Pour ou contre la divulgation des honoraires d’avocats?
Julien Vailles
2017-08-23 15:00:00
Le nœud du litige : le JDM exigeait la divulgation des honoraires d’avocats payés par ces commissions scolaires et la municipalité, à même les fonds publics, dans des litiges les opposant à des citoyens. Ces institutions s’opposaient à cette divulgation, sous prétexte que cette information était protégée par le secret professionnel.
Mais la Cour d’appel les a détrompées : dans ce cas, non, le montant des honoraires n’est pas couvert par le secret professionnel. « Le secret professionnel permet à la Ville de pleinement se défendre contre ceux qui la poursuivent en justice, mais il ne la dégage pas de son imputabilité vis-à-vis de ses administrés. Le total des honoraires ne révélera rien de confidentiel », déclarent les juges Paul Vézina, Robert Mainville et Denis Jacques.
Ce faisant, la Loi sur l’accès à l’information doit permettre la communication de tels renseignements.
Cohérence avec la jurisprudence
Me Karim Renno, associé fondateur de Renno Vathilakis, a salué la décision, déclarant qu’elle semblait bien raisonnée. « La Cour ne laisse aucune ambiguïté quant au fait que le secret professionnel a préséance sur le droit à l’accès à l’information, rappelle-t-il. Mais encore faut-il que le secret professionnel trouve application. En l’instance, la Cour indique que le montant des honoraires n’est pas nécessairement protégé par le secret professionnel, ce qui est cohérent avec la jurisprudence préalable, parce qu’il ne révèle rien de confidentiel dans la relation avocat-client. »
Il ajoute que si le jugement devrait avoir une force de précédent indéniable, il n’y a néanmoins aucun principe nouveau. « On ne parle pas d’une décision qui va changer le droit », tempère-t-il.
Le professeur de l’Université de Montréal Pierre Trudel n’est pas de cet avis. « Ça va devenir une grande décision qui permettra de départager ce qui entre dans le secret professionnel », a-t-il déclaré au JDM.
Selon lui, il est à présent de pratique courante de multiplier les procédures, afin d’éviter de divulguer ce type d’information. Or, un particulier dans une telle situation n’a normalement pas les ressources financières nécessaires pour contester, fait valoir Me Trudel.
Par conséquent, il est impératif de donner un bon coup de balai dans la Loi sur l’accès à l’information, croit le professeur. Justement, ces jours-ci, beaucoup de voix s’élèvent pour réclamer une mise à jour de la loi.
Me Julius Grey, associé chez Grey Casgrain, n’est pas du tout d’accord. « Je pense que la Cour d’appel a tort, déclare-t-il d’emblée. D’ailleurs, elle avait décidé le contraire dans les années 90 ».
Me Grey dit à présent craindre des « expéditions de pêche », qui mettront des parties et des avocats dans l’embarras. Il exhorte par ailleurs les commissions scolaires et la Ville de Terrebonne à en appeler du jugement, misant sur de bonnes chances quant à la permission d’en appeler.
Pas une information privée
Voir ses honoraires divulgués au public, Me Sylvain Lussier, associé chez Osler, en sait quelque chose, lui qui a représenté à plusieurs reprises les gouvernements fédéral et provincial. « Depuis 15 ans, dans ces cas-là, mes clients ont toujours dévoilé le montant de mes honoraires; ils n’ont même jamais eu à demander ma permission », explique-t-il.
Quant à la protection du secret professionnel, il s’appuie sur l’arrêt Maranda c. Richer de la Cour suprême du Canada. « Cet arrêt n’a jamais érigé en principe que le montant des honoraires faisait partie du secret, indique Me Lussier. Le détail de ces honoraires cependant, c’est autre chose. Mais dans l’affaire du Journal de Montréal, on ne demandait que le montant. Or, chaque fois qu’une entité publique me confiait un mandat, je n’ai jamais envisagé que ce montant pourrait être une information privée… »
Dans ce contexte, le jugement de la Cour d’appel ne le surprend pas vraiment! Selon lui, les justiciables ont tout à fait droit de savoir combien une ville, par exemple, paie ses avocats.
De leurs côtés, Mes Bernard Pageau et Éric Meunier, les avocats qui ont plaidé la cause du Journal de Montréal, soulignent l'importance de la transparence que permet cette décision: « Le total des frais d'avocats pourront enfin être dévoilés en vertu de la Loi d'accès à l'information. Ce que les citoyens oublient c'est qu'eux aussi peuvent faire des demandes, pas que les journalistes. Cela favorise la démocratie et permet aux citoyens de savoir ce qu'il se passe ».
Gloire et liberté (Me Halidi)
il y a 7 ansMoi personellement je prends soin d'inclure une clause de non divulgation dans mes conventions d'honoraires pour me protéger. S'ils dévoilent mes honoraires pour mes dossiers à forfait, d'autres clients pourraient demander une diminution. Une clause pénale pourrait être envisagé mais ferait fuir les clients qui la comprendraient.
Anonyme
il y a 7 ansSi ton client est soumis au Loi d'accès, cette clause ne sert à rien. De toute façon, le secret appartient au client.
Sedia Stercoraria
il y a 7 ansMême sans qu'ils soient soumis à cette Loi, une telle clause ne vaut rien. Le secret professionnel appartient au client. Je doute fort que l'avocat peut limiter ce principe par une clause contractuelle qui ne fait que démontrer l'incompréhension de l'avocat par rapport à l'état du droit sur cette question.
Abasourdie
il y a 7 ansN'est-ce pas du rôle de l'avocat de représenter le client en lui assurant une compréhension totale du droit?
Votre "ferait fuir les clients qui la comprendraient." en référant à une clause pénale relative à la non divulgation de vos conventions d'honoraires m'exaspère.
J'ose croire que vous vous êtes mal exprimé...
Anoy
il y a 7 ans« Depuis 15 ans, dans ces cas-là, mes clients ont toujours dévoilé le montant de mes honoraires; ils n’ont même jamais eu à demander ma permission », nous dit Me Lussier.
J'espère que ce grand juriste comprend que le secret professionnel ne lui appartient pas mais est la prérogative de son client? À lire son commentaire, on est pas sûr......
Anonyme
il y a 7 ansÀ lire votre commentaire, je crois que c'est vous qui ne comprenez pas. Me Lussier dit que le montant des honoraires ne fait tout simplement pas partie du secret. Le fait que le secret appartienne au client est donc sans pertinence.
Anonyme
il y a 7 ansOui, mais le fait que le secret appartient au client rend tout aussi sans pertinence l'ajout de "ils n’ont même jamais eu à demander ma permission"
Anonyme
il y a 7 ansdésormais il n'auront qu'à se créer un contentieux et le coût des honoraires d'un dossier particulier restera secret... vive la fonction publique
Me
il y a 7 ansEn droit de la famille cela permettra d'éclairer le tribunal. La partie, souvent un travailleur autonome, qui retient les services d'un avocat à $250 l'heure ou plus pour entreprendre des mesures dilatoires afin de ne pas verser une pension alimentaire décente aux enfants ou pour ne pas contribuer à sa juste mesure aux frais particuliers sera davantage coincé. Non pas que les avocats dévoilent tout... par contre, si le procureur devient témoin au procès de son client ( non transparent ) quant aux honoraires versés ou facturés?
Anonyme
il y a 7 ansJe me demande comment vous appliquez la Loi sur l'accès à l'information et sur la protection des renseignements personnels dans les organismes publics dans le domaine privé du droit de la famille...
Anonyme
il y a 7 ansVous êtes dans le champ ou bien c'est moi qui n'ai pas compris le sujet?
DN
il y a 7 ansRéplique:
Il n'y a qu'un pas à faire lorsque le débat porte sur le secret professionnel.
Gordeaux
il y a 5 ansJ'ai reçu la facture d'honoraires de mon avocat pour une affaire de sucession et lui ai demandé de mentionner aussi le montant d'honoraires global pour les 3 héritiers que nous sommes, avant calcul de la part qui m'imcombe.
Il m'a répondu : " j'ai envoyé une facture à chacun et chacun sait ce qu'il doit me payer ".
Ai-je le droit de savoir combien a-t-il fait payer à ma soeur et mon frère ?