Le nouveau maître de Blakes
Rene Lewandowski
2011-05-27 14:15:00
«Ça, je ne m'y attendais pas», dit l'avocat de 53 ans, lorsqu'il reçoit La Presse, une semaine après avoir été nommé associé-directeur du bureau de Montréal de Blakes.
Contrairement à ce qui se passe ailleurs, sa nomination s'est déroulée dans l'harmonie la plus totale: pas de campagne électorale ni de votes d'associés ne furent nécessaires. Vrai, il y a bien eu quelques personnes intéressées au poste, mais elles se sont vite ralliées autour de ce plaideur.
«Robert est un rassembleur, c'était un choix logique», dit l'associé Alain Massicotte, son collègue chez Blakes depuis six ans.
Rassembleur, sans doute. Mais il devra maintenant convaincre ses associés qu'ils ont pris la bonne décision. Car c'est tout un défi qui attend l'avocat au cours des prochains mois. D'abord, il remplace Norm Saibil, l'avocat qui a lancé le bureau il y a une dizaine d'années avec deux autres associés, James Papadimitriou et Michael Bantey. En très peu de temps, les trois transfuges de BLG ont réussi à bâtir un bureau crédible en droit des affaires, qui compte aujourd'hui plus de 70 avocats. Un quasi-exploit, compte tenu de la férocité de la concurrence dans le marché des services juridiques.
Phase 2
Ensuite, et surtout, il devra faire passer le bureau montréalais de Blakes à un autre niveau. Car si le bureau est désormais reconnu dans la communauté des affaires, il n'a pas encore atteint le niveau de notoriété de certains concurrents, ni celui du bureau torontois de Blakes, réputé internationalement en droit transactionnel.
«C'est vrai que l'on n'est pas à Montréal depuis 50 ans comme certains de nos concurrents», admet Me Torralbo. Il souligne néanmoins que Blakes est connu là où ça compte, c'est-à-dire auprès des conseillers juridiques des grandes entreprises, ceux qui passent les commandes de mandats juridiques.
Il n'empêche que Blakes Montréal n'a pas encore atteint la profondeur de plusieurs de ses rivaux. Le bureau est surtout présent dans les transactions de taille intermédiaire, le ''mid-market'' pour reprendre le jargon du milieu, ainsi que dans le financement d'entreprises, et en immobilier. Il y a donc du travail à faire pour se positionner dans les mandats plus importants, comme les autres bureaux de Blakes ailleurs au Canada. Robert Torralbo sera-t-il en mesure de le faire? Ceux qui le connaissent n'en doutent aucunement.
«C'est un homme honorable, intelligent et efficace», dit Richard Cherney, coassocié-directeur de Davies, à Montréal, un ami qui a étudié avec lui il y a une trentaine d'années. M. Cherney, qui dirige aussi des avocats, souligne que ça prend trois ingrédients pour réussir comme dirigeant de cabinet: la capacité d'écoute, être capable de réfléchir avant de décider, et ne pas avoir peur d'exécuter les décisions. «Robert possède ces trois qualités», dit Me Cherney.
Un super plaideur
Robert Torralbo a de toute façon déjà fait ses preuves. C'est lui qui a bâti le département de litige de Blakes à Montréal, qui compte aujourd'hui 13 avocats et qui est présent dans plusieurs importants dossiers. Me Torralbo lui-même pilote en défense plusieurs recours collectifs pour de gros clients, comme Citibank, Johnson&Johnson, Air Canada, Nissan, etc. Dans le dossier Norbourg, il représentait un des fiduciaires.
«C'est un adversaire redoutable», dit l'avocat André L'Espérance, du cabinet Lauzon Bélanger Lespérance. Les deux avocats se sont affrontés à quelques reprises lors de recours collectifs, notamment dans le dossier des cartes de crédit, qui se transporte en Cour d'appel en septembre. Me Torralbo représentait les banques, Me L'Espérance, les consommateurs. Me L'Espérance se souvient d'un rival cordial, mais dur, capable de trouver les points faibles chez ses adversaires, «un ''straight shooter'' qui cherche la jugulaire», dit-il.
En même temps, c'est un bon négociateur, estime l'associé Patrick Benaroche, de Stikeman, un ami d'université... qui a dû l'affronter dans un dossier déchirant il y a une dizaine d'années.
«Il est coriace et intelligent, on s'est engueulés souvent, mais on a fini par régler le matin du procès», dit Me Benaroche. Les deux hommes sont demeurés amis malgré cet épisode.
Si Robert Torralbo est aussi bon patron que plaideur, nul doute que le bureau de Blakes est entre bonnes mains. Le principal intéressé, lui, n'a pourtant pas l'intention de tout chambouler.
«Le bureau fonctionne bien, pourquoi changer une formule gagnante», dit-il. Il souligne quand même qu'il aimerait bien augmenter le nombre d'avocats, de trois ou quatre par année, pour éventuellement arriver à 85. Il cherche entre autres des associés en droit des entreprises, en fusions et acquisitions, de même qu'en fiscalité. Il sait qu'il devra aller les chiper à la concurrence. Aurait-il déjà des gros mandats à leur proposer? Réponse dans quelques mois...