientations de manière accélérée permettant aux entreprises d’obtenir transparence et prévisibilité dans l’application de la Loi.

À propos des auteurs

Andrée-Anne Perras-Fortin axe sa pratique sur le droit des contrats liés à la propriété intellectuelle, le droit d’auteur et le droit des marques de commerce chez Robic. Elle s’intéresse également aux enjeux juridiques entourant le développement et l’implantation des technologies émergentes.

Samuel Ross œuvre en litige de propriété intellectuelle et conseille ses clients dans toutes les facettes de ce domaine de droit, tant au niveau stratégique que litigieux chez Robic.

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