La Régie mord, la Cour du Québec caresse
Emeline Magnier
2013-07-17 13:30:00
Cette clause est valide, mais son application peut être assouplie selon certains cas d'espèces particuliers, tel que la zoothérapie.
C'est à cette question qu'à eu à se pencher la Cour du Québec dans un jugement rendu sur appel d'une décision de la Régie du Logement et ordonnant à un locataire de se départir de ses deux chiens.
Faits et procédure
Monsieur C. est un quinquagénaire, prestataire de la sécurité du revenu que la vie n'a pas choisi d'épargner. Il est propriétaire de deux Schnauzer nains, qui répondent aux noms de Rex et Poupée, alors qu'il signe un bail avec l'Office Municipal d'habitation de Berthierville en 2009.
Au contrat, sont annexées des clauses supplémentaires, dont l'une stipule que le locataire ne doit pas garder d'animal dans l’appartement.
Averti par le concierge de l'immeuble, puis mis en demeure par son locateur d'avoir à se débarrasser des deux occupants supplémentaires, Monsieur C. brandit un billet médical sur lequel il est inscrit: "Doit garder son chien: zoothérapie".
L'OMH saisit alors la Régie du logement pour obtenir la résiliation de bail, puis amende sa demande pour que soit ordonné au locataire de se séparer de ses deux chiens.
Faisant droit à la demande du locateur, la juridiction de première instance a considéré que s'il existe des décisions favorables à la conservation d'un animal quand il s'agit d'un traitement préventif ou curatif, le certificat médical produit par Monsieur C. ne permet pas d'en arriver à cette conclusion, ses termes étant notamment laconiques.
Cour du Québec à la rescousse
Bien décidé à conserver Rex et Poupée à ses côtés, Monsieur C. a porté la décision en appel devant la Cour du Québec qui a infirmé le jugement soumis à son étude.
Il s'agissait de savoir si la clause interdisant les animaux tombait sous le coup de l'article 1901 du Code civil du Québec.
"Est abusive la clause qui (…) impose au locataire une obligation qui est, en tenant compte des circonstances, déraisonnable".
La jurisprudence reconnaît que ce type de clause n'est pas abusive. Ceci étant, chaque cas est un cas d'espèce qui doit être examiné à la lumière de la preuve médicale déposée, rappelle la Cour du Québec. Il faut distinguer entre le simple compagnonnage d'un animal et les besoins thérapeutiques d'un locataire.
Preuve médicale
Dans cette affaire, le billet médical de Monsieur, rédigé certes de manière laconique, constituait néanmoins une preuve médicale non contredite attestant que le locataire devait garder son animal pour une raison de zoothérapie.
Le témoignage de Monsieur C., dépassé et démuni face au débat entourant ses petits chiens, a convaincu la Cour du Québec que la présence des Schnauzer nains était nécessaire à son équilibre psychologique.
Une expertise psychiatrique produite par le locataire devant la Cour du Québec avait également conclu que la présence d'un animal domestique auprès de Monsieur C. avait un impact positif sur les plans fonctionnel et psychique. Rex et Poupée lui permettent de conserver un certain degrés de socialisation et de briser son isolement.
De plus, rien ne démontrait que les chiens, qui ne pesaient d'ailleurs pas 10 livres, causaient un problème à quiconque, alors que l'OMH tolérait la présence d'un chien Mira dans l'appartement d'un autre locataire.
En conséquence, la Cour du Québec a cassé la décision de la Régie du Logement et annulé l'ordonnance d'expulsion des animaux.
"Quand il s'agira d'un Pitbull ou autre chien du même genre, le décideur appréciera", conclut la juridiction.
Monsieur C., Rex et Poupée lui en sont certainement très reconnaissants.
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