Reconnaissance d’une lésion professionnelle pour une travailleuse accusée faussement d’avoir été à l’origine d’une éclosion du virus de la COVID-19
Émile B. Denault
2025-01-06 11:15:30
Dans la décision Morrison et 9131-0037 Québec inc. (Manoir du Havre), 2024 QCTAT 2806, 18 juin 2024 (j.a. Monia Minville), le Tribunal administratif du travail se penche sur l’admissibilité d’une lésion professionnelle. Il s’agit d’une travailleuse qui prétend avoir subi un accident du travail dont la lésion est un syndrome de stress post-traumatique et un trouble de l’adaptation.
Dans les faits, la travailleuse est infirmière auxiliaire travaillant dans un centre hospitalier de soins de longue durée. Alors que nous sommes en pleine pandémie de la COVID-19, la travailleuse est accusée faussement sur les réseaux sociaux d’être responsable d’une éclosion de cas positifs à la COVID-19 ayant mené au décès de résidents.
En effet, on accuse la travailleuse d’avoir propagé le virus dans le centre dans lequel elle travaille à la suite d’un séjour à Québec. Son employeur la tient également injustement responsable et lui fait parvenir une lettre de mise en demeure déplorant son comportement insouciant et négligent. La preuve révèle toutefois que la travailleuse n’a enfreint aucune règle sanitaire ni aucun règlement de l’employeur. Des démarches auprès de la santé publique ont été faites et il n’a pas été possible de déterminer la cause de l’éclosion.
Le Tribunal doit déterminer si la travailleuse a établi la preuve d’un événement imprévu et soudain survenu par le fait ou à l’occasion du travail. Celui-ci doit également avoir entraîné une lésion psychologique.
Le Tribunal conclut d’abord que les fausses allégations sur les réseaux sociaux constituent un événement imprévu et soudain. Celles-ci débordent du cadre habituel et normal du travail et présentent un caractère objectivement traumatisant ne relevant pas seulement de la perception subjective de la travailleuse. Les faits invoqués par la travailleuse au soutien de sa réclamation sont « choquants, bouleversants et perturbants ».
Ensuite, les fausses allégations sont clairement en lien avec l’emploi de la travailleuse étant donné qu’elles sont directement liées à sa prestation de travail suivant son séjour à Québec. Le Tribunal réitère que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles doit être interprétée de façon large et libérale. Ainsi, l’événement est survenu à l’occasion de son travail.
Finalement, le Tribunal est d’avis que la travailleuse a prouvé, selon la prépondérance de preuve, que les événements à l’origine de sa réclamation sont la cause de sa lésion psychologique. La preuve tend à démontrer que l’événement imprévu et soudain a eu un impact important sur sa santé psychologique. Le Tribunal précise qu’une autre travailleuse aurait peut-être pu surmonter cette épreuve de façon plus sereine, mais la jurisprudence nous enseigne qu’on doit prendre la personne dans l’état où elle est avec ses forces et faiblesses et ses vicissitudes (théorie de crâne fragile).
Le Tribunal accueille la contestation de la travailleuse et déclare qu’elle a subi une lésion professionnelle le 18 janvier 2021.
À propos de l’auteur
Émile B. Denault est avocat chez RBD. Il est titulaire d’un Baccalauréat en droit de l’Université de Montréal. Il a développé son intérêt pour le droit du travail en milieu syndical en travaillant chez Unifor comme étudiant, notamment au sein du contentieux représentant les travailleurs en matière d’accréditation, de santé et sécurité au travail et de griefs relatifs aux mesures disciplinaires.