Cinéma

Séance ciné : masculin/féminin

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Céline Gobert

2012-05-25 17:00:00

Rires et larmes, conte et cauchemar : cette semaine est chargée en émotions. Au programme : le nouveau Xavier Dolan et une curiosité libanaise. Lire les critiques…
A comme Amour

Depuis le départ, Dolan ne nous parle que d’amours contrariées, passionnelles, impossibles.

L’amour-haine d’un fils pour sa mère dans J’ai tué ma mère, l’amour-obsession d’un trio désenchanté dans Les amours imaginaires, l’amour-passion, poison dans ce Laurence Anyways là, troisième tableau d’un triptyque rouge sang où les cœurs saignent de ne point parvenir à s’aimer.

Troisième essai et coup de maître pour le cinéaste québécois qui, s’il affiche un penchant pop parfois un peu trop prononcé, impressionne par ses prises de position esthétiques radicales.

Son film est fou, fort, fouillis, injecté de cinéma et de fougue, truffé de références. Et ce, dans chacun des plans qui compose cette fresque transgenre de près de 2h40.

On pense souvent à Almodovar, même si le jeune réalisateur s’en défend, au cinéma asiatique, voire même aux freaks qui parsèment l’œuvre de Terry Gilliam.

L’histoire ? Celle d’un Laurence (Melvil Poupaud) qui se sent femme, prisonnier de son corps d’homme et qui décide de libérer son vrai soi, à l’aube de la crise de la quarantaine.

A ses côtés: une femme (Suzanne Clément, qui mériterait le Prix d’interprétation cannois). L’amour de sa vie, peut-être. L’amour d’une vie, assurément. Un amour furieux, déchaîné, qui s’étend sur plus de dix ans.

Tout commence sur un tournage de film, l’amour qui naît d’une épingle changée en papillon. Un symbole en fil conducteur : le papillon de la liberté, mais surtout, de la métamorphose. Le point de départ également d’une immense comédie : sociale, identitaire, amoureuse.

Outre le récit de ce changement de sexe qui débute fin 1989, et offre donc à Dolan la possibilité d’illustrer la plupart des scènes par les tubes pop de l’époque (son goût pour l’imagerie clippesque reste constant sur ses trois films), Laurence Anyways parle surtout et avant tout d’un couple qui doit faire face à mille épreuves : regard des gens, incompréhension de la famille (Nathalie Baye, géniale dans le rôle de la mère) et problématiques sexuelles.

Dolan y alterne intimisme et grandiloquence dans une géante réinvention visuelle qui bouscule les attentes.

C’est poseur, intello, sûr de soi. Mais aussi profondément humain, débordant d’audace, de couleurs et de sens.

Et, assurément, Laurence anyways s’impose comme le meilleur des trois volets de la trilogie-chrysalide d’un artiste passionné, là pour durer.

A comme Avenir

Un cortège de femmes en noir, endeuillées, chorégraphie son chagrin, avant de se fendre en deux: d’un côté, les chrétiennes, de l’autre les musulmanes.

Une image d'introduction forte, qui résume à elle seule les intentions de Nadine Labaki, déjà réalisatrice du joli Caramel : parler d’un Liban déchiré par les conflits religieux, évoquer ces femmes victimes, leurs enfants sacrifiés, leur union de cœur dans le partage des douleurs.

Si leur religion diffère, leur deuil à faire est le même : scindées dans la vie, unies dans la mort. Un mouvement dichotomique que la cinéaste libanaise épouse formellement, tout au long du film.

Passant d’une gravité noire (colère tenace, conflit insoluble) à la comédie la plus pure (gags en pagaille avec ces villageoises tentant par tous les moyens de détourner l’attention de leurs hommes d'un contexte belliqueux), Labaki multiplie les ruptures de ton.

Ce n’est donc pas par hasard que ses personnages s’écroulent, sous le poids des crève-cœurs, pour mieux se relever en chansons.

Ainsi, passages musicaux et séquences poignantes se succèdent sans cesse, en quête d’une réponse à la question-titre.

De ses emprunts à la fable, elle livre un message de paix universel … au sein même d’un exotisme culturel revendiqué à chaque plan.

Pour tout cela, son Et maintenant on va où ? est un beau film. Pour autant, il n’est qu’à demi-convaincant.

Car de la fable et du conte, il emprunte aussi une certaine naïveté, parfois pesante (l’histoire d’amour impossible entre la chrétienne et le musulman par exemple est surannée), le plus souvent encombrante.

Bâtir un message politico-social de manière durable sur des fondations comiques est une entreprise ardue, un art complexe, que la cinéaste, même bourrée de bonnes intentions, ne maîtrise pas toujours.

Au final, sa parenthèse, tout aussi chaleureuse qu’elle soit, manque de piquant et se noie allégrement dans un mélange de fraîcheur et de candeur inapproprié.
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