Une pluie d’hommages pour un avocat
Radio -Canada
2020-06-29 11:15:00
La nouvelle est particulièrement difficile à digérer pour l’avocate Andrée Lacroix, dont le père a cofondé un cabinet d'avocats avec Normand Forest.
«J’ai travaillé avec Normand pour plusieurs années. C’était un homme très dévoué à la cause francophone, mais aussi un avocat très respecté, avec vraiment des valeurs que nous cherchons toujours à exprimer dans nos propres vies», a-t-elle indiqué à Radio-Canada.
«Ce n’est pas une nouvelle qu’on voulait entendre, c’est toujours quelque chose qu’il faut accepter, c’est malheureux. Par contre, il a vécu une vie très pleine.»
Parmi les grands accomplissements du défunt, Mme Lacroix note sa détermination à s’assurer que les droits linguistiques étaient disponibles dans le système légal.
«Comme avocat, on voit que ce n’est pas toujours facile pour les gens de faire face à des problèmes légaux. S’exprimer dans sa propre langue peut faire une grosse différence quand on essaie de promouvoir ses droits. (...) Pour lui, c’est mon impression que ces droits-là soient disponibles dans tous les domaines importants pour la société, dont le système légal», affirme-t-elle.
Me Forest a d’ailleurs été président de l’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) en 1984.
Sur le plan personnel, Mme Lacroix se souviendra d'un homme qui chantait très bien, mais aussi d’un homme très fier, mais aussi très discret.
«Quoi qu’il avait une très bonne éducation (et qu'il avait beaucoup) voyagé, c’était un homme très simple. Il avait certaines priorités : la famille d’abord, et ensuite la langue française et la pratique du droit. Il aimait rencontrer les gens de jour en jour», raconte l’avocate.
Un gentleman au service de l’éducation en français
L’actuelle présidente du Conseil de gouvernance de l’Université de l’Ontario français, Dyane Adam, a travaillé de près avec Normand Forest vers la fin des années 1980, du temps où elle était vice-rectrice adjointe à l’enseignement et aux services en français de l’Université Laurentienne.
Elle souligne que c’est grâce à l’avocat que l’établissement a pu mettre en place sa toute première politique de bilinguisme de l’établissement postsecondaire.
«Avant, il y avait des pratiques, une reconnaissance dans la loi que l’Université avait le mandat d’offrir des programmes dans les deux langues officielles, mais on n’avait pas de politique de bilinguisme. Il était avocat et comprenait l’importance de circonscrire ça dans des documents qui clarifiaient vraiment la nature des services, l’obligation d’être bilingue pour les professeurs», commente-t-elle, ajoutant que Me Forest veillait à très bien travailler avec les deux communautés linguistiques dans ce travail.
«Il était un fier, un ardent promoteur. Il croyait fermement au développement des programmes, des services en français et de la présence, l’importance de la communauté francophone du Nord de l’Ontario et Sudbury.»
Le tout premier président du Collège Boréal, Jean Watters, se rappelle du gentleman qu’était Normand Forest, qui était l’avocat de l’établissement lors de sa création en 1995.
«Pendant les quatre ans où j’ai été là-bas au Collège Boréal, il nous a aidés énormément. Il avait toujours un pas d’avance sur nous et il a fait un travail tout à fait phénoménal», note M. Watters, qui a maintenu une relation avec Me Forest même après son départ de Sudbury.
«C’était un homme excessivement sympathique. Je ne l’ai jamais vu de mauvaise humeur. Il était toujours prêt à aider et très fier de ses enfants.»
Également ancien président du Collège Boréal, Pierre Riopel connaissait Normand Forest depuis longtemps, son père ayant fréquenté le Collège du Sacré-Coeur en même temps que l’avocat.
Mais M. Riopel, qui est membre du conseil des régents de l’Université de Sudbury, se souvient particulièrement de sa dernière rencontre formelle avec Normand Forest, il y a un peu plus d’une année. Les deux hommes participaient à une rencontre avec des étudiants qui avaient obtenu des bourses dans la cadre du programme de leadership Normand Forest de l’Université de Sudbury.
«C’était un homme très généreux de sa sagesse. Je le vois encore en train d’échanger avec des jeunes qui étaient aux études universitaires, généreux de ses suggestions, d’essayer de guider ces étudiants-là», indique-t-il.
Normand Forest a longtemps été conseiller scolaire auprès du Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Sudbury et membre du Conseil d’administration de l’Office de la télécommunication éducative de l’Ontario (TVO).
Pour M. Riopel, la grande implication de l’avocat dans le secteur de l’éducation prouve qu’il était convaincu que l’école était la pierre angulaire de la communauté francophone en milieu minoritaire.
«Ce n’est pas une implication comme ça, juste parce qu’on en a le goût. C’était une implication de longue date et de conviction profonde.»
M. Riopel dit toujours avoir été impressionné de la grande attention que Normand Forest lui portait même lors de leurs rencontres informelles.
«C’était un homme très chaleureux, très accueillant. Il avait beaucoup le souci de l’autre. Il a été formé chez les jésuites et a été un fidèle exemple des jésuites dans notre communauté. C’est une grande perte, mais quel merveilleux modèle pour nos jeunes et nos moins jeunes!»
Un promoteur du patrimoine oral franco-ontarien
En février, le Centre franco-ontarien de folklore (CFOF) a décerné le Billochet du jongleur à Normand Forest, une distinction remise annuellement par l’organisme pour souligner la contribution d’individus à la promotion du patrimoine oral franco-ontarien.
Depuis 1995 jusqu’à tout récemment, Normand Forest a été président de la Fondation de folklore Germain-Lemieux du CFOF.
Le directeur général du CFOF, Patrick Breton, a toujours apprécié le travail qu’il Normand Forest faisait.
«Je dis toujours qu’il faut savoir d’où on vient pour savoir où on va, et c’est important de garder nos racines. Il était convaincu qu’il fallait justement conserver toute cette richesse qu’on avait déjà au CFOF. C’est pour cela qu’il avait mis autant d’énergie et continuait de mettre du temps année après année avec la Fondation de folklore Germain-Lemieux.»
Patrick Breton se souvient d’avoir rencontré M. Forest pour la première fois il y a plusieurs années alors qu’il travaillait au journal Le Voyageur de Sudbury.
«Quand le journal a été vendu, il s’est assuré que des employés soient traités avec respect et qu’il y ait une bonne transition», relate-t-il.
«C’est un gentleman, ce n’est pas lui qui va se mettre de l’avant, qui va se mettre à critiquer ouvertement les autres, il va toujours y aller avec respect.»
Les détails des funérailles de Normand Forest ne sont pas encore connus.