Carrière et Formation

L’art de l’interrogatoire et du contre-interrogatoire

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Sonia Semere

2025-04-07 14:15:21

Trois procureurs partagent leurs stratégies pour maîtriser ces étapes cruciales du procès pénal…

Dans le cadre d’un procès pénal, les étapes de l’interrogatoire et du contre-interrogatoire ne sont pas de simples formalités : elles constituent le cœur même de la démonstration de la preuve.

Karine Lagacé-Paquette, Julien Beaulieu et Sara Henningsson - source : LinkedIn

Pour les avocats de la poursuite comme pour ceux de la défense, ces phases exigent rigueur, stratégie et agilité intellectuelle. Trois procureurs du DPCP, Mes Sara Henningsson, Karine Lagacé-Paquette et Julien Beaulieu partagent leurs expériences et leurs réflexions sur l’art de bien interroger... et contre-interroger.

Me Sara Henningsson confie à Droit-inc que l’interrogatoire est avant tout une forme de preuve que l’on présente au tribunal.

C’est à la poursuite que revient le choix des témoins, leur ordre d’appel et la manière dont la preuve sera articulée. L’objectif est d’amener le témoin à raconter, dans ses propres mots, ce qu’il a vu ou entendu.

Les premières questions doivent donc être ouvertes : « Qu’avez-vous vu ce jour-là ? Quelle heure était-il ? ».

L’objectif? Éviter de suggérer les réponses et laisser place à la narration libre du témoin.

Quant au contre-interrogatoire, cette phase vise à tester la solidité du témoignage. Me Karine Lagacé-Paquette souligne que cette étape est cruciale, mais qu’elle n’est pas toujours nécessaire : « Contre-interroger peut parfois nuire davantage qu’aider ».

Trois piliers essentiels

Me Julien Beaulieu met en lumière trois piliers incontournables dans ces étapes clés du procès: préparation, humilité et intégrité.

La préparation ne se limite pas à l’élaboration d’une liste de questions. Elle commence par une compréhension claire du rôle précis du témoin dans la théorie de la cause, rappelle le procureur.

Est-ce un témoin de faits? Est-il là pour contredire une version adverse?

L’humilité, ensuite, est essentielle. L’avocat doit se rappeler que le juge entend le dossier pour la première fois. Il faut donc présenter la preuve de manière claire, pédagogique et structurée.

Sans oublier l’intégrité : « Il est primordial d’écouter les réponses et ne pas forcer un récit qui ne cadre pas avec la stratégie initiale. Être bien préparé signifie aussi savoir s’adapter au déroulement réel de l’audience ».

Prenez le temps d'écouter ce qui est présenté, ayez l'intégrité de vous dire « Peut-être que tout ce que j'ai fait est bien préparé, ceci étant dit, ce n'est pas comme ça que c'est en train de ressortir au procès », insiste Me Beaulieu.

Le contre-interrogatoire, entre improvisation et structure

Le contre-interrogatoire de l'accusé demeure un défi particulier. Comme le rappelle Me Henningsson, il est souvent difficile de le préparer à l’avance, surtout si l’accusé n’a pas encore livré sa version des faits.

« Je ne vois pas comment on peut préparer des questions précises à une personne dont on ignore complètement le contenu du témoignage. »

Elle illustre ce point avec une anecdote : un accusé, surentraîné par son avocat, répondait mécaniquement à toutes les questions. Pour le déstabiliser, elle lui a simplement demandé s’il pouvait répondre à une question sans consulter ses notes, une stratégie simple, mais efficace.

Me Lagacé-Paquette insiste sur le réalisme à adopter dans les attentes : « Ce n’est pas comme dans les films. Ne vous attendez pas à ce que l’accusé s’effondre à la barre. »

L’objectif est plus modeste, mais plus stratégique : mettez en lumière des incohérences et faites ressortir des contradictions, parfois à partir de simples éléments circonstanciels.

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