Davies veut réduire son loyer!
Emeline Magnier
2014-02-24 15:00:00
Ainsi en a décidé l'Honorable Benoit Emery, dans l’affaire opposant le cabinet Davies Ward Phillips & Vineberg, partie défenderesse, à son locateur, Les immeubles Polaris, partie demanderesse.
Le 11 novembre dernier, dans une décision rendue sur ordonnance de sauvegarde, le juge de la Cour supérieure a en effet tranché sur le banc en moins de 30 minutes en faveur de Polaris et ordonné à Davies de continuer à verser le même loyer jusqu’à la procédure arbitrale, prévue en mars.
Une belle victoire pour la jeune avocate Laura Bambara, de chez Kaufman Laramée, qui représentait Polaris, et qui était opposée dans cette affaire à Me Hugo Babos Marchand, tout juste promu associé chez Davies, qui défendait les intérêts de son cabinet .
Rappelons les faits et le fil des événements.
Au terme d'un bail signé en date du 25 janvier 1995, Davies a loué pour une durée initiale de 18 ans cinq étages d'une tour du centre ville de Montréal, située au 1501 McGill College.
Dans ce magnifique immeuble de classe AAA, le cabinet d’avocats occupe une surface totale de 73 443 pieds carré.
Au 30 juin 2013, date de l’expiration du contrat, Davies payait un loyer annuel de base 24$ le pied carré et un loyer additionnel de 25$ le pied carré pour les taxes et services afférents à l’immeuble, soit un loyer annuel total frisant les 3,6 millions de dollars.
Quelques mois avant l’arrivée du terme du bail, Davies a fait parvenir à son locateur un avis de renouvellement pour une durée additionnelle de cinq ans, conformément aux dispositions du contrat.
Dans le bail, il était prévu que le loyer de renouvellement serait déterminé conformément au prix du marché observé dans les 12 mois précédents pour un immeuble de même catégorie, moins une réduction de 10%.
Or voilà que les deux parties ne se sont pas entendus sur le nouveau montant du loyer de base. Pour les Immeubles Polaris, le loyer de renouvellement devait être fixé à 27,50$ moins 10% soit 24,75$ au pied carré, alors que pour Davies, c’est un montant de 17$ moins 10%, soit 15,30$ du pied carré qui devait être appliqué.
Au vu du désaccord persistant entre les parties, Davies saisit alors le tribunal arbitral conformément aux dispositions du bail, pour trancher leur différend.
De juillet à octobre 2013, le cabinet a continué de payer le même montant de loyer que celui établi dans le contrat initial. Davies précisait toutefois par écrit à son locateur que ce paiement était «sans préjudice» et qu'il se réservait le droit de réduire le montant des paiements ultérieurs, dans l'hypothèse où le locateur ne coopérerait pas à la fixation rapide de la procédure d'arbitrage.
Alors que l'arbitrage était fixé pour le 17 mars 2014, Davies a décidé unilatéralement à compter du mois de novembre 2013 de diminuer le montant du loyer, et de payer le montant qu’il offrait pour le renouvellement, soit 15,30$ par pied carré.
Mécontent de cette réduction du loyer non consentie, Polaris saisit alors la Cour supérieure du district de Montréal d'une requête en mesures provisoires, présentée le 11 novembre 2013, plaidant en faveur du maintien du statu quo, jusqu'à ce qu'une décision soit rendue par l'instance arbitrale.
Joint par Droit-inc, Davies n’a pas souhaité s’exprimer sur la situation. La porte-parole a tout de même indiqué par courriel «qu’il n’existe pas de litige avec Polaris et que nos relations avec eux sont excellentes. D’ailleurs, nous avons récemment choisi de moderniser nos espaces dans la Tour McGill College et même d’y accroître la superficie de nos bureaux. Toutefois, comme il est prévu dans notre bail, nous avons dû entamer une procédure d’arbitrage aux fins de précision du montant de notre loyer. Cette procédure demeure confidentielle».
Contactée par Droit-inc, Me Laura Bambara, de Kaufman Laramée, n’a pas souhaité, non plus, commenter l’affaire.
Maintien du statu quo
Si nul ne doute de la vigueur et de l’intérêt des débats au vu des parties en présence, les échanges ont été courts et en moins de 30 minutes, le jugement fut rendu sur le banc.
Considérant que la requête présentée devant lui par Me Bambara relevait de l’ordonnance de sauvegarde, et rappelant qu’une telle ordonnance se fonde généralement sur le statu quo, le juge Emery a estimé que Davies avait dans les faits observé le statu quo pour les mois de juillet à octobre 2013, mais qu'elle avait unilatéralement réduit de 50% le loyer de base depuis le 1er novembre.
L’affidavit détaillé signé de Me Elias Benhamou, associé principal chez Davies, visant à établir que ce paiement était fait sous réserve de leurs droits et sans admission, n’y changea rien.
En conséquence, par jugement daté du 11 novembre 2013, la Cour a ordonné à Davies de payer à Polaris le même loyer que le cabinet payait juste avant l'expiration du bail et ce jusqu'à la date fixée pour l'arbitrage.
Une deuxième chance à l’arbitrage!
- Avec ''Jean-François Parent''
Droit-inc
Bien sûr, le montant d’un loyer est toujours le résultat d’une négociation entre un locataire et un locateur. Mais dans le marché actuel des tours à bureaux montréalaises, à combien se transige le pied carré? Pour le savoir, Droit-inc a posé la question à M. Jean-Marc Leblanc, vice-président de Services Immobiliers Terramont, une agence immobilière spécialisée dans le commercial. M. Leblanc souligne qu’il y a peu d’immeubles classés AAA à Montréal. Outre le 1501 McGill Collège (immeuble où sont situés les bureaux de Davies), il mentionne le 1000, de la Gauchetière, le 1250 René-Lévesque O (Où est situé Heenan), le 1800 McGill Collège...Selon M. Leblanc, pour cette catégorie d’immeubles, les prix des loyers se transigent actuellement autour de 50$ bruts (ce qui inclut le loyer de base plus les frais).