Nouvelle gouvernance : Montréal laissée pour compte
Julie Latour
2014-11-25 14:15:00
En créant cette gouvernance en vase clos, sans que les membres en soient parties prenantes, le modèle proposé risque de générer beaucoup plus de problèmes que de solutions. Au premier chef parce que la gouvernance proposée rompt avec les compromis historiques qui étaient source d’équilibre entre les instances actuelles du Barreau.
Là où le bât blesse, c’est que la section de Montréal, qui représente plus de 56 % des effectifs du Barreau du Québec, et qui paie les services offerts dans la même proportion, passe d’une sous-représentation chronique à une représentation famélique au sein des nouvelles instances : seulement quatre membres sur 16 (25 %) au nouveau conseil d’administration (CA) et trois membres statutaires sur 38 (8 %) au nouveau conseil des sections.
Le Barreau de Montréal, qui est composé de 13 500 avocats, aura au conseil des sections sensiblement le même droit de vote que la section de la Côte-Nord, qui compte 92 avocats. Des distorsions de nature similaire se posent au nouveau CA.
Déséquilibre
La section de Montréal est représentative des grandes tendances qui se dessinent et ne doit pas être laissée pour compte. Elle est de plus extrêmement diversifiée sur le plan de ses effectifs, inclusive sur le plan linguistique et ne représente aucunement un bloc monolithique d’avocats. Il est dommage que le Barreau du Québec s’en prive.
Pour bien recenser les grands enjeux auxquels la profession juridique sera confrontée dans les années à venir, innover et assurer la protection du public, le Barreau du Québec doit déployer collectivement l’énergie de ses effectifs. De tous ses effectifs à travers le Québec.
En outre, le Barreau du Québec hausse la durée du mandat du bâtonnier d’un à deux ans, avec possibilité de renouvellement pour deux ans (en tout, quatre ans). Or, les avocats s’attendent à être représentés par un praticien, un des leurs, et non pas par un « politicien professionnel ».
Avec un mandat de plus d’une année, il va de soi que cela sera incompatible avec le maintien ou le retour à une pratique, que ce soit en cabinet privé, en contentieux ou ailleurs. Pour dire les choses crûment, le Barreau est censé être un ordre professionnel, pas une planque.
Considérant que le salaire annuel du bâtonnier du Québec est de 285 000 dollars (ce que la plupart des membres ignorent), le bâtonnat ne doit pas devenir une course au million…
Projet de loi en catimini
Le projet de loi 17 est annoncé comme étant non controversé ; cela va de soi, puisque personne n’est au courant ! Est-ce annonciateur de la gouvernance à venir au Barreau ?
Ce projet de loi est présenté en catimini devant la Commission des institutions et sans possibilité pour les tiers de déposer des mémoires, sauf sur invitation. Il fait suite à un processus qui fut tout aussi expéditif et unilatéral de la part des dirigeants du Barreau, prétextant une urgence factice — la réforme annoncée du Code des professions.
La stratégie fut de scander qu’il y aurait une nouvelle gouvernance, sans jamais en exposer la substance. Aucune assemblée générale ne fut tenue sur le sujet, ni même de réunion d’information afin de permettre un échange véritable.
Or, aucun autre véhicule n’existe afin que les membres puissent exprimer leur voix, le Journal du Barreau ne contenant pas de rubrique des lecteurs… Seul un sondage autojustificateur, et dont les résultats furent fort partagés, fut tenu auprès d’un segment des membres, en octobre 2013, au tout début du processus et sans que les membres connaissent les modifications proposées.
Vivement que le gouvernement du Québec diffère l’adoption précipitée de ce projet de loi, qui ne revêt dans les faits aucune urgence, et permette la tenue d’une véritable commission parlementaire, afin que les membres du Barreau et du public puissent s’exprimer, et que se tienne un débat d’idées qui caractérise une démocratie.
Elle a été bâtonnière du Barreau de Montréal, en 2006-2007 et présidente de l’Association du Barreau canadien-Division Québec, en 2004. Elle fut candidate à la vice-présidence du Barreau du Québec contre Me Bernard Synnott en 2013.