Le travailliste

Pas de signes religieux, sinon t’es dehors

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Sébastien Parent

2018-10-25 14:15:00

Le problème, selon notre chroniqueur, est que personne ne s’entend sur la notion de neutralité de l’État.
Me Sébastien Parent est chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
Me Sébastien Parent est chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
Fraîchement élu, le nouveau gouvernement caquiste réitérait son intention d’interdire le port de signes religieux chez les fonctionnaires en position d’autorité, en liste les policiers, gardiens de prison et enseignants.

L’imperméabilité du législateur à l’obligation d’accommodement

La première question qui se pose consiste à savoir si le législateur devra prévoir une procédure d’accommodement raisonnable dans sa loi éventuelle. La réponse c’est non.

Dans l’arrêt Hutterian Brethren of Wilson Colony prononcé par la Cour suprême du Canada en 2009, la juge en chef McLachlin explique que la démarche d’accommodement raisonnable, adaptée aux besoins particuliers de chacun, est incompatible avec l’édiction d’une loi à portée générale. Ainsi, « (on) ne peut s’attendre à ce que (le législateur) adapte les mesures législatives à toute éventualité ou à toute croyance religieuse sincère » (2009 CSC 37).

C’est d’ailleurs en partie pour cette raison que la Cour supérieure avait suspendu l’application de la section portant sur les services à visage découvert de l’actuelle Loi favorisant le respect de la neutralité religieuse de l’État, adoptée sous le règne du gouvernement libéral.

En l’absence des lignes directrices promises par l’ancienne ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, la Cour concluait au caractère équivoque de cette loi prévoyant une possibilité d’accommodement pour un motif religieux. En cela, la Cour faisait remarquer que les personnes devant traiter ces demandes d’accommodement ne possèdent habituellement pas de formation sur l’imposante jurisprudence les encadrant (2017 QCCS 5459), ce qui engendrerait une brèche importante à la prévisibilité du droit.

L’adoption d’un code vestimentaire pour les fonctionnaires

À l’instar de tout employeur québécois, l’État-employeur peut adopter des règles en matière vestimentaire pour certaines catégories d’emploi au sein de la fonction publique. Ces règles pourront, à l’occasion, poser des limites à l’exercice d’une liberté ou d’un droit fondamental, à condition de passer avec succès les étapes du test élaboré dans le célèbre arrêt Oakes.

Pour ce faire, l’État devra dans un premier temps fonder sa décision sur de véritables objectifs importants, tels que protéger la santé et la sécurité des travailleurs et du public, permettre l’identification des individus au travail ou encore, préserver l’image de l’entreprise.

À titre d’exemple, des camionneurs de religion sikhe contestaient la constitutionnalité d’une politique imposant le port du casque de sécurité au Port de Montréal, au motif que leurs croyances religieuses ne leur permettent pas de porter un casque par-dessus leur turban. La Cour supérieure allait cependant conclure que le port du casque de sécurité servait un objectif important, soit d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs conformément aux obligations légales de l’employeur en la matière.

Dans un deuxième temps, l’État aura à démontrer la proportionnalité entre les moyens retenus et l’objectif poursuivi. Se livrant à cette analyse dans le cas précité, l’honorable André Prévost constate qu’il n’existe aucun autre moyen de protéger les travailleurs contre les risques de blessures à la tête que de porter un casque de sécurité.

Sur ce point, il écrivait que : « les risques ne sont pas moindres parce que les demandeurs sont de religion sikhe et portent le turban. Les obligations de sécurité incombant aux défenderesses ne sont pas moins exigeantes, non plus, envers les demandeurs qu’envers tous les autres travailleurs ». En l’espèce, la violation à la liberté de religion des camionneurs était donc justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique (2016 QCCS 4521).

Le concept de neutralité de l’État, rien de moins neutre

Là où les choses se corsent – et le débat public sur la question au cours des derniers jours en témoigne avec éloquence -, c’est que personne ne s’entend sur la notion de neutralité de l’État.

Est-ce que cela signifie simplement que l’État ne peut favoriser ou défavoriser une religion en particulier, et que les politiques qu’il véhicule soient neutres au plan religieux? Ou bien est-ce que le concept va jusqu’à opérer une standardisation des individus embauchés par l’État, ne pouvant laisser paraître aucun signe distinctif qui dérogerait à l’archétype convoité par nos nouveaux élus?

À ce chapitre, je préfère retenir la définition de la plus haute cour canadienne dans l’affaire Mouvement laïque québécois c. Saguenay, selon laquelle « un espace public neutre ne signifie pas l’homogénéisation des acteurs privés qui s’y trouvent. La neutralité est celle des institutions et de l’État, non celle des individus » (2015 CSC 16).

Répondant à l’argument de répercussions négatives du port du kirpan par un élève sur le climat en milieu scolaire, le même tribunal s’exprimait en ces termes dans l’affaire Multani : « La tolérance religieuse constitue une valeur très importante au sein de la société canadienne. Si des élèves considèrent injuste (qu’un élève) puisse porter son kirpan à l’école alors qu’on leur interdit d’avoir des couteaux en leur possession, il incombe aux écoles de remplir leur obligation d’inculquer à leurs élèves cette valeur qui est à la base même de notre démocratie » (2006 CSC 6).

J’aime croire que le principe vaut aussi bien pour les adultes en milieu de travail… Tout bien considéré, plaider la neutralité de l’État comme objectif urgent et réel d’interdire aux employés de la fonction publique de fournir leur prestation de travail en arborant des signes religieux n’est peut-être pas l’assise la plus solide qui soit pour racheter une atteinte à leur liberté de religion.

« Mon pays est le monde, et ma religion est de faire le bien » - Thomas Paine


Auteur : Me Sébastien Parent

Me Sébastien Parent est chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal ainsi qu’à Polytechnique Montréal, où il enseigne le droit du travail. Il est aussi doctorant en droit du travail et libertés publiques à la Faculté de droit de l’Université de Montréal. Auparavant, il a complété le baccalauréat et la maîtrise en droit ainsi que le baccalauréat en relations industrielles au sein de la même université. Écrivain dans l’âme et procureur devant la Cour suprême du Canada dès le début de sa carrière, Me Parent est l’auteur de divers articles en matière d’emploi et agit aussi à titre de conférencier.
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7 commentaires
  1. Volander
    Volander
    il y a 6 ans
    Ben Ammar Salem serait d'accord avec Anne-Marie Thibault...
    Anne-Marie Thibault est une enseignante à la retraite de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) qui travaillait comme suppléante dans plusieurs écoles de la Rive-Sud de Montréal. Elle a été congédiée à cause de ses écrits sur sa page Fb. Elle a par exemple écrit que « l'islam est le cancer de l'humanité »...

    https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1131795/enseignante-suppleante-rive-sud-montrael-reseaux-sociaux-propos-controverses


    Ben Ammar Salem : « Non seulement l'islam n'a rien apporté à l'humanité, il est surtout son cancer métastatique »

    https://salembenammar.wordpress.com/2015/09/16/non-seulement-lislam-na-rien-apporte-a-lhumanite-il-est-surtout-son-cancer-metastatique/

    «Voici un texte sans complaisance écrit par Ben Ammar Salem, tunisien et musulman progressiste et éclairé, qui s’adresse aux peuples musulmans. Ce texte a été publié sur Tunisie-news.com : « Plaidoyer contre les musulmans qui se prennent pour le nombril du monde ».

    https://salembenammar.wordpress.com/2018/10/25/plaidoyer-contre-les-musulmans-qui-se-prennent-pour-le-nombril-du-monde/

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    La laïcitée de l'état, telle que pratiquée en occident, est une escroquerie
    Sur ce point l'exemple de la France est emblématique: un pays qui se gargarise de sa loi centenaire sur la laïcité, de sa déclaration des droits de l'homme, et de ses intellectuels universalistes, et dont les plus haut représentants se précipitent à la synagogue, kippa sur la tête, au moindre caprice des lobbyistes juif locaux, pour se prosterner devant eux au nom de la République.

  3. Volander
    Volander
    il y a 6 ans
    Laïcité: Un excellent texte de Joseph Facal...
    « Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage.
    Voilà pourquoi les tenants de la liberté religieuse absolue critiquent durement les pays où la laïcité est plus solidement affirmée que chez nous.
    Dire non
    Devons-nous interdire aux enseignants­­­ de porter des signes religieux ?
    La Suisse, par exemple, le fait depuis­­­ longtemps.
    Bien entendu, il y a eu contestation judiciaire au nom – serez-vous étonnés ? – du droit de porter le voile islamique.
    Notons en passant que personne ne va devant les tribunaux pour pouvoir porter un crucifix ou une kippa.
    En 2001, la Cour européenne des droits de l’homme a validé l’inter­diction suisse.
    Elle écrivait : « Même s’il est particulièrement important aux yeux de l’intéressée [...] le port du foulard et de vêtements amples reste une manifestation extérieure qui, à ce titre, n’appar­tient pas au noyau intangible de la liberté de religion ».
    Bref, vous êtes libre de croire à ce que vous voulez, mais ce n’est pas un crime de ne pas vous permettre d’afficher cette croyance tout le temps et partout.
    La foi se vit d’abord intérieurement.
    La Cour rappelait aussi une double évidence : une enseignante est une figure d’autorité pour un enfant et, par définition, le voile vise précisément, du seul fait qu’il est visible, à envoyer un message religieux.
    Vous avez peut-être entendu parler du tumulte autour de la garderie Baby-Loup, située à l’ouest de Paris.
    Le règlement de la garderie interdisait expressément le voile islamique. Zéro problème.
    De retour après un congé de cinq ans, une éducatrice refuse d’enlever le voile qu’elle porte désormais. En 2008, elle est congédiée.
    L’affaire est devenue une saga judiciaire qui s’est terminée, en 2013, par la victoire de la direction : le licen­ciement est légal.
    Dans son jugement, la Cour d’appel­­­ de Paris écrit que « les missions d’éveil et du développement de l’enfant [...] sont de nature à justifier des restrictions » à la liberté religieuse.
    Le tribunal invoque aussi les « droits de l’enfant » et souligne l’importance de protéger « leur liberté de pensée, de conscience et de religion à construire ».
    Dans plusieurs pays d’Europe, les restrictions ne se limitent pas à certains employés de l’État et peuvent s’étendre au secteur privé.
    L’an dernier, cette même Cour européenne des droits de l’homme était saisie d’une affaire survenue en Belgique dans une entreprise privée de sécurité, et d’une autre, en France, dans le domaine de l’ingénierie­­­.
    Les juges écrivaient : « L’interdiction de porter un foulard islamique, qui découle d’une règle interne d’une entreprise privée [...] ne constitue pas une discrimination directe fondée sur la religion ou sur les convictions­­­ ».
    Faire autrement
    Certes, le Québec n’est ni la France, ni la Belgique, ni la Suisse, et n’est pas en Europe.
    Je veux simplement illustrer que la conception canadienne des choses n’est pas un horizon indépassable.
    Le Québec peut faire autrement. Il doit faire autrement.» https://www.journaldemontreal.com/2018/10/27/laicite-faire-a-notre-maniere

  4. Jaeger-LeCoultre
    Jaeger-LeCoultre
    il y a 6 ans
    ``Lobby juif ``?
    Donc, un prétendu ``lobby juif`` contrôle le pouvoir en France (pays où, soit dit en passant, les crimes anti-sémites sont en forte hausse). Ajoutons à cette allégation, la mention des mots ``synagogue'' et ''kippa''.
    Cher confrère, être né à une autre époque et dans un autre pays, vous auriez fait un excellent journaliste pour Der Stürmer.

  5. Anonyme
    Anonyme
    il y a 6 ans
    Ben oui, et ce lobby juif n'est plus un tabbou !
    C'était un des tabous suprêmes en France dans la classe politico-médiatique, mais Élisabeth Lévy (rédactrice en chef du magazine Causeur) vient d'en reconnaitre l'existence (pendant que Maurice Szafran, en garde-chiourme de service de l'émission, réitère que le CRIF ne serait pas un lobby), alors maintenant c'est ok de l'affirmer !


    http://www.youtube.com/watch?time_continue=29&v=MHVueFYvSKk

    • Jaeger-LeCoultre
      Jaeger-LeCoultre
      il y a 6 ans
      Petit scoop pour vous
      Ah, ces juifs qui contrôle le monde, le fameux ZOG...
      J'ai un petit scoop pour vous, il a été démontré depuis longtemps que le Protocoles des Sages de Sion était une falsification (même si l'extrême-droite et beaucoup de gens dans les pays arabo-musulmans y croient toujours)...

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