Élections Barreau 2015

Entretien avec Me Luc Deshaies

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Emeline Magnier

2015-04-28 15:00:00

Image de la profession, emploi des jeunes, formation professionnelle et baisse de la prime d’assurance : le candidat au Bâtonnat Me Luc Deshaies fait valoir sa position sur les enjeux de la campagne électorale...
Me Luc Deshaies a déposé  sa candidature pour le poste de bâtonnier et affrontera Me Lu Chan Khuong, actuelle vice-présidente du Barreau du Québec.
Me Luc Deshaies a déposé sa candidature pour le poste de bâtonnier et affrontera Me Lu Chan Khuong, actuelle vice-présidente du Barreau du Québec.
Me Luc Deshaies a déposé sa candidature pour le poste de bâtonnier et affrontera Me Lu Chan Khuong, actuelle vice-présidente du Barreau du Québec.

Droit-inc s'est entretenu avec lui et lui a posé quelques questions sur les propositions électorales exposées sur sa plateforme.

À noter que cette entrevue a été réalisée quelques jours avant le dépôt le week-end dernier d’une plainte officielle auprès du Barreau du Québec de la part de sa rivale, et dont Droit-inc a relaté les détails hier.

Droit-inc : Vous affrontez la vice-présidente du Barreau pour le poste de bâtonnier. Pourquoi ne pas avoir attendu qu’elle soit bâtonnière et vous présenter lors des prochaines élections ?

Me Luc Deshaies : En 2015, avec la nouvelle gouvernance, tout le monde pouvait se présenter. Ça a été dit, écrit, lu et Me Khuong le savait. J’ai été surpris qu’il n’y ait pas plus de candidats. J’ai attendu que la loi change pour déposer mon bulletin, je respecte les règles. On m’a dit que je devais me présenter, j’y ai pensé et j’ai décidé de me lancer. J’ai le soutien de plusieurs bâtonniers de région ainsi que de Me Johanne Brodeur, l’ancienne bâtonnière du Québec, et mes associés, mes collaborateurs et mon épouse me supportent.

Le bâtonnier doit être un porte parole crédible pour représenter le Barreau auprès de la magistrature et du Ministère, un leader et un rassembleur. Beaucoup de personnes me félicitent pour ma candidature. Il est faux de dire qu’on a mis fin à la règle de l’alternance entre Montréal, Québec et les régions avec la nouvelle gouvernance. Une résolution a été adoptée par le conseil général à cet effet pour la préserver.

Pourquoi avez-vous choisi de constituer une équipe composée de candidats aux postes d’administrateurs ?

Je m’étais déjà présenté en équipe lors des élections au Barreau de Montréal. Cela permet de partager des idées et d’avoir des avocats de différentes provenances. Dans notre équipe, nous avons un juriste de l’État, des avocats de pratique privée, une jeune recrue, un juriste d’entreprise et un anglophone. Bien sûr qu’ils sont indépendants, nous avons tous une vision différente et ça nous donne un bel équilibre. Trois avocats de province se sont ensuite joints à nous et j’en suis très fier, c’est une belle marque de confiance.

Les avocats souffrent souvent d’une mauvaise image dans l’opinion publique. Sur votre plateforme, vous proposez d’y remédier. Par quels moyens ?

Le Barreau doit intervenir comme vulgarisateur en chef et communiquer avec le public sur les questions juridiques; c’est un rôle d’information, par exemple quand un jugement de la Cour suprême est rendu afin de le rendre plus accessible. Par contre, je ne pense pas que l’Ordre doit prendre position dans le cadre d’un débat politique : nous représentons 25 000 membres qui n’ont pas tous les mêmes idées. Il faut donc faire preuve de retenue, sauf pour les questions reliées directement à notre profession et à l’indépendance de la justice.

De jeunes avocats peinent à trouver un emploi en pratique privée. Certains recommandent de contingenter la profession. Qu’en pensez-vous ?

Nous ne pouvons pas tous pratiquer de façon traditionnelle et aller plaider devant les tribunaux. Il faut pratiquer différemment. Nous allons rencontrer les doyens des facultés de droit afin de les sensibiliser à cette situation et pour que les étudiants soient informés sur les autres professions qui existent. Nous devons penser autrement. Quant à contingenter l’entrée dans la profession, il faut consulter des experts avant de prendre une décision drastique. Environ 1000 nouveaux membres arrivent chaque année et l’assiette de demande n’augmente pas. Il est important que les étudiants le sachent.

Avec la baisse de la cotisation et de la prime d’assurance, la question financière est très présente dans la campagne électorale. Est-ce justifié selon vous ?

Elle est inutilement présente; les finances du Barreau sont très saines et il y aura un excèdent de deux millions de dollars cette année, avec un retour aux membres de 100 dollars. Laisser entendre que l’Ordre dépense impunément, c’est injuste. Les derniers bâtonniers ont fait très attention et leur rémunération est comparable à celle des présidents des autres ordres professionnels. Il n’y a ni dépense inutile ni dépense somptuaire.

La couverture d’assurance à dix millions et la prime d’assurance à 1200 dollars ont été décidées à la quasi unanimité par le conseil général. Après discussions, il a été convenu qu’une couverture à deux millions serait insuffisante. Dire que cela ferait baisser la prime de 500 dollars, ce n’est pas exact. On ne peut pas l’affirmer, les calculs actuariels ne sont pas disponibles et la valeur des réclamations au fonds d’assurance augmente.

Par ailleurs, nous avons la plus basse prime d’assurance pour la meilleure protection et la plus basse cotisation au Canada. Le bâtonnier ne peut pas décider seul de baisser la cotisation ou l’assurance, cela se fait sur décision du conseil d'administration (CA). Les représentants du public qui font partie du CA accepteront-ils de diminuer la protection pour quelques centaines de dollars ? Nous sommes prêts à discuter de la modulation de la cotisation. Je suis sensible au fait que pour les jeunes avocats, il peut s’agir de gros montants. Il faut en parler mais je ne peux pas faire de promesse.

Vous proposez d’augmenter l’offre de formations en ligne à un prix accessible de 20 dollars. Considérez-vous qu’il y a un manque à combler ?

Il y a déjà des formations à faibles coûts, notamment avec les jeunes barreaux. Je pense toutefois que le Barreau devrait se retirer de l’offre de formation, ce n’est pas son rôle, mais celui d’associations comme l’Association du Barreau Canadien. Nous devons nous concentrer sur les cours relatifs à l’exercice de la profession, sur les inspections professionnelles par exemple, et les offrir en ligne à un prix abordable. Je considère aussi que 30 heures de formations sur deux ans, c’est raisonnable et comparable à ce qui se fait ailleurs et dans d’autres ordres professionnels. Nous sommes là pour protéger le public, je ne pense pas que le nombre d’heures doit être diminué.

Vous remettez à l’avant-scène la mobilité interprovinciale des avocats. Qu’entendez-vous faire à ce sujet ?

Le bâtonnier Nicolas Plourde avait adhéré, avec les autres provinces et territoires, à l’idée d’une mobilité « permis sur permis ». Mais avec le jugement Nadon, on m’a dit que cela crée une difficulté. Je ne pense pas qu’il faut arrêter les discussions maintenant après avoir passé tant de temps à en parler. Il pourrait y avoir des aménagements, il faut vider la question et voir quelle solution on peut trouver. C’est à l’avantage des avocats québécois qui sont seuls à évoluer dans un système de bijuridisme et à pratiquer dans les deux langues. Les avocats français peuvent exercer ici après avoir passé un examen en déontologie, sans avoir jamais étudié les procédures québécoises et canadiennes, on pourrait avoir un système parallèle.

Membre du Barreau du Québec depuis 1986, Me Luc Deshaies est associé au sein du cabinet Gowlings à Montréal où il exerce en droit du travail et de l’emploi. Il y a dirigé le groupe de pratique national. Depuis 2010, il est reconnu par The Best Lawyers in Canada.

Me Deshaies a été successivement conseiller, premier conseiller, puis bâtonnier de Montréal jusqu’en mai 2014. Il a enseigné pendant 15 ans à l’École du Barreau et a été conférencier à l’Association du Jeune Barreau de Montréal, au Barreau de Paris, au Barreau de Toulouse, au Barreau du Saguenay-Lac-St-Jean et au Barreau du Québec.
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