La Couronne abandonne l’accusation de meurtre en plein procès !
Radio -Canada
2017-03-01 09:56:00
Michael Gero, 27 ans, a passé 39 mois derrière les barreaux. Après plus de deux semaines de procès, le jury devrait présentement être en train de délibérer sur son sort.
Mais le procès se termine plutôt de la façon la plus inattendue qui soit. La Couronne, représentée par le très expérimenté procureur Jacques Dagenais, abandonne l'accusation de meurtre non prémédité.
«Je n'ai aucun argument pour convaincre le jury que l'accusé a tiré sur la victime », a dit Me Jacques Dagenais.
Lors de la déclaration d'ouverture du procureur aux poursuites criminelles et pénales, le 10 février dernier, le meurtre, quoique tragique et scabreux, pouvait sembler simple à résoudre.
Le récit
Le matin du 19 novembre 2013, des voisins de l'appartement partagé par Michael Gero et Sherri Thomas, dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, ont entendu des cris. Quelqu'un se déplaçait rapidement dans l'appartement.
Soudain, un bruit sec s’est fait entendre. Puis, Michael Gero est apparu sur le palier de son logement, en sous-vêtements, trempé, ensanglanté, paniqué. À l'intérieur, dans la cuisine, son amoureuse de 19 ans avait une balle dans la tête et gisait dans une mare de sang.
Il y avait du sang un peu partout dans la chambre du couple. Une arme à feu, également ensanglantée, a été retrouvée sur le toit de l'immeuble. Elle portait les empreintes digitales de Michael Gero.
L'affaire pourrait sembler évidente, ainsi racontée. Mais comme toute bonne intrigue, le diable est dans les détails.
La version de l'accusé
Debout à la barre des témoins, Michael Gero a raconté que ce matin fatidique, il s'est levé tôt pour aller à l'école, alors que Sherri Thomas est restée couchée. Il s'est rendu à la salle de bain et a pris une longue douche, de 25 à 30 minutes.
Après plusieurs minutes sous l'eau, il a entendu sa copine se fâcher. Il s'est dit qu'elle avait peut-être fouillé dans son cellulaire et trouvé le message texte d'une autre fille. Michael Gero a affirmé s'être déjà chicané avec sa petite amie, puisqu'il textait parfois avec d'autres filles. Il ne verrouillait jamais son cellulaire, puisqu'il n'avait « rien à cacher ».
Ce matin-là, alors qu'il était toujours sous la douche, il a entendu un coup de feu. Il est sorti rapidement, sans même se sécher, et a trouvé sa copine dans la cuisine. Il a paniqué et est allé chercher une serviette.
Il affirme avoir trouvé son arme à feu près d'elle. Or, en raison de ses antécédents judiciaires, il lui est interdit d'en posséder une.
Toujours en panique, il a lancé l'arme sur le toit de la bâtisse et est sorti à l'extérieur pour demander à ses voisins d'appeler le 911. Il était tellement perturbé que lorsqu'il a communiqué lui-même avec les services d’urgence, ses affirmations étaient incompréhensibles.
Ses explications sèment le doute
À la lumière de ces explications, Me Dagenais a affirmé qu'il n'était plus à l'aise de plaider pour faire condamner Michael Gero. Rationnellement, le procureur n'a plus la conviction « au-delà du doute raisonnable que l'accusé est coupable ».
Selon lui, la réaction décrite par Michael Gero était trop irrationnelle pour avoir été calculée. L'accusé n'aurait pas lancé l'arme sur le toit de la résidence s'il avait voulu faire croire à un suicide.
« C'est tellement illogique que ça correspond avec une réaction de panique », a dit Me Jacques Dagenais. « Toute la preuve tend à démontrer qu'il n'a pas tiré. »
La Couronne n'avait pas entendu toutes ces explications avant le procès, puisque Michael Gero s'était prévalu de son droit à garder le silence en réponse à plusieurs questions des policiers, lors de l'enquête.
En contre-interrogatoire, un pathologiste a confirmé que la jeune femme pourrait s'être
suicidée.
La juge émet des doutes
Avant de retirer l'accusation, Jacques Dagenais a tenté d'obtenir un verdict dirigé d'acquittement. Mais la juge Hélène Di Salvo a démontré une forte opposition. Selon elle, il n'y pas absence de preuves contre Michael Gero.
D'une part, « il y a du sang partout dans la chambre » et l'accusé est incapable d'expliquer pourquoi. Lors de son contre-interrogatoire, Michael Gero a soulevé l'hypothèse que c'était peut-être les policiers qui avaient mis du sang partout.
D'autre part, des voisins ont entendu une dispute. Un voisin a même dit : « C'est du tonnerre quand Gero crie ».
Ce à quoi Me Dagenais a répondu que ce voisin s'était contredit dans son témoignage. Il a aussi précisé qu’une autre voisine avait fini par affirmer qu'elle avait surtout entendu la victime chialer et marcher d'un bout à l'autre dans le logement. Pas l'accusé. Cette femme a aussi déclaré avoir entendu le bruit de l'eau qui coule (semblable à une douche) et que cela s'était arrêté après le « boum ».
La juge a aussi insisté sur un autre fait troublant : le supposé message texte qui aurait enragé Sherri Thomas ce matin-là, selon l'accusé, n'a jamais été retrouvé dans le cellulaire de Michael Gero.
Pour toutes ces raisons, selon la juge, il fallait laisser le jury décider de la crédibilité de l'accusé.
Mais le procureur a plutôt décidé de consulter ses patrons et d'arrêter les procédures.
C'est moi
il y a 7 ansNous n'attendons rien de moins de la part du DPCP, et voilà un bel exemple d'intégrité et de fortitude. Le confrère a exercé son jugement et sa discrétion comme il se doit. Il faut beaucoup de courage pour agir ainsi dans un dossier aussi lourd. Bravo au confrère et ses collègues qui l'ont appuyé dans cette décision.
Hugo
il y a 7 ansJe partage en tous points votre opinion.