Pourquoi je suis avocate émérite…
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Theodora Navarro
2016-08-16 11:15:00

Droit-inc: Comment avez-vous réagi quand vous avez été désignée avocate émérite?
Me Sylvie Schirm: Je n’étais pas surprise dans le sens où je savais qu’on avait proposé ma candidature. Mais qu’on la propose, ça, je ne m’y attendais pas. J’ai pu lire les lettres d’appui, ça m’a fait réaliser des choses sur mon parcours car j’ai vu ce que j’avais apporté, et ce que les gens voyaient. Ca m’a permis d’avoir un moment de recul. C’est quelque chose qu’on ne fait pas souvent, prendre du recul sur sa carrière.
À quelles qualités ces lettres faisaient-elles écho?
On parlait surtout de mon travail dans la représentation des enfants, de ma disponibilité. Mon approche chaleureuse par rapport aux gens dans les moments de crise était aussi mentionnée… J’étais très touchée.
Et vous, quand vous vous retournez sur votre carrière, qu’en pensez-vous?
Je suis très contente de ma carrière. Je n’avais jamais vraiment eu l’occasion de me poser la question, il n’y a pas un moment dans notre pratique où on le fait. Mais on devrait prendre du recul comme ça tous les dix ans (elle rit).
Quand je regarde en arrière, ma carrière en droit de la famille s’est faite parallèlement à une évolution de la famille. Celle-ci n’est clairement pas la même que lorsque j’ai débuté il y a 28 ans. Durant 7 ans, j’ai représenté des femmes victimes de violence. Et puis j’ai changé car c’est dur, on ne peut pas faire ça toute la vie. J’ai commencé à représenter les enfants. J’ai écrit un livre pour les conjoints de faits car je me suis rendue compte que les gens n’étaient pas informés. J’ai commencé à faire de la vulgarisation pour parler des jugements, des nouvelles en droit de la famille. J’aime beaucoup cet aspect-là aussi, ça fait plaisir d’aider les gens. Alors je regarde ces éléments et je me trouve chanceuse dans ma carrière.
Comment avez-vous fait vos débuts en droit de la famille?
J’avais commencé comme jeune stagiaire avec un avocat qui faisait de tout. Je n’avais pas choisi le droit de la famille, c’était le début de la spécialisation. Mon maître de stage représentait une femme victime de violences qui avait de très jeunes enfants. J’étais assermentée depuis deux semaines lorsqu’il m’a demandé de le remplacer à la cour. On est en 1988, les grands-parents veulent la garde, les enfants sont tout petits : un an, deux ans… L’avocat des grands-parents fait valoir qu’une maison d’hébergement n’est pas un lieu pour des enfants de cet âge. Le juge met ma cliente dans la boîte des témoins. Je dois contre-interroger mais je n’ai jamais fait ça. Le juge me force. Il oblige ma cliente à dévoiler l’adresse de l’hébergement. Une histoire d’horreur.
Finalement, il donne la garde aux grands-parents. C’est quelque chose qui serait impensable aujourd’hui. Je sors de là, je suis horrifiée, complètement démunie. J’arrive à la maison en larmes. Je me suis jurée de ne plus jamais faire du droit de la famille (elle sourit). Mais je m’en suis remise et finalement j’ai commencé à m’impliquer. Il y avait du travail à faire, de l’éducation. J’ai voulu contribué à ça.