Louer des vêtements, pourquoi pas?
Daphnée Hacker-B.
2015-04-07 15:00:00
« Je n’ai jamais autant travaillé de ma vie, mais j’adore ça. Je sais que je suis au bon endroit ! », lance avec un grand sourire Me Marie-Philip Simard. Après avoir complété son Barreau et un stage au cabinet Fasken Martineau, la jeune femme de 25 ans a su que le droit « conventionnel », ce n’était pas pour elle. Impliquée dans le programme de soutien aux entreprises en démarrage de Fasken avec son mentor Me Christian Jacques, Me Simard a eu envie de fonder sa propre compagnie.
Amoureuse de la mode, elle a vite compris qu’il est difficile pour les jeunes professionnels de se payer une garde-robe d’affaires diversifiée. S’inspirant d’un concept qui marche déjà bien aux États-Unis, l’avocate a créé en décembre dernier l’entreprise en ligne Chic Marie. Le concept est simple : louer des vêtements stylisés et griffés pour une période déterminée. Avec la possibilité d’avoir un forfait mensuel, les clientes peuvent ainsi retourner par la poste les morceaux et en commander de nouveau.
L’entreprise naissante connaît un franc succès et vient même d’être sélectionnée parmi les 100 start-ups les plus prometteuses de la conférence internationale Collision. « Les clientes adorent le concept », assure Me Simard, qui ouvrira bientôt un local où il sera possible d’essayer les vêtements.
Droit-inc: Pourquoi avoir renoncé au droit?
Me Marie-Philip Simard: Quand j’étais chez Fasken et que je travaillais avec de jeunes entrepreneurs, j’adorais ça… mais j’avais le sentiment d’être sur le siège du passager. J’ai compris que ce que je voulais, c’est avoir les deux mains sur le volant, avoir mon propre projet. J’ai d’abord ouvert un cabinet avec ma mère, qui est en comptabilité. Mais l’idée d’une entreprise de vêtements continuait à m’habiter. D’un commun accord, j’ai quitté le cabinet pour lancer Chic Marie.
Le concept de votre entreprise est original. Mais les gens ne préfèrent pas avoir des vêtements qui leur appartiennent ?
C’est ce qu’on a tous tendance à croire, car ça a toujours été ainsi. Mais des études prouvent que nous ne portons que 20 % de notre garde-robe… On se tanne vite de certains morceaux, on porte trop les autres. En louant, le coût global de l’argent mis dans les vêtements diminue, et si on aime vraiment un morceau, rien n’empêche de se le procurer chez le designer. Je suis persuadée que de nombreuses avocates vont vouloir bénéficier de ce service qui permet d’avoir de beaux vêtements colorés et adaptés selon les saisons. C’est pas mal plus intéressant que d’avoir deux-trois tailleurs gris...
Comptez-vous rester membre du Barreau malgré votre changement de carrière ?
Oui, j’ai travaillé assez fort pour ce titre ! (Rires), mais je suis aussi convaincue qu’il m’aide à avoir une crédibilité supplémentaire, par exemple lorsque j’approche des investisseurs. Et c’est beaucoup le cas dernièrement, nous sommes en pleine phase de financement. Je dois être convaincante et mon statut aide à mettre les gens en confiance.
Vos connaissances en droit vous servent donc ?
Bien sûr. Je peux facilement décortiquer le langage juridique, mais aussi je sais comment rédiger de façon à rendre des ententes claires. J’ai aussi remarqué que mon expérience en plaidoirie m’aide lors des négociations, à bien étayer mes arguments et à anticiper ceux de la personne en face de moi.
Une journée type dans votre vie d’entrepreneure, ça ressemble à quoi?
Les journées se suivent, mais ne se ressemblent pas ! Je suis un peu partout à la fois. À l’atelier où je prépare les commandes de vêtements à envoyer par la poste, sur le site web et dans les réseaux sociaux où nous assurons une présence pour augmenter notre clientèle, établir le contact avec des designers pour la collection d’été, rencontre avec des investisseurs potentiels… Je ne me débranche jamais. J’adore ce que je fais, vraiment.
Qu’est-ce que ce train de vie vous apporte que vous n’auriez pas trouvé en droit ?
Je prends les décisions et plus que tout, je peux prendre des risques, écouter mon instinct. Dans un cabinet, ce ne sont que les hauts placés qui peuvent agir ainsi, et encore, ils doivent souvent laisser les clients prendre une grande partie des décisions. Après tout, ce sont eux qui ont l’argent. Mais pour être sa propre patronne, je crois qu’il faut aussi accepter de travailler très très fort, et de pouvoir composer avec les possibilités de l’échec.
On ne vous le souhaite pas, bien sûr, mais si jamais vous faites face à un échec… Considérez-vous le retour en droit ?
Je ne crois pas. L’entrepreneuriat, c’est une piqûre. Si ce projet ne marche pas, ce sera un autre ! J’ai encore beaucoup à apprendre, je considère la possibilité de faire une formation en finance appliquée. Je veux continuer de m’outiller pour réussir, et avec le droit, j’ai déjà de belles cordes à mon arc.