Pierre Arcand

L'alpha et oméga du statut d'associé

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Pierre Arcand

2011-12-20 08:30:00

Quelles sont les conditions d'accès au statut d’associé? Quelle est la rémunération qui en résulte? À combien s'élève une part? Peut-on perdre son statut? Le recruteur juridique Pierre Arcand dévoile tout ce qu'il faut savoir à ce sujet.
Question

Bonjour,

J'aimerais que vous nous entreteniez un peu sur les modalités d'accès au partnership dans les grands cabinets de droit des affaires canadiens. Évidemment, ces conditions varient d'une firme à l'autre et sont, je l'imagine, plus ou moins confidentielles, mais il doit bien y avoir une trame générale.

Par exemple, après combien d'années de pratiques est-il réaliste de croire pour se voir inviter à devenir associé ? La rémunération est-elle fixe ou dépend-elle du rendement ? Quel est la distinction entre un associé et un associé principal ? Est-il possible de se voir révoquer le droit d'être associé ? Combien coûte en moyenne une part de cabinet ? La pratique d'avoir deux classes d'associés, est-elle répandue ?

Merci.


Réponse

Cher lecteur

Comme vous le dites si bien, les modalités d’accès au statut d’associé varient beaucoup d’un cabinet à l’autre, mais je tenterai de vous dresser un portrait des critères, modalités et obligations généralement applicables.

Combien d’années de pratique ? À moins d’être une vedette montante et d’avoir un rendement exceptionnel tant en terme d’heures facturables que de développement de clientèle, vous ne serez pas invité à joindre les rangs des associés, avant d’avoir sept bonnes années au compteur. Il faut noter qu’il y a quelques années, un avocat comptant six ou sept années d’expérience au sein d’un grand cabinet, se voyait offrir le statut d'associé, sans quoi il devait comprendre qu’il ne ferait pas partie du futur ou qu’il devait donner un sérieux coup de barre à sa façon de pratiquer.

 Me Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Me Pierre Arcand, recruteur juridique, répond à vos questions
Aujourd’hui, bien que la période minimum reste sensiblement la même, le principe des sept ans, est en voie de disparition. Désormais, la politique des cabinets est que chaque candidature est étudiée individuellement, au cas par cas. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que les cabinets ne veulent plus d’associés qui le deviennent en fonction des loyaux services rendus, mais désirent des associés qui apporteront une plus-value au cabinet. Cette plus-value sera généralement évaluée en fonction de l’expertise développée, mais surtout en fonction de votre capacité à participer au futur du cabinet, par l’apport de votre clientèle ou votre habilité à bien servir et à fidéliser les clients actuels.

En outre, votre intégration à l’équipe en place est évidemment importante. Votre dossier d’associé potentiel sera étudié par un comité mais il est utopique de penser que vous recevrez une invitation, sans qu’un ou plusieurs seniors n’appuient votre candidature. Vous devrez avoir au moins un senior qui prendra votre défense et supportera votre dossier. Il s’agira habituellement de votre « donneur de mandat » principal qui appréciera votre apport dans ses dossiers. C’est vers elle ou lui, que les autres associés se tourneront avant de se prononcer sur votre valeur à titre de futur associé.

Au sujet de la rémunération et des niveaux d’associés ; je regroupe ces deux sous-questions car elles sont intimement liées l’une à l’autre. Il fut un temps ou la majorité des cabinets avaient deux voire même trois catégories d’associés: soit associé, associé avec participation ("equity partner"), et à l’occasion associé principal. Aujourd’hui bien que plusieurs cabinets conservent les deux premiers statuts, plusieurs autres ne fonctionnent qu’avec un seul niveau d’associé soit associé avec participation. Le statut d’associé principal est encore utilisé mais, dans les faits, il s’agit plus d’un titre qu’autre chose. Ledit titre voulant souvent dire que vous dirigez un secteur, ou encore que vous êtes inclut dans le cercle restreint des gestionnaires du cabinet. Dans les faits, vous avez le même statut juridique que les autres associés avec participation.

La rémunération est fixée de façon très différente en fonction du niveau d’associé. Dans la plupart des cabinets, un associé sans participation est rémunéré comme un cadre d’entreprise. Il a une rémunération fixe décidée par les associés avec une participation et un bonus en fonction des performances de l’entreprise. On ne parle pas de salaire et de bonus car il est associé, mais la différence n’est que symbolique et fiscale. On parlera donc de participation aux profits du cabinet mais, dans les faits, vu que la rémunération étant majoritairement déterminée en début d’année on peut difficilement parler de participation aux profits.

La rémunération des associés avec participation est, quant à elle, entièrement tributaire des profits du cabinet. Chaque associé recevra sa part de profits selon les points qui lui sont octroyés, lesdits points étant comme un pourcentage des profits. Aucune rémunération n’est garantie mais, comme il est très rare que les profits du cabinet soient considérablement moins élevés que ceux de l’année précédente, les associés savent approximativement ce qu’ils devraient toucher pour l’année en cours. Des avances sont fournies aux deux semaines, et sont fixées en fonction des profits anticipés, c’est un peu le chèque de paie des associés avec participation.

Quelle est la part de chaque associé ? La part de chaque associé est habituellement fixée par un comité de rémunération, mais la façon d’évaluer ladite part varie d’une multitude de façon et d'un extrême à l'autre. À un bout, il y a la méthode mathématique pure qui tient compte uniquement de votre facturation dans vos dossiers, de la facturation des autres avocats dans vos dossiers et de votre facturation dans les dossiers de vos collègues. Il reste à déterminer la valeur accordée à chaque type d’heure facturée. On peut ainsi arriver avec une équation unique qui sert à évaluer la part qui revient à chacun. L’avantage de cette méthode est qu’elle est objective et facile à vérifier (si un associé se sent lésé), mais elle ne tient pas compte d’un millier d’autres facteurs comme l’encadrement des stagiaires, le recrutement, les comités internes, etc…

C’est pour cette raison qu’il y a, à l’autre bout, des méthodes beaucoup plus socialistes qui tiennent comptent d’une quantité impressionnante de critères non économiques. Il en découle une évaluation beaucoup plus subjective et donc sujette à être remise en question par les associés. Le comité de rémunération doit alors se soumettre à une séance de jonglage avec des concepts vagues, afin d’arriver à faire le bonheur de la majorité à défaut de pouvoir faire le bonheur de tous. Il n’y a malheureusement pas de méthode parfaite et la plupart des cabinets naviguent entre les deux extrêmes.

Combien cela coûte-t-il de devenir associé ? Techniquement, il ne vous en coûtera rien pour accéder au statut d’associé avec participation, car la majorité des cabinets ont en place une structure de financement qui fait en sorte que vous contractez un emprunt, mais c'est le cabinet qui paiera les intérêts et aucun remboursement de capital ne sera fait. Par conséquent, à moins d’un éclatement du cabinet ou d'une très mauvaise gestion, vous n’aurez rien à sortir de vos poches. En revanche, vous aurez un emprunt à votre nom cautionné par le cabinet, qu’il vous faudra rembourser si un malheur survenait.

Est-il possible de se voir révoquer le droit d’être associé ? Oui, et cela s’appelle un divorce. On ne vous retirera pas le droit d’être associé, on vous invitera à poursuivre votre chemin sous d’autres cieux.

J’espère avoir répondu à votre question et je vous souhaite une bonne semaine,

Pierre Arcand


La Question au Recruteur

Chaque semaine, le recruteur juridique Me Pierre Arcand répond à une question posée par vous, chers lecteurs.

La Question au Recruteur de la semaine est choisie parmi toutes celles reçues sur le site. Toutes les questions sont bonnes pour autant qu’elles concernent votre carrière de juriste.


Sur l'auteur

Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.

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