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Comment gagner en Cour suprême?

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Jean-francois Parent

2022-07-12 14:15:00

L'analyse des décisions rendues par le plus haut tribunal du pays permet d’identifier plusieurs variables qui font la différence. Lesquelles?
Paul-Erik Veel. Sources: LinkedIn et archives
Paul-Erik Veel. Sources: LinkedIn et archives
Curieux de savoir comment évaluer vos chances de remporter une décision de la Cour suprême?

La base de données du Supreme Court Project, riche de plus de 6 200 décisions, est une initiative conjointe entre la fac de droit de l’Université de Toronto et le cabinet de litige Lenczner Slaght, offre des éléments de réponse à la question.

L’un des architectes du projet, le plaideur Paul-Erik Veel, associé chez Lenczner Slaght et prof à adjoint à la fac de droit de Toronto, analysait récemment les décisions rendues par la Cour suprême dans les dix dernières années pour en dégager les facteurs de réussite.

Son analyse porte sur 659 décisions rendues entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2021 Les éléments suivants sont statistiquement significatifs quant à leur valeur prédictive.

Les voici.

Autorisation ou de plein droit?

Les appels entendus suivant une autorisation tendent à favoriser les appelants. Ces derniers remportent ainsi leurs appels dans 47 % des cas, par rapport à seulement 40 % pour les appels entendus de plein droit.

« Ce résultat n'est pas surprenant, estime Paul-Erik Veel. Le critère d’autorisation est de savoir si l'affaire soulève une question d'importance publique. » Il propose également que le banc est peut-être plus disposé à accorder une autorisation lorsqu’il estime qu’une erreur doit être corrigée, alors que ce filtre ne s’applique pas dans les appels de plein droit.

Cela étant, l'ampleur de ce facteur est relativement faible par rapport aux autres facteurs, même s’il reste statistiquement significatif en tenant compte des autres facteurs.

La dissidence

La façon dont la décision a été rendue par une cour d’appel semble aussi influer grandement sur le résultat final. Paul-Erik Veel relate que ce qui se passe en appel est important: s’il y a eu dissidence, ou si la Cour d’appel a entendu la cause, la différence quant au potentiel de remporter la décision devant la Cour suprême est marquée.

Les appelants ont eu gain de cause devant la Cour suprême dans 51 % des cas où la décision d'appel comporte une dissidence, comparativement à 42 % dans les cas sans opinion dissidente. Et le simple fait pour une Cour d’appel d’entendre un dossier creuse l’écart: 54 % des appelants gagne dans ces cas-là, alors que seulement le tiers (36 %) remporte la décision suprême lorsqu’ils soumettent un rejet de la Cour d’appel.

Si l’appel est remporté, mais avec dissidence, cela signale un certain désaccord entre les tribunaux inférieurs, note l’analyste. Et cela sert d’indicateur à la Cour suprême qu’il y a quelque chose à corriger. Et si une dissidence expose les erreurs de la majorité, on dispose alors de quelques balises pour rendre sa décision.

La concordance

L’analyse révèle de plus qu’un jugement d’appel rendu avec une décision concurrente réduit considérablement les chances d’une décision suprême favorable. Dans ce cas, seuls 29 % des appelants ont remporté leur cause.

Paul-Erik Veel observe ici qu’Il est possible qu’une décision concurrente donne plus de chances au défendeur parce qu’il y a plusieurs façons d’en arriver à la même conclusion. Et donc qu’un appel avec concurrence soit rejeté au final.

Cela étant, prudence: cette analyse est vraie sur 10 ans, mais diminue lorsqu’on tient compte des décisions des 20 dernières années.

Droit privé

L’analyse révèle également que les appelants ont beaucoup plus de chances d'obtenir gain de cause dans les appels de droit privé que dans les autres types d'appels. Les appelants ont eu gain de cause dans 57 % des appels de droit privé interjetés devant la Cour suprême, alors que cette proportion ne s’établit qu’à 43 % pour les autres types d'appels.

Cela pourrait s'expliquer par un effet de sélection lors de l'autorisation, postule Paul-Erik Veel. Les questions de droit criminel, pénal et public peuvent soulever d’emblée des questions d'importance nationale, les rendant plus susceptibles d’être autorisées, biaisant les résultats en faveur du droit privé.

Qui fait appel?

L’analyse soulève aussi que lorsque l'appelant est le gouvernement fédéral ou la Couronne, cela augmente la probabilité qu'un appel soit accueilli. L’appelant fédéral ou de la Couronne a ainsi remporté 63 % des dossiers soumis à la Cour suprême.

Sur le banc, ou pas?

Ce n’est bien sûr pas quelque chose que l’on peut savoir d’avance, mais Paul-Erik Veel remarque que les décisions rendues sur le banc le sont au détriment des appelants.

Lorsque cela se produit, l'appelant n’a gagné que 38 % du temps. En revanche, lorsque la Cour suprême a pris la décision en délibéré, les appelants ont gagné dans près de 48 % des cas.

Et le reste…

L’analyse révèle aussi que plusieurs facteurs ne semblent pas avoir d’incidence sur la probabilité des appelants de gagner devant la Cour suprême.

Ainsi, les domaines de droit n’influencent pas l’issue de la décision, statistiquement parlant. Il en va de même pour la juridiction d’origine de l’appel.

Finalement, établir plus précisément les chances de gagner la bataille peut aider les plaideurs à décider de la voie à suivre, estime Paul-Erik Veel.

Un outil d’autant plus utile qu'il est difficile de prédire les décisions de la Cour suprême avec une analyse juridique conventionnelle. Habituellement, la décision d’interjeter appel se fait à l’aune des précédents et de la jurisprudence.

Mais la Cour suprême fait bande à part, et signe la fin du parcours pour les décisions, car aucune juridiction supérieure ne peut lui fournir de précédent contraignant, la rendant plus libre de ses décisions.

Et plus imprévisible.
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