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Services essentiels : comment appliquer une clause de pont?

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Sharlie Lafrance

2025-03-20 11:15:54

Sharlie Lafrance, l'auteure de cet article. Source : RBD
Sharlie Lafrance, l'auteure de cet article. Source : RBD
Retour sur une décision du tribunal d’arbitrage…

Dans la décision Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent (grief syndical), 2025 QCTA 44 (a. Me Denis Nadeau), le tribunal d’arbitrage est saisi de quatre griefs qui contestent la décision de l’employeur, le Centre intégré de santé et de services sociaux du Bas-Saint-Laurent, de retrancher l’ancienneté accumulée durant les heures de grève effectuées en juin 2021. Plus particulièrement, l’employeur procède à l’ajustement de l’ancienneté à l’égard des personnes salariées ayant effectué des services essentiels durant l’exercice de la grève au sein d’un établissement de l’employeur.

Ainsi, le tribunal d’arbitrage doit déterminer si l’exercice de la grève par le syndicat entraîne la suspension de la convention collective à l’égard des conditions de travail des personnes salariées concernées. De manière subsidiaire, il doit déterminer si l’employeur a contrevenu à la convention collective en ne reconnaissant pas l’ancienneté durant la période de grève des personnes salariées ayant rendu des services essentiels.

Pour sa part, le syndicat prétend que la décision de l’employeur contrevient à plusieurs clauses, dont la clause de maintien des conditions de travail en raison de l’expiration de la convention collective, communément appelée la clause de pont. De son côté, l’employeur invoque l’article 59 du Code du travail qui prévoit que sauf disposition expresse, les conditions de travail sont suspendues pendant une grève, doit s’appliquer au présent cas. Ainsi, pour l’employeur, le temps de grève ne devrait pas être pris en compte dans le calcul de l’ancienneté des salariés.

Dans son analyse, le tribunal rappelle que l’article 111.10 du Code du travail prévoit que les parties sont tenues de maintenir des services essentiels lors d’une grève. L’employeur étant un Centre intégré de santé et de services sociaux, les parties sont donc tenues de maintenir des services essentiels dans son établissement en tout temps. De plus, l’article 111.11 du Code du travail prévoit qu’un employeur ne doit pas modifier les conditions de travail des salariés assurant des services essentiels. Ainsi, selon l’interprétation du tribunal, une grève légale ne suspend donc pas les conditions de travail pour ces salariés.

L’ancienneté étant une condition de travail, l’employeur ne pouvait pas la modifier à l’égard des salariés qui ont rendu des services essentiels, conformément aux clauses pont de la convention collective ainsi qu’à l’article 111.11 du Code du travail.

Ainsi, en retranchant l’ancienneté accumulée par certains salariés ayant rendu des services essentiels lors des périodes de grève, l’employeur a contrevenu à la convention collective. Aucune disposition de celle-ci ne permet de justifier sa décision.

Les griefs sont accueillis.

À propos de l’auteure

Sharlie Lafrance est avocate chez RBD. Elle consacre sa pratique à la défense des intérêts des salariés provenant des milieux policiers et ambulanciers du Québec. Elle traite des différents enjeux relatifs aux rapports collectifs du travail ainsi qu’au domaine de la santé et sécurité au travail.

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