La nouvelle « tête juridique » de l’armée
Julien Vailles
2017-08-16 15:00:00
Droit-inc s’est entretenu avec cette pionnière, après son premier mois d’exercice.
Vous êtes la première femme à accéder à ce poste. Qu’est-ce que cette nomination signifie, concrètement, pour une entité comme les Forces armées canadiennes?
C’est en ligne avec ce qui était amorcé depuis des années. Il y a un vent de changement politique en ce qui a trait à la diversité. On pense à la diversité culturelle, ethnique…à présent, les bottines ont suivi les babines, comme on dit! Plusieurs actions ont en effet été prises par le ministère et les Forces pour s’assurer que cette volonté de diversité soit manifestée par des gestes concrets.
Quels sont les plus grands défis pour une femme dans ce milieu?
Quand je me suis jointe aux Forces en 1987, les métiers et les professions d’armes n’étaient pas ouverts aux femmes. Les choix de carrière dans les Forces étaient donc assez limités… Heureusement, l’année suivante, la Cour suprême a rendu un arrêt qui a ouvert presque tous ces postes opérationnels aux femmes! J’ai donc pu devenir officier naviguant. J’étais donc de la première génération de femmes dans la marine canadienne. Cependant, le plus grand défi était qu’on n’avait alors pas de modèles féminins. Il fallait donc s’en inventer! J’ai tout de même eu de très bons mentors, des hommes qui ont eu une ouverture d’esprit suffisante et qui m’ont solidement appuyée.
Parlez-moi de vos mandats dans vos nouvelles fonctions.
Je dirige une équipe de 350 personnes, qui s’activent 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Plus précisément, je dirais que je porte quatre chapeaux. Le premier et principal est que je dirige les services juridiques du Ministère des Forces armées canadiennes, très orienté vers les besoins relatifs aux opérations nationales et internationales, dans un contexte mondial de plus en plus difficile et imprévisible. Mon équipe s’assure que la poursuite des opérations se fasse dans le respect du corpus juridique international et des lois domestiques. Deuxièmement, je suis responsable de la supervision générale du système de justice militaire au sein des Forces. En troisième lieu, je suis conseillère juridique du Ministre de la défense nationale, au Gouverneur général et aux dirigeants principaux des Forces et du Ministère. Enfin, comme toute avocate en contentieux, je fais aussi partie de l’équipe de commandement de mon équipe. Je m’assure donc du bien-être et du développement de mon équipe. En somme, un beau défi!
Invoquant des raisons de commodité, l’administration Trump vient de décider d’exclure les personnes transgenres de l’armée américaine. Quelles sont vos vues sur cette question pour les Forces canadiennes?
Sans commenter sur les politiques étrangères américaines, une belle affiche publique a été publiée hier par les Forces canadiennes. Peu importe votre sexe, votre origine ethnique ou votre orientation sexuelle, vous êtes les bienvenus au sein des Forces. D’ailleurs, depuis plus d’une décennie, nous avons ici une politique claire concernant les transgenres, et des outils sont offerts aux commandants pour s’assurer que ces gens soient bien intégrés et respectés, et pour accommoder leur présence au sein de notre institution.
Quel est le plus grand défi dans votre position?
M’assurer de demeurer pertinente! Il y une véritable toile d’araignée de lois et de réglementations, tant nationales qu’internationales, et mon équipe et moi devons constamment rester aux faits des développements, dans un contexte de plus en plus complexe.
Pourquoi avoir décidé de rejoindre les Forces à l’origine?
Il s’agit d’un pur hasard! J’étais au cégep, et une de mes bonnes amies souhaitait entrer dans la Réserve navale pendant l’été. Trop timide pour aller au Centre de recrutement toute seule, elle m’a demandé de l’accompagner et j’ai accepté. C’est là que j’ai entendu parler de la possibilité d’être officier naviguant, des défis et des possibilités que ça représentait. Ça m’a beaucoup parlé et j’ai rempli les papiers de recrutement; j’ai été recrutée!
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui songe à une carrière comme avocat militaire?
Je leur dirais simplement : foncez! C’est une carrière fantastique. Contrairement à une carrière au privé ou un emploi gouvernemental plus « traditionnel », on n’est jamais cantonné dans un type de dossier. Ça change régulièrement, il faut constamment se renouveler, c’est très stimulant intellectuellement. Sans parler de notre cliente, qui a un mandat hors du commun. On contribue à quelque chose qui est beaucoup plus grand que nous…