Entrevues

« Pourquoi les notaires n’augmentent-ils pas leurs tarifs? »

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Céline Gobert

2016-12-05 14:15:00

Avec 33 ans de pratique au compteur, ce notaire conseille aux jeunes de se spécialiser et déplore que ses confrères en immobilier n’augmentent pas leurs honoraires. Entrevue...
Me David Dolan.
Me David Dolan.
Cet article s’inscrit dans une série d’articles que Droit-inc consacre aux différents métiers du droit. Zoom sur les notaires.

Après plus de trois décennies de carrière dans le notariat, Me David Dolan n’a jamais regretté son choix. Mais même s’il aime sa belle profession, il considère que celle-ci connaît un malaise en raison des tarifs appliqués en droit immobilier et résidentiel, qui n’ont pas changé depuis 30 ans! Entrevue.

Droit-inc: Pourquoi avoir choisi cette profession au départ?

Me David Dolan: Ce n’est pas très original mais mon père était notaire donc c’est venu de soi. Je ne l’ai jamais regretté en 33 ans. J’étais attiré par le fait que ce soit perçu comme une « profession noble ». J’aimais l’idée de rencontrer les clients, d’interagir avec les gens. Je ne me suis donc pas posé la question, le choix était évident.

De quoi est fait le quotidien d’un notaire? Quels sont ses mandats?

Les 15 premières années de ma pratique, j’ai fait de tout, souvent les notaires se confinent à la pratique en immobilier, familiale et successorale mais le notariat est plus large. Je débordais déjà des cases en faisant du droit corporatif, du financement commercial. J’ai touché à des conventions d’actionnaires, à de l’analyse de baux, ce n’est pas la majorité des notaires qui font ça. Le côté « communications » m’attirait aussi, s’il y avait une formation sur un sujet, je m’empressais de la suivre!

Cette proactivité, c’est important quand on est notaire?

Oui, absolument. Il faut s’imposer dans la communauté. J’écrivais des chroniques dans le journal de mon quartier, j’ai co-fondé la Chambre de commerce de l’Est de Montréal en 1986 alors que j’avais 3 ans de pratique. Cela m’a permis d’obtenir de nombreux contacts d’affaires. Les autres 15 années de ma pratique, j’ai opté pour la spécialisation. C’est difficile d’être vraiment bon dans tout, il faut faire des choix. C’est d’ailleurs ce que je recommande aux notaires, de se spécialiser. Ma pratique, depuis, est le droit commercial, avec transactions immobilière, financements, rédactions de contrats de vente. C’est le bureau qui m’a demandé de choisir une spécialité. J’ai hésité longtemps et j’ai peut-être choisi celle-là car j’avais déjà des bons contacts dans le domaine.

Qu’est-ce qui vous passionne aujourd’hui dans le droit commercial?

Je continue à penser que je me serais tout autant passionné par le droit familial mais j’ai pu travailler sur des dossiers beaucoup plus complexes. J’aime côtoyer des gens d’affaires, rencontrer des entreprises. J’ai adoré toutes ces années. Quand je rencontre mes clients en droit commercial, je ne peux pas m’empêcher de regarder s’ils sont bien protégés à d’autres niveaux, comme par exemple de voir s’ils ont ou non un testament. Je les réfère alors à mes collègues de bureaux qui sont spécialisés eux aussi dans leur propre domaine.

De façon générale, quels défis la profession de notaire présente-t-elle?

Le notariat est une très belle profession, qu’on la pratique de façon générale ou spécialisée. Mais en ce moment la profession connaît un malaise en raison des tarifs appliqués en droit immobilier et résidentiel, qui n’ont pas changé depuis 30 ans! Les notaires continuent à subir des tarifs qui ne sont pas raisonnables et qui ne permettent pas de gagner leur vie. En 1983, quand les gens achetaient une maison à 50 000 $, les notaires facturaient 1000 $ d’honoraires, cela ne comprenait pas la TPS et TVQ et les frais de registres s’élevaient à 20 $ environ, donc il restait 980 $ pour payer le loyer, l’essence, le papier, les secrétaires. Aujourd’hui, en 2016, les gens achètent des maisons à 300 000 - 400 000 $ et le notaire facture toujours 1000 $. Ça comprend TPS et TVQ, et les frais gouvernementaux sont de 300 $ maintenant. À la fin, il reste environ 575 $ dans les poches du notaire. C’est ridicule.

Pourquoi n’augmentent-ils pas leurs tarifs?

Et voilà! Je ne sais pas! Je vous retourne la question. Pourquoi n’augmentent-ils pas leurs tarifs? Dans les faits, chaque notaire pourrait augmenter son tarif.

La compétition entre notaires les empêche-t-il de le faire?

C’est un faux problème. Il y a moyen d’aller chercher des honoraires décents. Je ne crois pas que les clients recherchent à tout prix le coût le moins élevé. Personne ne demande à ce que l’on coupe, coupe, coupe, et qu’il ne reste rien pour faire le travail. Ce qui est important est de prendre le temps de bien servir le client. Je pense que le public est disponible pour payer des honoraires normaux.

Quels conseils donneriez-vous aux plus jeunes?

Le premier conseil serait de se spécialiser, d’allers vers des champs de pratique précis: corporatif, commercial, familial, successoral. Il faudrait aussi se développer. Pour se tenir au courant de la jurisprudence, de dossiers particuliers, rien n’est mieux que de partager.

Est-ce que le marché est aussi saturé pour les jeunes notaires qu’il l’est pour les jeunes avocats?

C’est dur à dire. Ce n’est pas facile pour un jeune de partir un bureau et d’être capable de se lancer avec toutes les contraintes que cela implique. Selon moi, c’est moins facile qu’il y a 30 ans. Après, dans les bureaux de notaires, il y a de la place pour les jeunes. En droit immobilier, malheureusement, les notaires qui ne sont pas capables de se verser eux-mêmes un salaire décent ne peuvent pas payer les jeunes décemment. Il y a de l’avenir en médiation, en fiscalité. Qui est mieux placé que le notaire pour agir à titre de médiateur? C’est son rôle d’être impartial.

Me David Dolan est notaire associé chez PFD Notaires dans le secteur du droit des affaires (commercial & corporatif). Il est également médiateur en droit des affaires - commercial. Son expertise l'a amené à faire partie de missions à l'étranger, à titre de formateur, en Azerbaïdjan et en Ukraine.

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1 commentaire
  1. Anonyme
    Anonyme
    il y a 7 ans
    Ils n'augmentent pas leurs tarifs parce que...
    ils se sont fait piégés. C'est de l'économie 101. Tu ne te distingues pas par tes tarifs sinon tu peux être certain que tu seras condamné à la pauvreté. Dommage!

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