Séance ciné : du néo polar pour Pâques

Céline Gobert
2013-03-29 17:00:00

Le film s’apparente alors tout à la fois à un hommage du genre (on peut y voir du Tarantino dans les dialogues étirés, ou du Scorcese pour l’ambiance noire) qu’à une réécriture même du dit genre : avant, les gangsters avaient la classe, jouaient les gros bras pour s’enrichir, se tapaient les plus belles filles du coin ; aujourd’hui, ils sont sales et dégueulasses, ont du mal à trouver des femmes qui veulent d’eux, divorcent, boivent plus que de raison, tuent pour payer leurs factures. Bienvenue dans la crise, dit Dominik.
La fin d’une époque
Cynique et désenchanté, Cogan prend plaisir à détruire à l’écran les mythes d’hier : James Gandolfini hérite d’un rôle pathétique, obèse, édenté, ivrogne, Ray Liotta se fait massacrer dans un coin de rue, Richard Jenkins passe tristement ses commandes sur le siège d’une voiture. Il n’y a désormais plus rien de glamour, plus rien de classe, juste des gars comme les autres qui essaient de s’en sortir.
A la base, le film devait s’intituler Cogan’s trade : titre-révélateur de ce dont il est vraiment question aujourd’hui : d’économie et de commerce, de petits contrats, de petits billets, de petites vies.
Selon Dominik, le monstre « capitalisme » a tout dévoré sur son passage : les rêves, les futurs, les héros de cinéma. Ne restent plus qu’un paysage apocalyptique rongé par la pauvreté, de l’action en berne, des visages cernés, du désespoir.
Cogan marque ainsi la naissance d’un tout nouveau genre cinématographique : le film de gangsters politico-dépressif. Film qui refuse tout ce qui marche (rapidité, rythme, imagerie fantasmée du voyou) pour mieux verser sa rage et ses vérités sur le pavé. Il est alors à l’image du monde qu’il décrit : sinistre, en roue libre, parfaitement inutile.