Séance ciné: des associations gagnantes

Céline Gobert
2012-04-13 17:00:00
Source d’inspiration pour les avocat(e)s: à deux, on est plus forts

L’homme (très convaincant Grégory Gadebois) en plein deuil du père, la femme (Clothilde Hesme, impliquée) en pleine reconquête du fils. Contexte social électrique et affrontements avec les CRS d’un côté, sortie de prison et liberté conditionnelle de l’autre. Ambiance.
Mais, au-delà de la peinture de la colère qui anime les protagonistes, Delaporte a voulu parler d’autre chose : d’une rencontre entre deux êtres que rien ne rapprochait, d’une magie qui s’immisce dans le quotidien, d’amour tout simplement. Avec retenue, âpreté, pudeur.
Là où le Vent Mauvais d’Allagnon se servait du cadre pour alimenter son thriller, Delaporte, lui, y pose un regard plus tendre, tout en nuances : sa mer avale et détruit, mais nourrit aussi, apaise, sublime. Tout comme la mère, héroïne du quotidien, combattante écorchée vive, déçue, louve prête à tout pour retrouver l’étincelle dans les yeux de son gamin.
Angèle et Tony est un film tout aussi replié sur lui-même que généreux, peu causant mais intense, qui colle de la beauté sur de petits rien : un regard, un morceau de piano, une atmosphère, un mot. C’est un film d’acteurs, pas de mise en scène, un film sur des corps- massifs, forts, fragiles, tendus.
C’est un duo inoubliable, une vraie composition- juste, sensible, authentique- pour Hesme et Gadebois, couple qui va de soi, vraiment assorti, naturel, atypique- dont il émane une lumière formidable et de jolis éclats de vie.
Angèle et Tony, love story en Normandie, transcende alors morosité, drame et misérabilisme, et lâche- délicatement, modestement, discrètement- un doux message d’espoir et de candeur au cœur des afflictions.
R comme Rires
Source d’inspiration pour les avocat(e)s: dépasser les a priori, se nourrir des différences

L’un touche les aides sociales, l’autre paye 40 000 euros pour une toile. Ils n’ont absolument rien en commun si ce n’est les préjugés qu’ils inspirent, et un entourage (amis, famille) qui les conditionne. L’un étouffe dans son quartier, l’autre dans une enveloppe corporelle immobile. Deux sortes de prisons. Ensemble, ils sont Intouchables.
Enfin, ils peuvent s’extraire de leur contexte, montrer un autre visage, tirer le meilleur d’eux-mêmes, rire de tout, et à la gueule de tous. C’est en tout cas le beau message que veulent faire passer Toledano & Nakache, les nouveaux maîtres du genre comique. C’est drôle mais pas bête. Impertinent mais pas vulgaire.
Avec un sens de la vanne bien sentie (merci Omar Sy) et une sensibilité toujours à fleur de peau (Cluzet, excellent), ils dépassent la lourdeur du pitch de base (qui plus est labellisé histoire vraie) pour offrir un vrai bon film qui réussit un challenge de taille : ne pas s’apitoyer, sans pour autant fermer les yeux sur les réalités.
Leur ligne de conduite est simple : ils choisissent de rire de tout. De l’handicap, du racisme, de la condescendance, des aristocrates (cul-pincés), des mecs de banlieue (incultes), de la moustache d'Hitler, d’une société qui écrase l’individu, qui le colle dans des cases, de la peur, du chagrin, des rêves impossibles.
Voilà pourquoi, malgré une édulcoration volontaire des situations (positivisme oblige), le duo français a bon sur toute la ligne. Intouchables est un film lumineux, de l’anti dépresseur sur pellicule, qui rappelle tout autant la noirceur des êtres et de la vie (oui, les personnages sont parfois cons, chiants, agaçants) que la possibilité de s’affranchir de celle-ci, dans l’harmonie, l’amitié, le sourire partagé.
Définitivement, Nakache et Toledano croient en l’humain, aux associations heureuses, à la beauté de s’unir et de se découvrir. Et c’est ce qu’ils ne cessent de démontrer, depuis leur tout premier film.