Avocate le jour, romancière la nuit

Emeline Magnier
2014-09-24 15:00:00

Il y a quelques années, elle a été victime d'un cancer qui l'a tenu éloignée de la pratique pendant plusieurs mois. Passionnée par l'écriture, «Juste une Bosse» est son premier roman, inspiré de son histoire personnelle dans lequel la réalité et la fiction s'entremêlent.
Peut-on dire de votre roman qu'il est autobiographique ?
C'est avant tout un roman fiction plutôt qu'une autobiographie. Mais on n'écrit jamais à partir de rien. Le point de départ m'est arrivé: j'ai vécu la maladie et cela m'a donné une vision que je n'aurai pas eue. C'est un événement qui n'est pas dans le cours normal des choses et qui vient bouleverser toute la vie et celle de l'entourage. Quand on est jeune, on voit la mort comme étant très théorique; quand on est atteint d'une maladie grave, ça devient une possibilité et ça créé tout un déclic.
J'ai voulu parler de l'isolement qu'occasionne la maladie, de l'incompréhension qu'elle génère et de la déshumanisation du système de santé. Il y a une réelle difficulté face à la technique qu'on ne comprend pas. On devient juste un symptôme.
Depuis quand écrivez-vous ?

Comment trouve-t-on le temps d'écrire un roman quand on est avocate à temps plein ?
J'ai écrit le premier jet quand j'étais en congé maladie. Mais c'était trop connoté par ce que je vivais. J'ai ensuite pris une année sabbatique et je suis partie au Guatemala pour participer à une mission de collaboration internationale. Quand je suis revenue, je n'ai fait qu'écrire pendant sept mois. Après le retour au bureau, j'ai continué les soirs et fins de semaine, j'essaie de mettre une limite entre l'espace personnel et le professionnel.
Écrire c'est un réel travail nécessitant de la discipline et beaucoup de suivi. Je continue actuellement d'écrire des nouvelles, c'est plus court et ça me donne plus de flexibilité. Je m'intéresse notamment à l'obsession, la folie et à la responsabilité: c'est peut-être mon profil juridique qui ressort!
Dans le roman, on ignore la profession de votre personnage principal. Pourquoi ne dites-vous pas qu'elle est avocate ?

Pourriez-vous être tentée de faire de l'écriture votre métier ?
L'écriture et le droit sont importants pour moi, et je veux poursuivre dans cette voie. Ça répond à deux aspects de ma personnalité. J'aime ma pratique en droit de la construction et projets d'infrastructure. C'est loin du littéraire mais c'est aussi jouer avec les mots d'une certaine manière. À un moment donné, j'aimerai avoir un peu plus de temps pour écrire mais pas tout de suite. J'ai déjà une idée pour un deuxième roman et d'autres projets liés à l'écriture.
« Je referme d’un coup sec le dictionnaire. Bois quelques gorgées de café au lait qui se bloquent dans mon gosier et me laissent un goût amer dans la bouche. J’appuie de nouveau sur la masse indolore. Cet ennemi dont les renforts se terrent dans des tranchées invisibles, hors de la portée de mes doigts. Guerre civile en mon corps ? Mutinerie ? Révolution ? Les deux camps combattent-ils à forces égales ? Où sont mes soldats ? Quelle est leur stratégie ? Ont-ils rendu les armes, acquiescé à cette occupation, reculé devant ce monstre envahisseur. Qui est-il ? Que représente-t-il ? Quelles sont ses revendications ? Quelle est son histoire ? Je relâche la pression et ma peau se regonfle comme si de rien n’était. »