Séance ciné : un parfum de rébellion

Céline Gobert
2012-05-11 17:00:00

Burton nous avait fait un peu peur avec son adaptation d’Alice au pays des merveilles, figée et froide, qui n’avait pas su réitérer la magie à laquelle son œuvre nous avait habitué. Avec cet Ombres et ténèbres, conte gothique dopé aux tubes seventies, il revient en force avec tous les ingrédients qui ont fait le sel de sa filmo : personnages bizarres, romantisme désuet, apologie de la différence.
Film hybride, dont l’étreinte humour/horreur se révèle réjouissante, le quinzième film de Burton offre à la fois un tableau barré et anachronique d’une famille de freaks- les Collins, cousins lointains de certains Adams…- et une relecture décomplexée du film de vampires, usé jusqu’à la corde ces derniers temps.
Le cinéaste- via une histoire fantastico-comique, quelque part entre Le Bal des vampires de Polanski (pour l’humour décalé) et le récent Vampire, vous avez dit vampire ? de Craig Gillepsie (pour le ton enlevé et moderne)- use habilement de son casting pour asseoir un propos original : Michelle Pfeiffer, icône des années 80 en maîtresse de château hanté (s’y croiseront spectres, sorcières, vampires et autres surprises dont on ne gâchera rien), Johnny Depp et Helena Bonham Carter, les acteurs burtoniens par excellence, et la nouvelle venue Eva Green, monstre blond ultra moderne, poupée glacée de magazine, reine capitaliste, sorcière au cœur de verre.
Au-delà d’un récit, déjà bien sympathique (malédiction familiale, amours contrariées, lutte pour le pouvoir), Burton s’échappe du ressort comique initial- qui s’appuie majoritairement sur les différences culturelles et sociales vécues par le vampire du 18ème siècle plongé en plein dans les années 70- pour livrer une critique sous-jacente de l’Amérique, à l’ère nouvelle du consumérisme.
Aux prémisses du capitalisme, il remonte aux origines des maux modernes : le M de McDonald devient ainsi symbole de Satan, et les adolescentes- via libération sexuelle, essor de la psychologie, mouvement hippie et féministe – commencent à se sexualiser.
Le film est d’un bout à l’autre du Burton tout craché : d'un côté, l’image léchée, le cadre étudié, la mécanique bien huilée laissent entrevoir des piques bien senties contre l’ordre établi (à l’instar du numéro musical d’Alice Cooper, freak décadent balancé à la face de la bourgoisie), et, de l'autre, l’atmosphère horrifique de l’ensemble se craquèle- par fulgurances, et révèle- en filigrane, l’immense sensibilité d’un cinéaste amoureux fou de ses monstres aux cœurs brisés.
M comme Mascarade

Ovationné à Cannes l’année dernière, Pater se traîne une sacrée bonne réputation. La forme est audacieuse : pas de scénario, pas de personnages, pas de mise en scène. Le parti pris de Cavalier est radical : partir du réel, créer la fiction dans le réel, laisser la fiction envahir le réel.
Pas de frontière, pas d’enjeux. Juste du plaisir brut, pris sur le vif, à construire, déconstruire, réfléchir. Masturbation intellectuelle, bonjour !
Vincent Lindon, son fils (spirituel) et compagnon de voyage (cinématographique), se prête au jeu. Tous deux se filment, puis s’engouffrent dans un script qu’ils écrivent face caméra, devenant un Premier Ministre, et un Président.
C’est sûr que comparé à la Conquête de Xavier Durringer, qui retraçait la carrière de Nicolas Sarkozy, c’est un chef d’œuvre de liberté, une apologie- atypique et décalée- du non conformisme.
Pater, c’est du cinéma vérité, ou du cinéma mensonge. On ne sait trop.
Une sorte d’ovni en construction autour des notions de pouvoir, qui s’élève contre le capitalisme, la mascarade gouvernementale, et prône un retour à l’authentique, au tâtonnement, à l’art (ré)créatif.