L’avocate qui aime les médias
Dominique Tardif
2014-08-27 14:15:00
Personne dans ma famille immédiate n’a vraiment inspiré mon choix. Je suis, il est vrai, tombée dans la marmite, en ce sens où, très jeune, j’ai réalisé que la profession correspondait bien à ma personnalité. Je me souviens m’être, dès dix ans, passé cette réflexion.
Le métier semblait, en effet, bien se marier à mes forces. J’aimais l’argumentaire, j’avais l’esprit logique et j’aimais m’exprimer en public. Je suis également quelqu’un qui « aime que les choses se disent franchement et de façon juste ». Dans la mesure où je peux contribuer à faire en sorte qu’il y ait un bon débat, je me sens souvent intellectuellement interpelée et, à l’inverse, je m’insurge contre ce qui m’apparaît être une injustice.
Et, preuve que la pomme ne tombe pas bien loin de l’arbre, elle ajoute:
Il me fait sourire, aujourd’hui, de voir ma fille me soulever un argument illogique dès que j’en émets un : j’étais moi-même la première à faire de même lorsque j’étais, petite, d’avis que mes parents me donnaient des réponses qui ne tenaient pas!
2. Quels sont les plus grands défis professionnels auxquels vous avez fait face au cours de votre carrière?
Deux éléments me viennent spontanément en tête :
D’abord, la Commission d’enquête Gomery de 2005 a constitué pour moi un beau défi, vu l’ampleur de la cause de l’époque et du dossier. C’était un dossier difficile, très médiatisé, qui impliquait énormément de travail et qui m’a amenée à présenter la preuve de plusieurs groupes de témoins. J’agissais alors comme procureure principale d’une équipe de quatre qui présentait la preuve. Même si j’avais de l’expérience dans le domaine de par mon précédent rôle de procureure de la Commission Poitras pour les officiers de la Sûreté du Québec, l’expansion donnée aux commissions d’enquête entre 1998 et 2005 était considérable.
Ce dossier fut aussi le début d’un nouveau positionnement dans ma carrière, et m’a considérablement aidée à me faire connaître et à développer ma pratique. Cela a concrétisé, en quelque sorte, mon intérêt et ma capacité à œuvrer dans des dossiers médiatisés, surtout en droit public, et m’a « ouvert la porte » du côté des médias, qui ont par la suite sollicité mon opinion de façon plus régulière jusqu’à ce que je devienne analyste judiciaire pour des émissions télévisées en matière de commission d’enquête et des questions d’affaires publiques.
Un autre défi a résidé dans le fait que j’ai déménagé à Québec en 2010. Je terminais à l’époque un congé de maternité et devait tout rebâtir. Je recommençais presque à neuf, dans une nouvelle ville, avec de nouveaux clients et une nouvelle pratique. Je devais livrer la marchandise, et ce, avec deux enfants en bas âge. Plusieurs dossiers et clients m’ont évidemment suivie, mais cela constituait néanmoins un repositionnement, comme le type de pratique que j’avais eu jusque-là faisait en sorte qu’il n’y avait pas nécessairement de récurrence dans les dossiers.
Lavery avait à ce moment besoin de quelqu’un pour diriger le département de litige de Québec, et je venais en même temps combler certains besoins en litige au cabinet. Rapidement, mes collègues ont fait appel à mes services dans les sphères de pratique que j’avais développés. Ma présence médiatique n’a certainement pas nui au fait que les gens pensent à moi, en droit public et disciplinaire surtout. J’ai ensuite fondé le département sur l’intégrité d’entreprise avec le cabinet, ce qui a aussi contribué à mon développement professionnel.
3. Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous à la pratique du droit?
Je crois qu’il n’est pas toujours facile pour une femme de faire sa place dans la profession. J’ai pour ma part été très chanceuse, le cabinet ayant toujours tout fait pour accommoder mes obligations familiales. Il n’en demeure pas moins que, de façon générale, les choses ne sont pas faciles pour quelqu’un qui revient d’un congé de maternité : il y a beaucoup à rebâtir. Si je le pouvais, je m’assurerais donc qu’il y ait encore plus d’efforts faits dans le but de faciliter les choses parce que, qu’on le veuille ou non, c’est souvent la mère qui doit quitter pour aider aux devoirs le soir, qu’il y ait un procès ou non le lendemain!
Par ailleurs, la pression des heures facturables est exigeante. Je suis d’avis qu’il serait merveilleux de pouvoir trouver une façon différence de valoriser l’expertise et la compétence, et de faire en sorte que les heures facturables ne prennent pas autant de place dans l’évaluation du rendement. Je suis évidemment consciente qu’il n’y a pas de recette miracle à cela, bien sûr, mais nous parlons ici de baguette magique.
La perception du public envers la profession et les avocats en général est-elle plus positive, égale ou moins positive qu’elle ne l’était lors de vos débuts en pratique? Et pourquoi, à votre avis?
Je n’ai jamais senti que la perception était très négative, hormis le fait qu’on entende ici et là, il est vrai, que les avocats « coûtent bien cher ». Plus on progresse dans la profession, et plus les choses sont faciles comme notre crédibilité n’est plus à faire; le regard des autres envers soi est forcément positivement teinté par cela.
Pour répondre à votre question, je n’ai donc pas senti de grand changement entre mes débuts en pratique et aujourd’hui : je ne crois pas que le regard que le public porte sur la profession est davantage critique ou négatif.
5. Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un débutant sa carrière et souhaitant devenir un avocat à succès en pratique privée?
J’ai pour ma part commencé à pratiquer comme avocate très jeune… Trop jeune! Je me sentais très démunie à l’époque! Je suggérerais donc aux jeunes de faire d’autres études avant de se lancer dans la profession. Devenir avocat à 25-26 ans plutôt qu’à 22 ans permet, à mon sens, d’avoir une maturité de raisonnement et un regard plus expérimenté sur les choses.
Je me rappelle qu’on m’ait conseillé, à l’université, de lire sur tous les sujets possibles sans se limiter à nos dossiers eux-mêmes. C’était de bon conseil. En effet, plus une personne en sait sur la vie en général et plus elle est au fait de ce qui se passe dans les débats publics, mieux c’est. La curiosité intellectuelle fait une réelle différence. Ceux qui en savent moins sont à mon avis moins prêts à affronter notre métier. S’intéresser à autre chose donne aux jeunes une envergure différente, tout simplement.
Identifier un mentor en milieu de travail est aussi une chose bien importante. Parfois, la structure du cabinet où l’on travaille prévoit un mécanisme de tutorat, alors que d’autres fois, non. Peu importe que la personne-ressource travaille dans notre bureau ou non, il est important d’identifier quelqu’un qui nous épaulera et en qui nous avons confiance. Ce lien privilégié nous permettra d’échanger et de nous aider à apprendre le métier. Il ne faut pas sous-estimer toute la différence que peut faire quelqu’un qui « a vécu avant nous » et qui peut ainsi nous prémunir contre certains pièges!
Enfin, il faut savoir communiquer efficacement. Il est primordial de savoir choisir ses batailles et de bien identifier les enjeux et messages. Bien cibler ses interlocuteurs, les problèmes à aborder et de quelle façon les aborder permet de bien communiquer, et surtout, de communiquer aux bonnes personnes. Être capable de décoder les choses est une chose essentielle, qui se travaille par ailleurs.
En vrac…
• Une lecture qu’elle recommande – La trilogie de Gaby Bernier, de Pauline Gill. C’est une de nos premières designers québécoises de haute couture.
• La dernière bonne série qu’elle a vue: la série Suits!
• Sa chanson fétiche : A Song For You (Michael Bublé)
• Son expression ou diction préféré – ‘Il faut appeler un chat, un chat.’
• Son péché mignon – le chocolat noir et « les bulles »!
• Ses restaurants préférés – Le Bouillon Bilk (Boulevard Saint-Laurent, Montréal) et Le Bistro B (avenue Cartier, à Québec)
• Un pays qu’elle aimerait visiter – L’Autriche
• Le personnage historique qu’elle admire le plus? – Thérèse Casgrain, qui a fait beaucoup pour les femmes par le droit de vote.
• Si elle n’était pas avocate, elle serait …animatrice dans les médias, ce qui ne nous surprend pas!
Admise au Barreau du Québec en 1991, Me Marie Cossette s’est jointe au cabinet Lavery en 2011. Elle a été désignée Avocate Émérite par le Barreau du Québec en 2014. Elle cumule de nombreuses années d’expérience en matière de dossiers d’envergure dans divers domaines du litige.
Un volet important de sa pratique vise le droit public, le droit administratif et le droit disciplinaire. Elle est régulièrement appelée à œuvrer dans des dossiers mettant en cause les relations avec l’État sous diverses formes. Elle conseille des organismes publics et des sociétés d’État devant diverses instances. Elle a notamment développé une expertise pointue dans le domaine des commissions d’enquête, ayant été procureure principale pour la Commission Gomery, procureure en chef adjoint pour la Commission Johnson et procureure des officiers de la Sûreté du Québec lors de la Commission Poitras. Elle représente actuellement un important donneur d’ouvrage public devant la Commission Charbonneau. Elle agit également pour plusieurs ordres professionnels et des professionnels dans le cadre de processus d’enquêtes disciplinaires et pénales ainsi que pour des questions de gouvernance administrative.
Un second volet de la pratique de Me Cossette concerne le litige en droit de la construction. Elle conseille des donneurs d’ouvrage publics et privés en matière de réclamations, d’appels d’offres, de vices et malfaçons, de questions mettant en cause la responsabilité professionnelle des intervenants du secteur et d’autres sujets connexes. Ces dossiers soulèvent des aspects techniques variés et nécessitent l’administration d’une preuve d’expert souvent complexe.
Ces deux volets d’expertise ont permis à Me Cossette de développer une vaste expérience en matière de questions éthiques, déontologiques et d’intégrité, notamment dans le domaine de la construction. D’ailleurs, elle est responsable du secteur Intégrité d’entreprise de Lavery dont elle a assuré la mise sur pied en collaboration avec la direction du cabinet.
Enfin, Me Cossette représente bon nombre de clients dans des litiges commerciaux de toute sorte (arbitrage, baux commerciaux, conventions d’actionnaires, propriété intellectuelle en matière de projets de recherche, commissions et services impayés, vices de fabrication, fraude commerciale, appropriation indue d’occasions d’affaires, etc.).
Parallèlement à ces champs de pratique plus traditionnels, Me Cossette a également développé une expertise en matière de gestion des relations médiatiques dans des dossiers litigieux. Elle a travaillé étroitement avec des firmes de relations publiques, ce qui lui permet de faire équipe avec ces dernières afin de veiller au respect des droits de ses clients, tout en assurant une compréhension des impératifs liés aux relations publiques. À cette expérience se juxtapose une connaissance pratique des rouages propres aux médias écrits, télévisuels et radiophoniques. Elle agit d’ailleurs régulièrement à titre d’analyste judiciaire pour le Réseau de l’Information et la Société Radio-Canada.
Me Cossette a contribué, à titre d’auteure ou de co-auteure, à diverses conférences et publications portant sur le fonctionnement des commissions d’enquête, le rôle des procureurs de ces commissions, les enjeux de la communication, la gestion de crise, le droit disciplinaire et l’intégrité.
Me Cossette est maître de stage et coordonnatrice de l’équipe Litige du bureau de Québec. Elle siège aussi au Comité de développement professionnel du cabinet, en plus de présider la campagne Centraide du bureau de Québec.