L’homme qui fait des connexions
Martine Turenne
2016-09-29 11:15:00
« Je vois des enjeux que le client n’a pas vus et je fais des liens, dit l’homme de 51 ans. Je l’amène à réfléchir et je l’aide à trouver des solutions créatives. C’est ce qui me distingue des autres comptables. Après, le client est accro à moi! », dit-il avec son large sourire.
De Maurice à Montréal, en passant par Londres, Paris, Libreville…
Anand Beejan a grandi dans l’univers multiethnique de l’Ile Maurice, dans l’océan Indien. C’est d’ailleurs de l’Inde que viennent ses grands-parents, qui se sont installés dans ce melting pot où le créole est la langue vernaculaire. « Quand je suis fâché, ça sort en créole… Mais ça n’arrive pas souvent! » Sur l’île, on fréquente l’école en français ou en anglais, et c’est dans cette langue qu’Anand a été scolarisé.
Après son diplôme en comptabilité, il travaille quelques années pour PwC dans son île, puis se voit proposer un poste à Londres. Suivront Paris, puis Libreville, au Gabon, où il passera trois ans comme comptable agréé et auditeur, dans l’univers des expats francophones. « C’est là que j’ai appris à écrire mon français », dit-il.
De fil en aiguille, et parce qu’il ne voulait pas rentrer tout de suite à Maurice, il se retrouve dans un autre univers francophone, teinté d’anglais: Montréal. « Je me disais que ça serait plate de perdre mon français appris au Gabon! » Il y est toujours 18 ans plus tard. Sa femme et lui y ont élevé leurs deux fils, âgés de 19 et 22 ans.
Dur moment pour les sociétés publiques
Chez MNP, Anand Beejan met à profit sa vaste et variée expérience du monde, son immense curiosité, et « sa volonté d’apprendre tout le temps », comme il le dit. Et il offre sa non moins vaste expérience des entreprises publiques, et particulièrement celles qui oeuvrent dans le secteur minier.
Anand Beejan excelle dans le « framework » des compagnies publiques, leurs meilleures pratiques, leurs particularités. « Ces temps-ci, c’est difficile d’être une société publique, dit-il. Les attentes sont plus élevées, les cycles sont plus longs. Par exemple, dans le secteur minier, le cycle en hausse est rapide, mais celui en baisse s’éternise. »
Il est plutôt bas depuis quatre ans. « Mais tout ce qui descend finit par remonter... » Il arrive « toute sortes de choses avec les compagnies publiques », souligne-t-il. Les clients d’Anand Beejan, dont les revenus oscillent entre 0$ et 500 millions $ (et oui, zéro… il y a quelques minières en exploration), ont leurs petits et grands soucis.
Les actionnaires de l’un ne sont pas satisfaits du rendement donné par la direction, et on veut mettre le P.-DG dehors; une des filiales d’un autre fait de grosses pertes; les frais d’exploration d’un autre explosent. « Je passe de mon chapeau d’auditeur à celui de conseiller, et vice versa. J’amène mon client à trouver des solutions. »
Le comptable travaille régulièrement avec des équipes juridiques. « On est complémentaires avec les avocats. Dans les transactions complexes, on s’assure qu’il n’y a pas d’incongruités comptables, ou de répercussions qu’on n’aurait pas vues. Les avocats spécialisés en affaires connaissent très bien leur boulot. »
En mode développement
Chez MNP, Anand Beejan bâtit sa clientèle. Entre 50% à 60% sont des minières, dit-il, mais il en a aussi dans le manufacturier et la distribution. « La diversification est importante, car les cycles sont trop longs. Il faut qu’on s’occupe.»
Les opportunités sont nombreuses dans sa nouvelle firme. « C’est extraordinaire. Je me sens un peu comme dans une start up, avec une croissance très forte.» Son profil, dit-il, était fait sur mesure pour la commande. «Je suis un homme flexible, très ouvert. J’ai grandi dans la culture indienne, sur une île, j’ai vécu dans plusieurs pays, et j’ai des amis de tout bord et de tout côté.»
Celui qui se considère comme un « citoyen du monde » a une grande passion pour les voyages. Il revient d’un séjour en Inde, où il a visité une demi-douzaine de villes. Il lit beaucoup, sur tous les sujets, souvent trois ou quatre bouquins en même temps. « Je prends un livre, et je me transporte dans l’environnement et la culture où il se déroule, dit-il. J’ai eu beaucoup de plaisir à lire « Shoe Dog » de Phil Knight, l’histoire d’un comptable qui a bâti Nike.