Que défendent au juste les opposants à la Loi 21 ?
Nadia El-Mabrouk Et Yasmine Mohammed
2022-11-16 11:15:00
À l’heure où les Iraniennes et les Iraniens luttent pour la liberté et affrontent le régime théocratique des Mollahs, certaines déclarations ont de quoi choquer.
Afin de contester l’article 8 de la loi prescrivant aux députés d’exercer leurs fonctions à visage découvert, autrement dit afin de défendre le port du niqab (voile intégral) à l’Assemblée nationale, Me Olga Redko, avocate du Conseil national des musulmans canadiens et de l’Association des libertés civiles canadiennes, a plaidé jeudi que « la religion fait partie intégrante de l’identité » et qu’on ne peut donc demander à une personne d’enlever une partie de son identité.
Comment peut-on faire valoir un tel argument tout en défendant la liberté religieuse? Si la religion est une identité, alors ce n’est plus une liberté.
Du reste, cette vision de la religion heurte de front l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui proclame la liberté de changer de religion ou de conviction précisément au nom de la liberté de conscience, de pensée et de religion.
Cet argument est d’autant plus ahurissant lorsqu’il concerne le niqab. Comment peut-on être aveugle au point de concevoir cette prison pour femme comme une identité et ne pas y voir l’emblème des régimes islamistes les plus misogynes de la planète?
Faire le parallèle entre voile et identité des femmes musulmanes, c’est faire le jeu des islamistes qui ne demandent qu’à ancrer cette idée dans la population.
Un devoir de protection de la part de l’État
Considérer les signes religieux comme faisant partie de son identité relève de l’intégrisme religieux. À entendre l’avocate de Coalition inclusion Québec, « le seul but de la loi 21 est d’enlever des droits à des groupes ».
Non, cette loi donne plutôt à toute personne le doit à des services publics laïques. L’exigence de neutralité d’apparence des enseignants et enseignantes vise justement à offrir aux élèves un cadre d’apprentissage exempt d’intégrisme religieux, afin qu’ils puissent exercer leur liberté de pensée.
C’est d’autant plus important pour les jeunes qui subissent des pressions religieuses à l’extérieur de l’école.
Avant de se préoccuper du droit des enseignants de porter des signes religieux, pourrait-on prioriser l’intérêt des enfants?
Yasmine (co-autrice de ce texte) relate, dans son livre « Lever le voile », son enfance tragique dans une famille islamiste en Colombie-Britannique.
Entre autres malheurs, Yasmine est inscrite dans une école musulmane illégale, forcée de porter le voile dès le plus jeune âge, puis le niqab. Elle est battue dès l’âge de 6 ans pour des difficultés à mémoriser des versets du coran, ou à d’autres occasions pour des questions d’honneur.
Mais le plus incompréhensible est l’absence d’écoute et de protection de la part des institutions de la province. Ayant porté plainte contre ses parents pour maltraitance, un juge la renvoie dans sa famille après avoir statué que l’usage de la violence était normal dans la culture musulmane!
Quelle culture veut-on valoriser au juste?
Lorsque Perri Ravon avocate de la Commission scolaire English Montreal (CSEM) et Julius Grey représentant le Québec Community Groups Networks affirment que la laïcité serait contraire à « la culture de la minorité », de quelle culture s’agit-il au juste?
Qu’en est-il de la culture des milliers d’Iraniennes qui défilent tête nue dans les rues de Téhéran ou de Montréal, au péril de leur vie, pour dénoncer l’application des lois islamiques?
L’avocate de la CSEM explique dans son plaidoyer que les commissions scolaires anglophones ont vécu la loi 21 comme un affront à leur identité et à leurs valeurs.
S’agirait-il alors de promouvoir la culture de la CSEM? En la présentant comme « la culture de la minorité », la Commission scolaire English Montreal n’en concevrait-elle qu’une seule et à son image?
Confondre « culture de la minorité » et intégrisme religieux est un affront aux citoyens venant d’ailleurs qui ne demandent qu’à bénéficier des mêmes libertés que tous les autres, et de services publics laïques pour leurs enfants.
Avant d’inventer des arguments juridiques contraires au bon sens pour défendre le port de signes religieux par les représentants de l’État, il serait plus judicieux de penser à la protection des enfants, de toute confession religieuse, que l’absence de balises laïques rend vulnérables à l’enfermement identitaire.
Nadia El-Mabrouk est présidente du Rassemblement pour la laïcité. Il s’agit d’un regroupement d'individus et d'organismes ayant en commun la promotion de la laïcité comme philosophie humaniste de pensée et comme régime juridique régissant les relations entre les citoyens du Québec et leurs institutions publiques.
Yasmine Mohammed est présidente de Free Hearts Free Minds, une organisation à but non lucratif engagée à aider les personnes vivant dans des pays qui les persécuteront ou les exécuteront pour ce qu'ils croient ou pour qui ils aiment.
Anonyme
il y a 2 ansL'argument concernant l'identité réside dans le fait que le port d'un signe religieux n'est pas facultatif chez certains croyants : "laisser le signe à la maison" pendant ses fonctions revient à une violation de la liberté religieuse. Ce que le législateur ne nie pas, puisqu'il s'est prévalu de la disposition de dérogation.
La Québec et le Canada sont déjà neutres en matière religieuse; la Cour suprême du Canada l'a répété à maintes reprises. L'existence même d'une liberté religieuse constitutionnalisée empêche l'État d'afficher toute préférence envers une croyance au détriment d'une autre. En cela, la Loi 21 est une coquille vide.
Les sympathisants de la Loi 21 ont échoué à établir tout lien basé sur des données probantes entre le port d'un signe religieux et le prosélytisme. Ce dernier peut très bien survenir en l'absence de tout signe religieux. Il est même probable qu'une enseignante portant un signe religieux redoublera de prudence à cet égard étant donné la méfiance actuelle.
Enfin, il n'existe pas un tel droit de ne pas être exposé à des signes religieux. De la même façon, il existe une liberté d'expression, et non un droit de ne pas être exposé aux opinions qu'on juge erronées.
Anonyme
il y a 2 ansCes défenseurs autoproclamés de la liberté individuelle, derrière leur discour de pleurniche victimaire, sont du même tonneau que ceux qui ont vandalisé le kioske du seul journal français de McGill. Leur mission: faire disparaitre le peuple québecois.
"« Ça fait des années que des gens voudraient voir Le Délit fermer ses portes, sous seul prétexte qu’il n’est pas nécessaire d’avoir un journal francophone à McGill, continue M. Miro. Dans les dernières semaines, nos kiosques ont même été vandalisés plusieurs fois (sans qu’on sache par qui). On dérange, c’est ben la preuve qu’on fait notre job ! »"
https://www.lapresse.ca/actualites/education/2022-11-16/universite-mcgill/le-seul-journal-etudiant-francophone-risque-de-disparaitre.php
Anonyme
il y a 2 ansDans le phrase suivant celle où tu parles de "pleurniche victimaire", tu déclares que les gens qui auraient vandalisé le kiosque voudraient "faire disparaitre le peuple Québécois". Rien de moins. C'est qui qui se victimize?
Pirlouit
il y a 2 ansVous n'êtes pas capable de faire la différence entre du vandalisme objectif et une personne qui se prétend victime subjective ?
Luc DAVIN
il y a 2 ansCe qu'ils défendent ? ... Ma foi, c'est assez simple : la reconnaissance, pour chaque être humain, du droit à se vêtir comme bon lui semble.
Pirlouit
il y a 2 ansEn lisant votre commentaire on peut croire que les étudiants obligés de porter un uniforme seraient opprimés.
Je ne sais pas où vous avez pêché ce "droit à se vêtir" mais je comprends que ça ne vous dérangerait pas qu'une prof enseigne à vos enfants en burqha ou avec un brassard nazi, voire les deux qui sait.
Moi
il y a 2 ansCest genant comment les commentateurs ignorent la teneur du debat.
Avez vous seulement lu le jugement Blanchard?
D’abord, il declare innaplicable a la csem la loi 21 car celle-ci violerait le droit a l’instruction publique dans la langue de la minorité, ici l’anglais.
Il a decidé que le droit a linstruction publique inclus, a titre d’element culturel propre a cette langue (!), le droit de decider que le prof peut porter un signe religieux. Et le droit a l’instruction dans la langue de la minorité n’est pas sujet a la clause derogatoire.
Il decide par ailleurs, et se gate allègrement a ce niveau, que telle interdiction n’est absolument pas justifiable.
Mais pour les autres commissions scolaires (ie:francophones) c’est attentatoire au « droit a la religion » mais clause derogatoire oblige il n’intervient pas.
Cela dit, que le voile soit gentil ou pas gentil envers les dames musulmanes n’a aucune espece de pertinence, et meme la CAQ/le ministre ni surtout les avocats du PCQ n’ont essayé de justifier la loi 21 sur la « gentillesse » du voile.
Arretez mesdames les choquées contre le voile. Vous avez le droit de ne pas aimer ce symbole, bien sur. Je ne l’aime pas particulierement moi non plus. Mais c’est près d’etre fou raide que de soutenir une mesure visant un ou des signesreligieux en argumentant que « ce/ces signes sont porteurs de pas-finerie envers les femmes en Iran et partout même ».
Vous ignorez le droit totalement.
La question est « est ce une entrave au droit a la liberté de religion, est elle justifiable compte tenu de l’objectif de laicité avancé par le legislateur, la clause derogatoire s’applique t elle en cas de contraveention a ce droit, et, vu la creativité des opposants a ladite loi, est ce que le droit a decider d’avoir des profs portant des signes religieux est protégé par le droit a l’education en anglais? ».
C’est pas mal moins sexy que de debattre de comment le voile doit il etre percu.
Les supporteurs de la loi 21 seraient plus utiles s’ils etaient capables de soutenir le principe de laicitede l’etat et en quoi le port de signes religieux ostentatoires heurte la laicité de l’etat.
Une priere a saguenay oui, mais un voile (ou un turban ou une croix dans le cou) en classe non. La discussion s’articule d’abord autour du role du professeur m/juge/policier vs l’administré, et aussi maintenant sur la « culture » associé a la langue anglaise au Quebec.
Je supporte la legalite de loi 21 (m’en fiche de son opportunité mais la clause derogatoire existe et est utilisée donc ca me derange un peu que l’on tente de la neutraliser), mais mes oreilles frisent quand j’entend des gens critiquer le « sens » ou la « portée » ou la « charge liberticide » du voile.
Ca me donne quasiment le gout de supporter les opposants a la loi 21 misere.
En clair: le port dun signe religieux est peut etre, ou pas, une forme de proselytisme (passif certes) incompatible avec la fonction d’enseignant. Et deuxio le port de signe religieux n’a rien a voir avec la « langue anglaise minoritaire au quebec ». Concentrez vous la dessus mesdames les musulmanes qui n’aiment pas le voile.
Car serieusement vos sorties critiquant tel symbole religieux sont vaines, improductives et derangeantes meme pour n’importe quel juriste. Imaginez pour des juges de nomination federale…
Quand au droit a se vetir comme les gens veulent soulevé par M Davin, c’est lequivalent en terme de non-qualité d’argument que de soutenir que « en iran le voile est impose faque icite je veux pas le voir »