Le pionnier des recours collectifs

Emeline Magnier
2015-09-30 15:00:00

Avocat émérite, il a été cité par le répertoire The best Lawyers in Canada en 2012.
Pendant 19 ans, il a exercé au sein du cabinet Lauzon Bélanger Lespérance Avocats et il s'est joint il y a trois mois à Trudel Johnston & Lespérance. Tandis que les recours collectifs pleuvent dans le monde entier dans l’affaire Volkswagen, ce spécialiste revient sur son intérêt pour cette pratique, l’évolution de la place de ces recours dans le système judiciaire et les changements apportés par le Nouveau Code de procédure civile.
Droit-inc : Vous avez intégré le cabinet Trudel Johnston & Lespérance en juin dernier. Qu'est ce qui a motivé ce changement ?
Me Yves Lauzon : Il ne s'agit pas d'un réel changement mais plutôt de la confirmation d'une réalité qui existait dans les faits. Les deux cabinets collaboraient étroitement dans plusieurs dossiers depuis des années, comme par exemple récemment dans la cause contre les cigarettiers. J'ai donc conservé la même équipe mais dans un cadre différent, c'est un aménagement dans la continuité. Après 40 ans de Barreau, je veux poursuivre ma pratique en recours collectifs et aussi m'organiser pour avoir plus de temps pour me consacrer à l'écriture et au mentorat. J'ai toujours aimé travailler avec les jeunes avocats.
Qu'est ce qui vous a conduit vers les recours collectifs ?
J'ai eu le privilège d'être là au jour 1 de la législation adoptée en 1978 et d'être ensuite témoin de son évolution. En fait, il s'agit d'un concours de circonstances. Pendant mes études à l'Université de Montréal, j'ai suivi un cours avec le professeur Hubert Marx, devenu par la suite ministre de la Justice et juge à la Cour supérieure. Il nous a familiarisés avec la « class action » américaine.
Les années 70 ont ensuite connu une grande effervescence en matière de législation et la question des recours collectifs est venue sur la table. J'ai tout de suite suivi les mouvements en droit social et droit des consommateurs qui ont permis de moderniser l'accès à la justice. J'ai été le premier avocat engagé par le fonds d'aide des recours collectifs. Ça a commencé lentement, nous n'étions que quelques-uns. On s'est familiarisé et on a suivi les balbutiements.
Parlez-nous de l'évolution de la place des recours collectifs dans le système de justice…
La loi adoptée au Québec s'est inspirée du droit américain, l'Ontario a ensuite emboité le pas avec les mêmes structures, puis la Colombie Britannique a suivi. Aujourd'hui, toutes les juridictions au Canada ont leurs dispositions en la matière, il en existe même au niveau de la cour fédérale.
En 2002 au Québec, une modification législative a réformé les règles sur l'autorisation préalable, la procédure était trop lourde. Aujourd'hui, le droit des recours collectifs est significatif et consistant. Les avocats ont plus d'outils qu'il y a 20 ans pour évaluer la possibilité d'une action collective, il y a beaucoup de précédents. L'avenir de ces recours est prometteur. On parle toujours des coûts judiciaires et les recours collectifs permettent d'améliorer les problèmes d'accès. Ils vont prendre une place grandissante car ils permettent à des justiciables de s'adresser aux tribunaux sans quoi ils n'en auraient pas la possibilité.
Le bilan est donc très positif. La jurisprudence en matière de recours interjuridictionnels va continuer de s'enrichir et on pourra alors parler de recours collectifs canadiens de façon plus concrète.
Que pensez-vous de la série de recours collectifs engagés partout dans le monde contre Volkswagen?
C'est un bel exemple de l'évolution des recours collectifs dans la société moderne de consommation. Les autorités gouvernementales sont concernées mais aussi les entités civiles. Cela prouve la grande nécessité des recours collectifs dans certaines industries où un nombre incalculable de personnes sont concernées. À un problème collectif, il faut une réponse collective. Chaque pays a ses propres procédures et une telle vague de recours peut inciter certaines juridictions à moderniser leur dispositif.
Comment qualifieriez-vous les modifications apportées par le nouveau Code de procédure civile aux recours collectifs ?
Il faut d'abord évoquer le changement de nom : on parlera désormais d'action collective. Il y a plusieurs modifications mais pas de bouleversement. Il s'agit plus de modernisation car les grands acquis sont conservés. Une nouvelle disposition clarifie la question des recours multiterritoriaux, de la litispendance et de la reconnaissance de jugements étrangers, mais ce n'est pas du droit nouveau: on a codifié des principes qui existent déjà. Le nouveau chapitre s'inscrit donc dans la continuité.