Le doyen de l’UdeM : intellectuel et caméléon
Theodora Navarro
2016-06-01 15:00:00
Intellectuel. C’est ainsi qu’il se définit. Et cela n’a rien à voir avec la prétention. Réfléchir et analyser les idées, les concepts, les sociétés, voilà ce qui caractérise l’actuel doyen de l’UdeM, principale faculté francophone de droit du Québec.
Dans la salle du conseil, entouré des portraits de ses prédécésseurs, Me Jean-François Gaudreault-DesBiens pose, un peu gêné, devant l’objectif de la photographe. Il semble pourtant tout à fait à sa place dans cette salle aux teintes bleutées de la faculté. En poste depuis le 1er juin 2015, Me Gaudreault-DesBiens est désormais à la tête d’une université de droit renommée. Et les mandats dont il dispose sont à la hauteur de cette reconnaissance.
Faire évoluer la pédagogie
Son rôle est de représenter l’université auprès des instances externes, entre autres. Une sorte de leadership intellectuel qui lui sied. Mais c’est sur la pédagogie que Me Gaudreault-DesBiens se penche depuis un an. « Nous sommes dans un grand processus de réflexion, souligne-t-il. Nous voulons nous interroger sur l’enseignement, les cours que nous délivrons. Savoir ce qui, a posteriori, a pu manquer à nos étudiants.» Car la pédagogie, c’est tout ce qui l’allume.
À l’image de ses homologues doyens, il reconnaît que ses cours - il est notamment professeur de droit constitutionnel - lui manquent. « Je vais essayer d’en donner un l’an prochain, j’ai vraiment envie d’être dans une salle de classe d’une manière ou d’une autre. »
Il faut dire qu’enseigner a toujours fait partie de sa vie. Enfant, déjà, il grandit auprès d’un père professeur en cinéma d’animation. « Je voyais l’enseignement à l’université comme un lieu où il y avait une grande liberté intellectuelle, où personne ne t’impose de dossiers », confie-t-il.
Dialogue socratique
Et cette liberté perpétue son goût pour l’enseignement. « Il est certain qu’on n’enseigne pas devant douze élèves alors le dialogue a quelque chose de socratique, s’amuse Me Gaudreault-DesBiens. On se projette différemment. » Il dirige beaucoup d’étudiants à la maîtrise. Un rôle qui lui permet de les aider à structurer leur pensée. « Vous pensez contre moi, je m’en fiche, leur dit-il. Mais pensez bien!» Et de ponctuer sa pensée : «En tant que prof, si tu as aidé quelqu’un à s’épanouir, c’est vraiment une réussite. »
Il est devenu doyen à la suite d’un long processus de sélection, incluant proposition de programme, audience et consultations. « J’avais des idées, estime Me Gaudreault-Desbiens. J’ai enseigné dans plusieurs facultés et j’ai beaucoup appris en me promenant. » Il dit avoir conscience que le marché juridique bouge énormément et qu’une diversification professionnelle du juriste s’impose désormais. « Il faut repenser la formation en fonction des changements culturels et inclure, à côté de la culture du litige, une culture de la prévention avec le Nouveau code de procédure civile. »
Son intérêt pour le droit est venu de son goût pour le social, la politique. « J’avais un véritable intérêt pour l’état de droit, pour le rôle qu’il joue dans notre société », se souvient-il. S’ensuivent alors des études à l’Université Laval, puis à l’Université d’Ottawa. À l’Udem, il est loin de son alma mater. Mais il faut dire qu’en l’espèce, Me Gaudreault-DesBiens est assez caméléon. Avant de se retrouver à Montréal, il a enseigné dans les facs de Toronto, de McGill et de la capitale.
Chaire de recherche
Il est également titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les identités juridiques et culturelles nord-américaines et comparées. Il se passionne pour les questions de religion, notamment de radicalisation, et sur les limites du droit en la matière. Un thème sur lequel Me Gaudreault-DesBiens a écrit plusieurs ouvrages.
De façon récente, il s’est notamment intéressé à la saisie juridique des revendications religieuses dans les sociétés libérales multiculturelles. Il intervient aussi dans les médias. « C’est important de vulgariser toutes ces idées et de se faire comprendre », estime-t-il.
Une spécialisation qui correspond à son goût initial. « J’étais ado dans les années 70, témoigne-t-il. C’était l’époque des grands conflits institutionnels au Canada. » Il est alors au secondaire et les débats sont télévisés. De quoi nourrir son intérêt pour la société et, plus tard, la politique constitutionnelle.
Mener tout ça de front? Un beau défi! Mais il faut dire que le doyen dort peu. « J’ai la chance d’avoir une constitution énergique » sourit-il. Il se couche tard, se lève tôt, s’occupe de ses deux enfants, cuisine et butine la pile de livres qui s’est formée au pied de son lit. Des BD, des biographies de politiciens. De la diversité, toujours.