Être le fils du juge en chef
Delphine Jung
2019-10-15 15:00:00
Chez Fasken, Me Wagner est avocat au sein du groupe de pratique Travail, emploi et droits de la personne au bureau de Montréal. Il se spécialise notamment en matière d’injonction, en matière de concurrence et de non-sollicitation, de concurrence déloyale et de la protection des renseignements confidentiels.
Droit-inc s’est entretenu avec lui.
Qu'est-ce qui vous a poussé à faire une carrière en droit? Y a-t-il eu une influence familiale?
Charles Wagner : Peut-être qu'il y a eu une influence familiale indirecte, mais j'avais toute la liberté de choisir la profession qui m'intéressait. Peut-être parce que j'ai baigné là dedans, mais c'était un intérêt pour moi, j'ai commencé mes études universitaires avec ça en tête. L'argumentation est un élément intéressant et avec le droit du travail, c'est tout le volet humain de la pratique que j'apprécie énormément.
Pourquoi le droit du travail en particulier?
À mon arrivée chez Heenan Blaikie comme étudiant, on était porté à découvrir toutes les facettes du droit et les explorer pour se faire une tête. Lors de mon premier été j'ai goûté au droit du travail et je suis tombé en amour avec cette facette du droit. Initialement, j'aime bien le litige, donc je voulais m'orienter vers cette pratique, mais j'ai découvert qu'il y avait un gros volet litige dans le droit du travail. Par ailleurs, la matière en temps que telle était très humaine, les décisions ont des impacts plus concrets.
Trois ans après avoir franchi la porte de Heenan Blaikie, le cabinet est dissous. En tant que tout jeune avocat qui débutait sa pratique, comment avez-vous vécu ça?
Février 2014 n'a pas été une période très agréable. J'avais grandi là-bas, j'avais l'idée que j'allais y finir ma carrière, car j'adorais le bureau. Ça a été un choc, mais on a été très chanceux, car les autres cabinets avaient certains besoins. La plupart de mes collègues ont pu se replacer ailleurs. Il y a eu un bel effort de solidarité de la communauté juridique et aujourd'hui, ça fait en sorte qu'on connaît plusieurs avocats dans la plupart des cabinets à Montréal.
Vous avez toujours été dans des gros cabinets : Stikeman Elliott, Heenan Blaikie, Langlois... Votre père était chez Lavery. Est-ce qu'il y a une culture du « gros cabinet » chez les Wagner?
Pas du tout, c'était vraiment par intérêt. À la course aux stages j'avais appliqué dans des gros et des petits cabinets. J'avais trouvé un fit chez Heenan, mais la grosseur n'était pas un critère déterminant dans mon parcours. J'ai aussi fait une partie de ma carrière chez Langlois qui était LKD à l'époque et on était environ 80 ressources, maintenant ils sont plus de 200, c'était un cabinet à dimension humaine.
Vous approchez les 10 ans de pratique, quel est votre bilan?
Après 10 ans de pratique je suis exactement où je voulais être. Je suis un avocat qui a amélioré sa pratique, s'est développé, a développé une clientèle, j'ai acquis beaucoup d'expérience en matière de ressources humaines et de litige, mais j'ai encore beaucoup de choses à apprendre. Je n'ai jamais été autant heureux de mon boulot.
Avez-vous eu un confrère qui vous a inspiré, un mentor?
Simon Laberge tout particulièrement. Il m'a recruté quand j'étais chez Heenan et il est désormais notre co-chef de secteur. Il a été pour moi un modèle tout au long de ma carrière. C'est lui qui m'a fait découvrir le droit du travail au Québec et au Canada. Il a été une bonne inspiration. Il est toujours un bon mentor par ailleurs.
Est-ce qu'il y a une cause qui vous a marqué par son envergure ou sa complexité?
J'ai plaidé des ordonnances de type «Anton Piller», une perquisition civile, C'est un peu la bombe atomique du litige. Il s'agissait d'employés qui étaient partis pour le compétiteur en volant des informations confidentielles appartenant à leur ancien employeur. Ça a été un gros processus à mener. C'est extrêmement intrusif comme procédure. Pour moi ça a été des expériences assez intéressantes. Récemment j'ai eu un dossier pour Pomerleau suite à l'acquisition de Verreault. Il y avait un cadre de Verreault qui n'a pas voulu passer chez Pomerleau et il avait fait une plainte pour congédiement sans cause. Nous avons gagné au tribunal administratif et en cour supérieure. Ça a été une décision marquante, car j'étais là dès le début. C'est une grande fierté d'avoir représenté cette entreprise.
Quels sont les grands défis de la profession à venir?
Tout ce qui concerne l'accès à la justice. C'est un élément sur lequel plusieurs personnes cogitent en ce moment. Il y a aussi une certaine adaptation qui doit être faite par le milieu juridique et on commence à le voir par les décisions de notre bâtonnier. L'avenir est positif pour la pratique, mais évidemment il y aura toujours des choses à améliorer et l’accessibilité à la justice est un élément important dans tout ça.
Vous avez participez au débat concernant la légalisation du cannabis. Comment avez-vous vécu cette expérience?
C'était fort intéressant. En droit du travail, on n'avait pas de repères, mais les principes sont similaires à la consommation d'alcool, donc on est partie de là, mais toujours sous l’œil de la protection du public, puisque moi j'avais le chapeau du Barreau du Québec. On a analysé la loi sous tous ses volets : commercial, pénal, criminel...
Vous avez depuis récemment intégré le comité administratif de la Fondation de la Commission scolaire de Montréal, quel y est votre rôle?
C'est une fondation qui me tient énormément à cœur, car je suis un jeune père de famille et donc pour moi l'éducation est extrêmement importante. Je peux apporter un élément de gouvernance au CA en tant qu'avocat. Je suis en mesure d’aider le CA pour toute question légale en comptant notamment sur mes collègues de Fasken. Je suis aussi en mesure en mesure de partager mon réseau de contacts au CA dans l’objectif de réaliser notre mission auprès des écoles.
En quoi le travail de cette fondation est important selon vous?
L'éducation est à la base de la richesse et du développement de la société. C’est dans cette perspective que la fondation mobilise la communauté en vue de financer la tenue d’activités pour les élèves qui sont complémentaires au programme éducatif du ministère de l’Éducation et qui ne sont pas financées par l’État. Nous faisons appel à des gens de tous les milieux qui valorisent, comme moi, l’éducation et voient l’importance d’enrichir le curriculum scolaire par des initiatives ayant un impact social à long terme. Notre action est marquée par une volonté ferme de répondre aux besoins et priorités des écoles.
Comment allez-vous allier votre travail et votre implication au sein de la Fondation?
Fasken encourage l'implication de ses membres dans la communauté. Que ce soit par la participation à des œuvres de bienfaisance, en siégeant sur des conseils d'administration ou en offrant du travail pro bono à des organismes sans but lucratif, l'engagement social fait partie de notre culture.
Comment on vit le fait d'être « le fils de »?
Je suis très bien avec ça. Mon père est un exemple pour moi, c'est quelqu'un qui a manifestement réussi sa carrière, mais je n'ai pas de pression à cet égard. Je suis très fier de ce qu'il a accompli et de ce qu'il va accomplir pour la suite. Il faut le voir du bon œil. On a de bonnes discussions sur le droit.
Comme quoi?
On parle des décisions rendues, comment il voit les choses, comment je le vois. C'est intéressant de savoir comment ils en sont venus à ces décisions-là. J'ai uniquement sa vision des choses. Comme n'importe qui qui lirait la décision. Des fois je suis pas d'accord, des fois je suis d'accord. Évidemment, il ne me parle pas des décisions qui ne sont pas rendues et je ne veux surtout pas en entendre parler.
Est-ce que cela vous tenterait de devenir juge un jour?
Peut-être un jour, qui sait, mais il y a encore beaucoup d'étapes à franchir avant. Mais oui, c'est quelque chose qui ultimement pourrait m'intéresser, mais il y a beaucoup de choses avant.