Une criminaliste parmi les grands
Jean-francois Parent
2022-03-23 15:00:00
Un membership prestigieux, auquel on n’accède que sur invitation. Droit-Inc lui a parlé.
Fellow de l’ACTL, ce n’est pas rien…
Tout à fait! Je me sens bienvenue au sein d’un groupe de juristes émérites, dédiés au droit en Amérique du Nord. C’est un honneur d’autant plus grand que la sélection se fait au cours d’un processus secret, lors duquel sont sélectionnés ceux qui se démarquent auprès de la communauté juridique et des juges.
Et deux termes reviennent souvent pour qualifier les membres de l’ACTL : bête de travail, et qui mène une vie d’ascète.
Est-ce que la nomination permet d’envisager d’autres avenues pour votre pratique, de l’amener plus loin?
Quand on est introduit à de nouveaux cercles de plaideurs provenant de partout au Canada et des États-Unis, plaideurs ultra spécialisés dans leur domaine, il est certain qu’on a accès à de nouvelles ressources. C’est également une découverte, car on a ainsi accès à l’expertise américaine, dans des juridictions qui présentent des similitudes, mais aussi des différences avec le Canada.
L’ACTL tient des rencontres et offre toutes sortes de formations et de conférences, qui élargissent nos horizons. Il y a par exemple des formations sur la mise en preuve de mobiles ethniques. On peut également assister à des formations sur la violence faite aux juges, ce qu’on voit dans certains dossiers très médiatisés aux États-Unis. L’ACTL compte en effet des magistrats dans ses rangs, qui étaient fellows de l’ACTL et sont devenus magistrats par la suite.
Qu’est-ce qui vous a conduit au litige?
La passion pour le droit criminel, qui n’est que litige. C’est un droit qui est humain, qui exige de se pencher sur les raisons qui poussent un individu à agir comme il l’a fait. Il faut aller à la rencontre des gens dans leur plus grande intimité, échanger sur les paramètres structurants de leur personnalité.
Généralement, dans mes dossiers, ce sont des gens qui ont de bons emplois et qui sont de bonne moralité, à qui l’on va reprocher un manquement par rapport aux normes de conduite. Il faut donc établir ce qu’était leur état d’esprit lors de l’acte reproché, leurs motivations, ce qui peut expliquer la situation.
Par exemple, je peux représenter des médecins, et lorsqu’on fait des métiers comme celui-là, et qu’on fait un pas de travers, les conséquences sont énormes. Et parce qu’il y a un humain au centre de l’action, à qui l’on reproche une erreur de jugement, il faut détailler ce qui l’a mené là. D'où l'importance de bien comprendre l’expérience, personnelle et professionnelle.
De l’extérieur, on perçoit le droit criminel comme étant très procédural…
En criminel, la procédure ne l'emporte pas sur le fond, les juges sont soucieux de maintenir l’intégrité. Et comme c’est un droit qui émane de la common law, donc davantage jurisprudentiel, il faut pouvoir soulever les bons arguments, invoquer les bons précédents.
Et c’est certain qu’on est dans un contexte où il faut confronter les idées, c’est un mode adversarial. Mais il faut faire attention, car les gens travaillent mieux dans des contextes harmonieux. À cet égard, c’est rare que les effets de toge soient efficaces. C’est ce à quoi les juges s’attendent et ce que la plupart des plaideurs appliquent.
Comment fait-on pour se démarquer en litige? En le prévenant, ou en le gagnant?
En l’évitant!
Chez Les avocats Pourpart, Touma, ce qu’on fait beaucoup, c’est intervenir dès qu’une allégation surgit. Pour les personnes visées par les allégations, un procès est trop coûteux. Au stade de l’enquête, il y a moyen de faire beaucoup de travail, en amont de la décision de porter des accusations. On porte à l’attention des procureurs le contexte dans lequel l’action a été portée, et des éléments qui permettent de déterminer si les accusations sont opportunes et pertinentes.
Ce sont les meilleurs services à rendre aux clients, mais également à la justice. On peut ainsi évaluer le dossier à un stade préliminaire, et limiter les dégâts. Pour plusieurs, la simple mise en accusation cause beaucoup de torts. On pense aux politiciens, ou aux gens qui ont une charge publique.
Car attendre de voir ce qui va ressortir de l’enquête et attendre que des accusations soient portées, c’est trop coûteux.
Quelles compétences sont requises?
L’organisation de la pensée et la capacité à présenter devant la cour. Également, il faut avoir des habiletés interpersonnelles pour rencontrer les gens.
Vos bons coups?
Les allégations sous enquête qui n’ont pas mené à des accusations. Comme le dépôt d’accusations peut entraver irrémédiablement le parcours professionnel, il faut écourter.
Par ailleurs, quand les clients ont l'intime conviction qu’on n’a fait tout ce qu’on pouvait, ils sont reconnaissants.
De quoi faut-il se méfier?
Quand on devient spécialisé dans un type de dossier, on connaît les directives, les processus qui l’encadrent et les notions applicables, il faut quand même faire très attention à ne pas sauter d’étape lorsqu’on présente devant un juge.
Il faut ainsi s’assurer d’avoir la juste perspective et de présenter le tout avec efficacité
Vos conseils?
Il faut bien s’entourer, notamment d’avocats plus expérimentés et bienveillants, et d’avocats plus jeunes qui sont brillants et vaillants.