Entrevues

Arrêt Jordan : on a tout faux dans ce débat !

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Suzanne Dansereau

2016-12-01 14:00:00

Québec ne peut pas invoquer la clause dérogatoire pour empêcher l’annulation de procès criminels pour cause de délais déraisonnables, explique à Droit-inc la présidente de l’AADM…
Me Danièle Roy est présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal (AADM).
Me Danièle Roy est présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal (AADM).
« Le droit criminel, c’est fédéral, et la clause dérogatoire ne peut s’appliquer que dans des domaines ou la province fait la loi », fait valoir à Droit-inc Me Danièle Roy, avocate et présidente de l’Association des avocats de la défense de Montréal (AADM).

Mardi, la ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, n’a pas rejeté la suggestion de recourir à la clause après avoir précisé que l’arrêt Jordan de la Cour Suprême avait fait bondir à 222 le nombre de requêtes d’annulation de procès au Québec.

Parmi ces requêtes, certaines soulèvent un tollé dans le public, notamment celles d’entrepreneurs ou de fonctionnaires de l’État accusés de fraude ou corruption à la suite de la Commission Charbonneau. Plusieurs se demandent si tous efforts consacrés pour démasquer un vaste de système de corruption dans les travaux publics au Québec auront été vains.

Mais selon Me Roy, on a tout faux dans ce débat.. On s’attaque au remède - l’arrêt Jordan - au lieu régler la maladie: le niveau de dysfonction devenu insupportable dans l’administration de la justice.

Les premiers à sonner l’alarme

L’arrêt Jordan est certes un « jugement coup de massue » selon elle, mais c’est peut-être ce que cela prenait pour forcer les provinces à agir une fois pour toutes. Les délais déraisonnables nuisent non seulement aux accusés mais aussi aux victimes, rappelle-t-elle.

Il est malhonnête par ailleurs de penser que les avocats de la défense se réjouissent des annulations de procès. « Nous avons été les premiers à sonner l’alarme », signale Me Roy.
Selon elle, les solutions existent: il faut cibler davantage les enquêtes préliminaires (c’est-à-dire entendre moins de témoins), il faut que le DPCP et la défense s’assoient ensemble plus rapidement; que la communication de la preuve se fasse plus vite.

« Dans certains procès la couronne est encore à déposer de la preuve après cinq ans! », signale Me Roy - et qu’on refasse tout le soutien technologique, et que les dirigeants de la DCPC soient formés en gestion, « afin d’apprendre à gérer sainement et efficacement leur dossiers », dit-elle.

Pour l’instant à Québec on a libéré des salles, recruté des juges à la retraite et mis en priorité des dossiers à risque (d’annulation). Mais Me Roy prévoit quand même que des procès seront annulés parce qu’on ne pourra pas agir rétroactivement.

Ce n’est pas qu’au Québec que l’arrêt Jordan cause des problèmes: il en va de même en Ontario et en Alberta, notamment, où au moins un procès pour meurtre sera annulé, signale par ailleurs Me Roy.
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6 commentaires
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    et pendant ce temps au Royaume-Uni...
    Tout de même surprenant que pendant ce temps, au Royaume-Uni dont le système de justice criminelle est à la base du nôtre et où une charte des droits est aussi en vigueur (la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit un contrôle judiciaire du respect des droits qui y sont prévus, tout comme la nôtre), Thomas Mair, accusé du meurtre de Jo Cox, la députée travailliste assassinée le 16 juin 2016, pendant la campagne référendaire du printemps dernier, a déjà subi son procès pour ce meurtre. Le procès, devant jury, s'est ouvert le 14 novembre dernier, soit cinq mois après le crime. Le verdict du jury a été rendu le 23 novembre et la sentence a été prononcée immédiatement après le verdict.

    Pourrait-on essayer de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs ? Je ne crois pas que l'on puisse suggérer que le Royaume-Uni est une république de banane où les droits des accusés pourraient être violés en raison de procès trop expéditifs et, pourtant, on a réussi à tenir un procès devant jury, à compléter ce procès et à prononcer la sentence à l'intérieur d'un délai de cinq mois et quelques jours suivant la date où le crime a été commis!

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Administration de la justice et Organisation des tribunaux
    « Le droit criminel, c’est fédéral, et la clause dérogatoire ne peut s’appliquer que dans des domaines ou la province fait la loi »

    Sauf que l'administration de la justice revient au province.
    92(14)
    L’administration de la justice dans la province, y compris la création, le maintien et l’organisation de tribunaux de justice pour la province, ayant juridiction civile et criminelle, y compris la procédure en matières civiles dans ces tribunaux;

    Est-ce que le délai soulevé dans Jordan entre dans cette catégorie ? C'est quand même de "l'administration de la justice" et de "l'organisation des tribunaux", non ?

    [50] Un plafond présumé est nécessaire pour donner des directives valables à l’État sur ses obligations constitutionnelles ainsi qu’aux personnes qui jouent un rôle important pour garantir que le procès se conclut dans un délai raisonnable : les fonctionnaires responsables de l’administration des tribunaux, les policiers, les avocats du ministère public, les inculpés et leurs avocats, de même que les juges. Il vise aussi à donner aux inculpés, aux victimes et à leurs familles de même qu’aux témoins et au public une certaine assurance que l’al. 11b) n’est pas une promesse creuse.

    • Me
      Pas sûr
      Le droit d'être jugé dans un délai raisonnable c'est un droit substantif, pas juste de la procédure et de l'administration de la justice; c'est clairement de ressort fédéral.

  3. Avocat
    Avocat
    il y a 7 ans
    Avocat
    Oui mais c'est la Vallée
    Vous vous attendez à de la compétence de sa part?

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 7 ans
      Compétence?
      Daniel: La compétence, c'est l'absence de restrictions sur un droit de pratique

    • Me Stéphane Lacoste
      Me Stéphane Lacoste
      il y a 7 ans
      Un peu de respect
      Je déplore que quelqu'un qui se cache sous le nom "avocat" se permette de manquer de respect envers la ministre de la Justice en l'appellant simplement "la Vallée". Me Vallée est avocate et tous les avocats doivent se comporter les uns envers les autres avec respect et courtoisie. C'est non seulement une règle déontologique, c'est aussi un principe essentiel au fonctionnement des tribunaux. Comme ministre, elle porte aussi le titre d'"honorable"

      Je suis parfois en désaccord avec la ministre Vallée mais je ne doute pas de sa bonne foi.

      Il faut distinguer l'individu qui occupe un poste de ministre et ses fonctions ministérielles. Je suis convaincue l'honorable Vallée aimerait bien pouvoir investir des centaines de millions dans le fonctionnement des tribunaux, mais cela ne relève pas d'elle seule. Le budget du gouvernement est adopté par l'Assemblée Nationale, sur proposition du ministre des Finances et c'est le Conseil du trésor qui détermine les dépenses de programmes. Un ministre est lié par ces décisions.



      Ceci est une opinion personnelle qui ne lie ni Teamsters Canada ni l'ABC-Québec.

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