Retour en présentiel – congédiement déguisé?
Natalia Leon
2024-11-26 11:15:37
Retour sur une décision du Tribunal administratif du travail…
Exiger le retour en présentiel d’un-e employé-e en télétravail peut constituer un congédiement déguisé.C’est la conclusion à laquelle arrive le Tribunal administratif du travail (Tribunal) dans la décision Guérard c. SamaN Inc. (2024 QCTAT 3718).
Dans cette affaire, la plaignante est une représentante de produits pour l’Employeur. Alors que l’essentiel de son travail constituait jusqu’alors à être « sur la route », cette dernière souhaite maintenant être affectée à un poste lui permettant d’effectuer la totalité de sa prestation en télétravail, ce que l’Employeur accepte.
Quelques mois plus tard, il revient sur sa décision et exige que la plaignante accomplisse dorénavant sa prestation en présentiel. Cette dernière refuse et dépose une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, alléguant avoir fait l’objet d’un congédiement déguisé. L’Employeur conteste sa plainte, soutenant que c’est la plaignante qui, par son refus de consentir au réaménagement de ses tâches, a démissionné.
Le Tribunal rappelle les enseignements de l’arrêt Farber1, soulignant qu’un congédiement déguisé survient lorsqu’un employeur modifie unilatéralement et de manière substantielle les conditions essentielles du contrat de travail de son employé, ce dernier refusant les modifications et quittant son emploi.
Dans ce contexte, son départ ne constituera pas une démission, mais bien un congédiement. Pour arriver à cette conclusion, le Tribunal doit se demander si, au moment où l’offre a été faite, une personne raisonnable placée dans la même situation que la plaignante aurait considéré subir une modification substantielle aux conditions essentielles de son contrat de travail.
En l’espèce, la preuve révèle que l’entente permettant à la plaignante d’effectuer la totalité de ses tâches en télétravail était une condition essentielle à la poursuite de sa carrière au sein de l’entreprise de l’Employeur. La plaignante ne souhaitait plus travailler « sur la route » et l’entente de télétravail convenue avec l’Employeur reflétait ce souhait.
Appliquant le critère de la personne raisonnable, le Tribunal conclut qu’en retirant à la plaignante la possibilité de poursuivre l’exécution de ses tâches à distance, l’Employeur a substantiellement modifié une condition essentielle de son contrat de travail. Ainsi, la plaignante a été l’objet d’un congédiement déguisé2.
Compte tenu de ce qui précède, la prudence s’impose lors de la conclusion d’ententes de télétravail. Dans le cadre de celles-ci, les employeurs devraient s’assurer de prévoir clairement les modalités et les conditions de l’exécution de la prestation à distance de leurs employés, tout en y incluant des mentions précises reconnaissant leur droit discrétionnaire de modifier ou de résilier une telle entente.
À propos de l’auteure
Natalia Leon est avocate chez Dunton Rainville. Admise au Barreau du Québec en 2021, elle a commencé sa pratique chez Brunet & Associés avant de se joindre à Dunton Rainville. Cette expérience professionnelle lui a permis de plaider régulièrement devant différentes instances, dont la Cour du Québec et la Cour supérieure.