Séance ciné: Do not disturb, dérangeant ?

Céline Gobert
2013-06-21 17:00:00

Le premier a une maison, une femme (Laetitia Casta, subtile), et s’apprête à faire un enfant. Le second multiplie voyages, conquêtes, expériences. Durant une soirée trop arrosée, ils font un pari un peu fou : participer au festival d’art expérimental pornographique Hump, en tournant eux-mêmes un film amateur traversés par une idée qu’ils pensent révolutionnaire : deux mecs hétéros qui couchent ensemble repousseraient toutes les limites de l’art en allant exactement là où ils ont peur d’aller.
Attal affiche alors d’emblée, via la démarche de son duo masculin, ses propres ambitions à lui : gratter là où ça fait mal. Soit : un conformisme socio-sexuel normé (que ce soit dans des relations homos, hétéros, à deux ou à plusieurs), une virilité mise à mal (jusqu’où le mâle peut-il supporter de remettre en cause son statut de dominant ?), et des questions qui fâchent (jusqu’où sexualité et identité sont-elles liées ? Remettre en question sa sexualité, est-ce remettre en question son identité ? Et d’ailleurs, qu’est-ce que l’identité sinon le regard d’autrui posé sur nous ?).
Bref, Attal joue la carte du brainstorming intello, un peu bobo, vaguement provoc’ (voir la prestation de Charlotte Gainsbourg), et, in fine, pas mal efficace.
Désespoir moderne

Surtout à l’heure où la société dicte ses principes moraux (hétérosexualité, mariage, bébé). Aussi, impossible de tout savoir sur soi-même. De ses aspirations, de ses regrets, de ses possibles défaillances et tentations.
Attal ne cherche pas forcément les réponses, mais il pose des questions ; ce qui n’est pas si mal dans un cinéma français qui ne prend pas souvent de risques. Quelle place, et quelle importance, accorder à la fidélité au sein d’un couple ? Comment être à la fois la mère et l’amante, le père et le fantasme ?
Jusqu’au final de vingt minutes dans le huis clos d’une chambre d’hôtel qui pose frustrations, réalités et égos de mecs sur la table, ''Do not disturb'' titille les consciences et les idées préconçues. En cela, et même si le ton n’est pas aussi subversif et cynique que chez Dujardin & Lellouche, il est à rapprocher des ''Infidèles'', sorti l’année dernière. Même bulle comico-noire. Même fond de désespoir moderne.