Non à la toute-puissance des syndics!
Céline Gobert
2018-11-14 13:15:00
Il faut dire que depuis 2010, le médecin entrepreneur, actionnaire de la clinique semi-privée Physimed, se dit victime des assauts répétés de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) et du Collège des médecins du Québec.
Toute une saga judiciaire - que le médecin raconte avec moult détails dans son livre écrit comme un polar - a débuté avec son refus de remettre aux deux organismes un document de nature commerciale concernant la profitabilité des services non assurés de sa clinique et certaines ententes avec des laboratoires.
Le Collège l’a même radié à vie de ses rangs en 2017 pour «entrave à une enquête du syndic».
Mais la vraie raison, selon le médecin depuis blanchi par la Cour supérieure, serait toute autre.
« Associer la médecine à un revenu est tabou pour beaucoup de médecins au Collège, dit-il à Droit-inc. La nouvelle philosophie c’est que ça ne devrait pas se faire, ça ne devrait pas être un commerce.»
La guerre est déclarée
Aujourd’hui, le docteur Benhaim croit qu’à travers lui c’est aux cliniques privées et semi-privées à qui le système de santé québécois fait la guerre.
Le Code de déontologie a été modifié en 2015 : le médecin ne peut plus retirer aucun avantage des services qu’il prescrit. Par contre, il peut opérer une clinique, sans prescrire lui même et en tirer du profit. « Vous avez le droit de faire ça», dit-il. Pourtant, on le fait passer pour un “bandit”, regrette-il.
Aujourd’hui, le médecin poursuit la RAMQ, le Collège et le syndic adjoint pour dommages.
«J’étais terrifié, intimidé, j’ai vécu des moments très pénibles, avec de la difficulté à dormir. J’étais extrêmement irritable, angoissé, avec une perte de poids», affirme Dr. Benhaim, qui s’est qui plus est auto-diagnostiqué d’une leucémie.
«Le syndic du Collège est même allé dans les locaux de mon oncologue pour avoir une copie complète de mon dossier médical. Mais c’est quoi le rapport?»
Celui qui n’a jamais reçu de plainte de patients en 30 ans de pratique, est maintenant représenté par trois avocats qu’il remercie à la fin de son ouvrage de plus de 260 pages : Me Philippe Frère, Me Ginette Primeau, et Me Robert-Jean Chénier.
« Quand vous êtes aux prises pendant des années avec une telle affaire, aussi abracadabrante, vous avez besoin de parler à vos avocats. Ils deviennent les témoins de votre détresse.»
Pas tout seul
Depuis un mois que son livre est en librairies, Dr. Benhaim affirme crouler sous les appels de professionnels membres d’un ordre (il y en a 46 au total au Québec).
«Ils me racontent leurs déboires, des situations abominables dans lesquelles il y a abus de pouvoir des syndics ou des inspecteurs à l’intérieur des syndics.»
Parmi eux, beaucoup de médecins, des opticiens, des psychologues mais aussi… des avocats!
«J’ai reçu des appels de Toronto, Halifax, Vancouver… Personne ne parle, tout le monde a peur! Bien des médecins se font poursuivre en discipline ou intimider, mais c’est l’omerta! J’ai décidé de rompre le silence! Et ce n’est qu’un début!»
Selon lui, les victimes du système de justice professionnelle au Québec, en vertu duquel les syndics d’ordres professionnels n’ont aucun compte à rendre de leurs actes à qui que ce soit, sont de plus en plus nombreuses et n’osent pas prendre la parole.
« Les syndics n’ont pas de boss, tout ce qu’ils font est confidentiel, ils ont l’immunité et cela entraîne des dérives», dit-il en entrevue.
Un livre pour les avocats
Si le livre se destine en priorité aux victimes de harcèlement moral et institutionnel, auxquelles l’ouvrage est dédié, les avocats font aussi partie du lectorat visé.
Le médecin espère interpeller les juristes sur plusieurs points. Tout d’abord, sur le droit disciplinaire et le Code des professions qui ont «besoin d’être révisés par le législateur en profondeur», dit-il, surtout en ce qui concerne les pouvoirs donnés aux syndics et inspecteurs.
«Tout pouvoir doit venir avec des responsabilités. En ce moment, il y a un vacuum total et il y a un carnage qui arrive.»
Ensuite, sur le statut du harcèlement moral. En France, cela est considéré comme un délit criminel. Pas au Québec.
«De plus, les délais judiciaires sont abominables. C’est incroyable. Les enquêtes, les auditions, les appels… Et pendant ce temps, en tant que victime, vous vivez dans une grande détresse et sur le qui-vive.»
Avec son livre, le médecin espère engendrer un mouvement de dénonciation semblable au #MeToo post-Weinstein.
«Je veux aider les autres, ceux qui n’ont pas les moyens, une voix, ou bien les épaules assez larges. Parler et écrire ce livre a été pour moi un très grand soulagement.»
Oyoyoy
il y a 6 ansJ'aimerais bien connaître les différentes histoires des avocats avec le syndic.
Des histoires que j'ai entendu à gauche à droite, le procédé est toujours le même : intimidation, parce que le Syndic détiendrait apparemment la vérité absolue sur nos obligations professionnels et surtout le pouvoir de nous contraindre devant le Comité de discipline.
Est-ce que le Syndic compte dans ses rangs les meilleurs de la profession? Si ce n'est pas le cas, est-ce que leur rémunération n'est-elle pas trop élevée? Est-ce qu'il y a une différence de traitement entre les grands et petits bureaux?
Une police de la police serait-elle nécessaire?