Conseillers Juridiques

La révolte des avocats d’entreprise en hausse

Main image

Amélia Salehabadi

2011-04-19 15:00:00

Quels sont les acteurs du monde juridique qui ont la côte et quels sont ceux qui en arrachent ? La chroniqueuse Amélia Salehabadi vous les présente.
En hausse

La révolte des avocats d’entreprise

« Il y a un fort sentiment de déception à l'égard de la résistance de bon nombre des principaux cabinets du Canada lorsque nous (ie: les chefs de services juridiques) leur avons demandé une nouvelle approche pour notre travail juridique et nos dépenses juridiques afin d'accroître l'efficacité, pas seulement les heures. »

Voilà, ce qu'on écrit Me Martine Turcotte (chef du juridique chez BCE) et Me Zygmunt Jablonski (chef du juridique chez Domtar) au nom de l'ACC (Association of Corporate Counsel) dans un article publié hier sur Droit-inc.com.

Pour ceux qui n'auraient pas encore décodé le message, je vous le décortique grosso modo en deux points, ou si vous préférez, voici un guide pour les nuls afin d'obtenir des mandats des services juridiques d'entreprises:

1) Tarification : au-delà des taux horaires raisonnables (et surtout pas d'augmentation annuelle quasi automatique alors que sévit une crise financière, ou des boni pour 'complexité' de dossiers),de la souplesse dans la méthode de facturation style des 'alternatives fee arrangements made in the U.S., qui engloberaient les prix fixes ou forfaitaires par mandat, un taux horaire médian, c'est-à-dire un taux horaire fixe pour tous les avocats du cabinet peu importe leur séniorité ou leur expertise. Et tutti quanti, laissons de l'espace à votre libre et florissante imagination. Mais retenez ces trois mots magiques. Il est impératif que le mandat se fasse : a) - dans le temps, b) - dans le budget et c) - avec l'expertise nécessaire. Pas de tricheries avec ces trois ingrédients.

Conclusion pour les nuls : Il faut des partenariats win-win entre les services juridiques et les cabinets.

2) Gestion de projet : pour mettre le 1-) en place, il faut s'équiper d'instruments qui existent pour quantifier les besoins en services, les évaluer, les répartir dans le temps et les gérer. Comme le font les ingénieurs quand ils vendent leurs services. Ces instruments existent. Il faut les acquérir et les mettre en place. Un effort (en temps et en argent) certes important pour les cabinets, mais rendu en 2011 incontournable. Points à retenir pour les nuls : Il est impératif de maîtriser la prévisibilité des coûts grâce à l'acquisition de la compétence en gestion de projets.

Pour les hyper-nuls, vous voulez savoir comment se fait concrètement la sélection des cabinets gagnants par les avocats généraux?

Je ne vous ai pas oubliés. J'ai posé à Me Turcotte quelques questions additionnelles.

Droit-inc: Comment gérez-vous, concrètement à l'interne, la façon dont vous donner des mandats?

 Martine Turcotte, chef principale du service juridique de BCE
Martine Turcotte, chef principale du service juridique de BCE
Me Turcotte: tous les 3 ans, nous envoyons un RFP (request for proposal) à quelques cabinets présélectionnés. Nous demandons alors leurs meilleurs prix, de la souplesse dans la méthode de facturation, etc. Nous obtenons des offres de services que nous négocions. Nous classons ensuite les cabinets en trois catégories: la catégorie rouge, ce sont les cabinets qui n'ont fait aucune concession ou dont les taux horaires demeurent trop élevés et que nous allons éviter pendant les 3 prochaines années, les oranges, il s’agit des cabinets qui ont fait des concessions, mais qui résistent encore sur quelques points et puis il y a la catégorie verte, celle des cabinets qui travaillent sur la base win-win avec nous.

Droit-inc: Avez- vous le support du grand patron de BCE?

Me Turcotte: Absolument, puisque lors de ma présentation du budget de mon département au CEO, je lui présente mes catégories rouge, orange et vert. Il voit comment et où la société fait (d'énormes) économies.

Et ailleurs comment cela se fait? Pour votre information, la gestion de projets bien maîtrisée par les cabinets d'avocats est de plus en plus populaire chez nos voisins du sud. À Paris, des chefs de contentieux m'ont confirmé également une main de fer dans un gant de velours. Un directeur juridique très en vue dans la Ville Lumière m'a indiqué que non seulement il avait tendance à bouder les grands cabinets en donnant les mandats à des firmes nichées ou boutiques, comme on dit de ce côté de l'Atlantique, mais qu'il réussissait même à négocier des baisses de tarifs (et non des hausses) de l'ordre de 20 à 30 %!

J'ai cherché à obtenir des réactions de patrons de cabinets d'ici à tout cela.

Malaise.

Disons simplement que l'on ne s'est pas pressé de me confier ses états d'âme.

Mais, il y a un patron qui a bien voulu me parler.

 Shahir Guindi, patron d'Osler, à Montréal
Shahir Guindi, patron d'Osler, à Montréal
Me Shahir Guindi, patron d'Osler à Montréal, a accepté de réagir publiquement face à la sortie de l'ACC en m'affirmant « nous sommes totalement conscients de la réalité du marché. Nous sommes prêts et engagés à fournir des services de façon flexible en utilisant les 'alternate fee management'. Cependant, il serait très réducteur de résumer le défi à uniquement des rabais par rapport aux taux horaires. Car au bout du compte cela ne changera rien à la facture. Ce qu'il faut viser avant tout, c'est la situation 'win-win' avec notre client. Nous travaillons avant tout sur des instruments qui permettront d'atteindre ainsi les objectifs de nos clients ainsi que les nôtres et cela avec une vision sur du long terme. »

Cette hausse d'aujourd'hui est donc pour souligner la croisade des patrons de contentieux afin de mettre fin aux deux solitudes de notre monde juridique! Rien que cela.

Vive le win-win!

imge #5539


En Baisse

Honoraires d'avocats

Variation sur le même thème, mais dans un autre registre de grandeur.

Mais restons en famille. Puisque dans cette histoire, tout le monde est avocat (sauf le comptable, que dis-je!).

Un cabinet d'avocats poursuit une ex-cliente, qui est, elle aussi, avocate.

Une poursuite pour des montants impayés dans une affaire personnelle qui implique son ex-mari (un avocat aussi) et le fisc.

Une évaluation initiale entre 40 000 $ et 50 000 $ semble avoir été donnée. Le Tribunal retiendra 50 000 $.

Or le dossier traîne et rien ne se règle.

Qui mérite une petite sanction aujourd'hui ?
Qui mérite une petite sanction aujourd'hui ?
La cliente-avocate perd confiance en ses procureurs. Arriva ce qui arriva, la cliente-avocate s’est alors tournée vers un autre avocat qui, assisté d’un comptable, a réussi à conclure avec le fisc un arrangement satisfaisant pour la client-avocate, ce qui a eu pour conséquence de mettre fin à cette saga judiciaire.

En un tour de main.

Dans [http://www.jugements.qc.ca/php/decision.php?liste=52769323&doc=53CF241B9650DCD166BFB1A327EEB19DF829CC4C0488747C35C09675E61202C1&page=1
|cette histoire], le juge rappelle le code de déontologie. Notamment l'article
3.08.01. (L’avocat doit demander et accepter des honoraires justes et raisonnables.).

Moi tout d'un coup, je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de vous raconter la fameuse blague : « pourquoi les requins n'attaquent pas les avocats? — cela s'appelle la courtoisie professionnelle entre confrères, voyons ».

Quoi, ce n'est même pas vrai ? Mince, alors on ne peut même plus se fier à la confrérie!
14771
Publier un nouveau commentaire
Annuler
Remarque

Votre commentaire doit être approuvé par un modérateur avant d’être affiché.

NETiquette sur les commentaires

Les commentaires sont les bienvenus sur le site. Ils sont validés par la Rédaction avant d’être publiés et exclus s’ils présentent un caractère injurieux, raciste ou diffamatoire. Si malgré cette politique de modération, un commentaire publié sur le site vous dérange, prenez immédiatement contact par courriel (info@droit-inc.com) avec la Rédaction. Si votre demande apparait légitime, le commentaire sera retiré sur le champ. Vous pouvez également utiliser l’espace dédié aux commentaires pour publier, dans les mêmes conditions de validation, un droit de réponse.

Bien à vous,

La Rédaction de Droit-inc.com

PLUS

Articles similaires