Goldwater lessive V!
Jean-francois Parent
2018-10-16 15:00:00
Me Anne-France Goldwater alléguait le bris de contrat de la part du diffuseur et producteur de « L’arbitre ». Mais si elle gagne aujourd’hui son procès, elle l’estime « éprouvant », puisque ses adversaires, dont la défense a été déclarée « abusive », l’auraient insultée copieusement.
De plus, le litige aura duré trois années de procédures, prouvant par l’exemple « jusqu’où des avocats sont prêts à aller avec des mesures dilatoires », explique Me Goldwater à Droit-Inc, au lendemain de la publication du jugement.
«On m’a insultée ouvertement»
Une victoire à la Pyrrhus. C’est donc le sentiment qu’éprouve l’avocate au sortir de ce litige.
« Le juge Bisson l’a dit : les avocats ont poussé leur défense ‘’jusqu’à la limite ultime’’, soutient Anne-France Goldwater. Et on le voit dans les transcriptions, on m’a insultée ouvertement. »
Le procès, qui a duré quatre jours, l’opposait aux avocats de Miller Thomson Mes Stephan Trihey et Lucie Lanctuit, qui plaidaient pour le compte de V. Me Dominique Lavin, de Yulex, représentait Télé Publique.
Défense abusive
Si ce n’était que les insultes, ça pourrait toujours passer, concède celle qui dit ne pas être rancunière.
Elle donne ainsi maints exemples des obstructions systématiques auxquelles elle a dû faire face. « Même moi, avec mes moyens, ma situation et mes quelque 40 ans d’expérience je n’étais pas capable de suivre le rythme! »
« Quand tu dois passer toute la journée en cour sur des questions de protocole, pour des choses que tout avocat normal tiendrait pour acquises, c’est inacceptable! », s’insurge Me Goldwater.
Rien que lors de l’interrogatoire du propriétaire de V Maxime Rémillard, les avocats de ce dernier ont soulevé 175 objections!
Une cause qui aurait pourtant pu servir d’exemple quant à la façon dont les pigistes du monde de la télévision sont traités est ainsi devenue une illustration parfaite de ce qui cloche avec le système de justice, selon elle. « Rien ne te protège contre les avocats qui veulent te rendre la vie la plus misérable possible », déplore-t-elle.
Tant pour V que pour Télé Publique, la Cour souscrit à l’argument de Me Goldwater que leurs défenses « sont abusives puisque manifestement mal fondées en droit » et « complètement indéfendables ».
Pour l’essentiel, les deux défendeurs ont plaidé en fonction d’éléments externes au dossier tout au long des procédures, tranche le juge Bisson.
Aucun des avocats de la défense n’a répondu aux demandes de commentaires faites par Droit-Inc. On ne sait donc pas si le jugement fera l’objet d’une demande d’appel.
Un super-plaideur pour Goldwater
Pour lutter contre ses ex-employeurs, l’Arbitre s’est bien entourée. C’est Me Karim Renno, associé principal et cofondateur de Renno Vathilakis, qui est allé au bâton pour elle.
« Je suis très content pour Me Goldwater », explique celui qui chronique pour Droit-inc à titre de « Jeune Super-plaideur ».
« Ça fait très longtemps que ça dure », ajoute-t-il, remarquant au passage la célérité du juge Bisson à rendre un jugement, moins de deux semaines après le procès.
Les procédures ont été difficiles pour l’ex-Arbitre à plus d’un égard. « C’est toujours difficile pour un avocat de se retrouver dans un litige en étant représenté par quelqu’un d’autre. Le réflexe pour un plaideur est toujours de vouloir sauter dans l’arène, et donc, il y a eu de la gestion de client », confie Karim Renno.
Pour Me Goldwater, l’une des grandes forces de Me Renno a été de la convaincre ne pas sauter dans l’arène. « Il me rappelait constamment que je n’étais pas là pour argumenter des points de droit, mais pour répondre aux questions et c’est tout », illustre la plaideuse d’expérience.
Leur collaboration est « également la preuve par l’exemple qu’un avocat palestinien et qu’une avocate juive peuvent faire de grandes choses ensemble! », lance-t-elle à la blague.
Anne-France Goldwater remarque également que l’arrivée de Me Renno a endigué les comportements déplacés qui la visaient. « Une fois que Karim s’est impliqué, le ton a changé, car on ne parle de la même façon aux hommes qu’aux femmes.»
« Mais le fait est qu’on peut m’insulter gratuitement et personne ne fait rien. Et une femme ne peut pas se plaindre de ces choses sans qu’on la traite de chienne », s’insurge Me Goldwater, dépitée par les attaques personnelles lancées contre elle par les plaideurs de Miller Thomson notamment.
Le cœur du litige
Le contrat permettait à l’origine la rediffusion des émissions sur la chaîne V sans frais supplémentaires pour le diffuseur V. L’acquisition de MusiquePlus par V en 2014 semble avoir donné l’impression au diffuseur qu’il pouvait repasser les 194 épisodes de L’arbitre à l’antenne de MusiMax sans renégocier verser de droits de suite à Anne-France Goldwater.
Sauf que la clause 12 du contrat entre V et Goldwater stipule que la rediffusion supplémentaire d’épisodes de L’arbitre initie le paiement de droits de suite. Une nouvelle entente conclue en 2015 fait le point sur cette question. Mais son interprétation donne lieu au litige, alors que Me Goldwater soutient que la rediffusion sur d’autres chaînes que V, fussent-elles la propriété de V, donne lieu à des droits de suite.
D’où la poursuite entamée contre V et le producteur, Télé Publique, pour rupture de contrat.
Ces derniers soutiennent en défense que la nouvelle entente de 2015 prévoit déjà les droits de rediffusion sur Musimax.
C’est sur cette interprétation divergente que le juge Donald Bisson s’est penché. Celui-ci observe qu’il n’y a « aucune ambiguïté » dans le contrat : V achète les droits pour V et V seulement, en non pas pour ses autres chaînes.
Premier retournement : au procès, les représentants de Télé Publique, qui produit L’arbitre, admettent qu’Anne-France Goldwater devait consentir à la rediffusion sur d’autres chaînes que V. « Autrement dit, ils donnent raison à Me Goldwater sur ce point », écrit le juge Bisson. Ce dernier note de plus que cette position est contraire à ce que Télé Publique a toujours maintenu dans ses procédures.
Même que « en plaidoirie, l’avocat de Télé Publique soutient quand même que l’entente » permet la rediffusion sur MusiMax.
Quoi que disent V et Télé Publique, il y a eu violation contractuelle de leur part et Me Goldwater gagne cette manche.
Le juge Bisson lui accorde ainsi ce qu’elle demande, soit 1 000 dollars par épisode, pour un total de 194 000 dollars.
V et Télé Publique ont bien tenté de faire réduire le quantum de dommages, invoquant le contrat litigieux, mais la Cour a rejeté leurs arguments. Faire autrement équivaudrait à donner « un blanc-seing » à la façon de faire du diffuseur et du producteur, jugée illégale par la Cour.
La saison 8
Au moment où le litige sur la rediffusion des saisons 1 à 7 de L’arbitre éclate, au printemps 2016, V, Télé-Publique et l’Arbitre elle-même ont convenu qu’une 8e saison serait produite.
Anne-France Goldwater réclame donc le versement du cachet prévu pour cette 8e saison pour laquelle V lui a tiré le tapis de sous les pieds.
Dans les mois précédant le litige sur la rediffusion, une 8e saison est dans les plans. Une entente est négociée entre toutes les parties, avec force courriels et courriers recommandés, mais aucun contrat n’est signé.
Mais voilà, il y a toutefois un engagement de production, puisque les dates de tournage sont confirmées et que la diffusion de la 8e saison est prévue à la grille horaire de V pour la saison 2017-2018, constate le juge Bisson.
Rien n’y fait, aucun engagement n’existe, plaide la défense en substance, et on ne doit donc aucun honoraire à Me Goldwater.
Sauf que la preuve établit que l’entente concernant la 8e saison a été résiliée. « Comment prétendre qu’il n’y avait aucun engagement s’il y a nécessité de (le) suspendre et de (le) résilier? », demande le juge Bisson.
En défense, on soutient également que l’entente résiliée est couverte par l’article 2125 CcQ, qui donne le droit à un client de résilier un contrat sans motifs. La Cour estime au contraire que 2125 CcQ ne s’applique pas puisqu’on n’a pas affaire ici à un contrat d’entreprise.
En outre, V plaidait que puisque les dernières saisons de L’arbitre ont été déficitaires, la production et diffusion d’une 8e saison relevait du non-sens économique, et qu’on pouvait donc revenir sur la décision de poursuivre l’aventure sans conséquence.
À cela, la Cour rappelle que « l’imprévision économique contractuelle est expressément rejetée en droit québécois », et balaie l’argument du revers de la main.
Me Goldwater a donc droit à son plein cachet prévu pour la saison 8, qui s’élève à 432 000 dollars.
Au final, l’ex-Arbitre réfléchit encore aux suites à donner à sa cause. Car le jugement lui donne la possibilité d’entamer de nouvelles procédures relativement à la défensive abusive qu’elle a essuyée.
« Mais je préfère éviter un nouveau litige. Je cherche donc une façon élégante de régler ce dossier », conclut-elle.
Anonyme
il y a 6 ans"179 objections"
Me Reno diffusait un article, il y a quelque temps, sur la marge de manoeuvre réduite laissée par le nouveau C.p.c. en matière d'objections.
Il serait intérerssant de l'entendre sur les différences entre la théorie et la pratique, à la lumière de son expérience face à 179 objections.
Karim
il y a 6 ansBonjour Cher Anonyme,
Je n'étais pas le procureur présent lors des interrogatoires en question où Me Trihey a formulé ses nombreuses objections.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que je considère qu'un tel comportement procédural était abusif, comme je l'ai plaidé devant le juge Bisson.
Bonne journée,
Karim Renno
K
il y a 6 ansComment quelq'un qui a été in-house counsel de 2006 à 2015 et qui fait du litige à temps partiel seulement depuis 3 ans est entré au American College of Trial Lawyers?
Ne me parlez pas de jalousie, je fais strictement du corpo/financement/bancaire.
Je pose simplement la question.
Vrai
il y a 6 ansBon point.
18 ans de carrière
24 jugements répertoriés sur CanLII
Just sayin'.
Anonyme
il y a 6 ansI would like to know this as well. How is it that they are both names fellows at the same time?
Pas vraiment
il y a 6 ans... pour apprendre à faire de la recherche internet, car CanlII en répertorie plutôt 316.
https://www.canlii.org/fr/#search/type=decision&text=%22karim%20renno%22
Anonyme
il y a 6 ansÀ qui faites-vous référence exactement ?
Anonyme
il y a 6 ansIl ne parle pas de Me Reno mais de son associé
Anonyme
il y a 6 ansPersonne dans ce dossier n'est Fellow du American College of Trial Lawyers. Me Renno et son associé ont récemment été nommés Fellows du Litigation Coustel of America, une organisation totalement inconnue qui n'arrive pas à la cheville du ACTL.
Anonyme
il y a 6 ansÀ qui faites vous référence quand vous parlez du ACTL? J'ai l'impression qu'il y a méprise de votre part.
K
il y a 6 ansmon erreur, je parle du Litigation Counsel of America et non du ACTL.
N'empêche, la question demeure.
Je parle de Me M.V.
re ACTL
il y a 6 ansIl semble effectivement y avoir méprise. Ni Michael, ni moi ne sont membres de l'ACTL.
Je présume par ailleurs que vous parlez du Litigation Counsel of America. Bien que je ne puisse vous donner les raisons de l'inclusion de Michael ou la mienne (le processus de sélection étant secret), je peux vous dire qu'il est très réducteur de juger de la carrière d'un plaideur en regardant seulement CanLII.
Michael fait beaucoup d'arbitrage commercial et international, domaines dans lesquels les jugements ne sont pas rendus publics. Qui plus est, il a été un des avocats principaux dans plusieurs des dossiers de divorce les plus importants au Québec et au Canada, lesquels sont frappés d'ordonnances de non-publication ou de scellés.
Finalement, ce n'est pas parce qu'on est "in house" qu'on ne fait pas du litige. Je peux vous assurer que Michael a plaidé plusieurs gros dossiers relatifs à son entreprise pendant qu'il était à l'interne.
Bref, bien que je sois biaisé sur la question, il ne fait pas de doute dans mon esprit que Michael mérite son inclusion.
Bonne journée,
Karim Renno
K
il y a 6 ansOn dit pas "ordonne de verser", même si beaucoup de Juges l'écrivent comme ça.
On dit "condamne".
Lawyer Dude
il y a 6 ans"Tant pour V que pour Télé Publique, la Cour souscrit à l’argument de Me Goldwater que leurs défenses « sont abusives puisque manifestement mal fondées en droit » et « complètement indéfendables ».
Pour l’essentiel, les deux défendeurs ont plaidé en fonction d’éléments externes au dossier tout au long des procédures, tranche le juge Bisson.
Aucun des avocats de la défense n’a répondu aux demandes de commentaires faites par Droit-Inc. On ne sait donc pas si le jugement fera l’objet d’une demande d’appel."
Mon doux. Talk about pathetic for Miller Thomson. Wonder if Mes Stephan Trihey and Lucie Lanctuit will be put out to pasture...
Aanonyme
il y a 6 ansThey are crying all the way to the bank.
Anonyme
il y a 6 ansLeur but (conformément au voeux de leur client) était d'enterrer l'adversaire sous les frais.
Dans une bonne proportion de litige, le droit, les intérêts financiers d'une ou de plusieurs parties, et la moralité, sont mis de côté au profit d'une course à celui qui pisse le plus loin, et la plupart des avocats n'auront aucuns scrupules à tenir la graines de leur clients, à grand frais, pour les aider à pisser le plus loin possible.