Action collective : Air Canada condamnée à verser 10 millions $ à des passagers

Radio Canada
2025-04-24 10:15:54
La compagnie aérienne aurait commis une faute «grave» d’après le jugement rendu par la Cour d’appel du Québec. Les avocats?
La Cour d’appel du Québec ordonne à Air Canada de verser plus de 10 millions de dollars de dommages et intérêts punitifs à des passagers dans le cadre d’une action collective alléguant que des montants supérieurs au prix annoncé du billet leur ont été facturés.

Dans une décision rendue mardi, la juge Judith Harvie a écrit qu’Air Canada, représenté par Mes Simon Jun Seida, Anthony Cayer, Andréa Daigle du cabinet Blakes, avait fait preuve d’ignorance et de laxisme en concluant qu’elle était exemptée d’une disposition de la Loi sur la protection du consommateur du Québec.
Mes Marc Migneault et Léa Denicourt-Fauvel représentaient la Présidente de l'Office de la protection du consommateur tandis que Mes Samuel Chayer et Francis Durocher représentaient quant à eux le procureur général du Québec.
La faute est grave, délibérée et touche un nombre important de consommateurs, indique la décision.
Cette décision annule une décision d’un tribunal de première instance qui avait conclu qu’Air Canada avait enfreint la loi, mais qu’aucun préjudice n’en avait résulté, éliminant ainsi la nécessité de dommages et intérêts punitifs.
Une affaire qui remonte à 2010
Cette affaire, vieille de 15 ans, a été portée par un groupe de défense des consommateurs et le Montréalais Michael Silas, représentés par Mes Peter Shams, Jared Will, Cory Verbauzhede et Bruno Grenier. Ce dernier a affirmé que la compagnie aérienne n’avait pas inclus tous les frais supplémentaires, comme la surcharge carburant, dans le prix affiché en ligne, contrevenant ainsi à une loi de protection des consommateurs adoptée quelques semaines avant l’achat de son billet, en 2010.
Selon M. Silas, des taxes, des frais et des suppléments de 124 $ lui avaient été facturés en plus du prix affiché lors de la première étape du processus d’achat du billet sur le site web d’Air Canada.
Dans leur action initiale, les plaignants soutenaient que la compagnie aérienne avait compromis la capacité des clients à faire des choix éclairés et qu’elle devait rembourser les sommes facturées au-delà du prix annoncé.
La juge a indiqué qu’Air Canada ne conteste plus avoir enfreint la loi provinciale, tout en ajoutant que la preuve ne montre pas qu’un consommateur précis a été induit en erreur dans les faits. Air Canada a indiqué qu’elle examinait la possibilité de faire appel de la décision rendue cette semaine.
Le porte-parole Peter Fitzpatrick affirme que la décision reposait principalement sur une divergence d’interprétation quant à la signification et à l’interaction des lois fédérales et provinciales avant février 2012, clarifiée depuis par la jurisprudence.
Les circonstances ayant donné lieu à cette décision n’existent donc plus depuis 2012, écrit-il dans un courriel. L'Union des consommateurs s’oppose au raisonnement du transporteur.
La question des frais cachés
La décision de la Cour d’appel intervient dans un contexte de débat pour savoir si l’augmentation des frais aériens et des classes tarifaires constitue des frais cachés ou offre un plus grand choix aux voyageurs. En janvier, Air Canada a commencé à facturer à ses clients au tarif économique de base des frais pour l’enregistrement de bagages de cabine – 35 $ pour le premier, 50 $ pour le second – dans le cas des voyages en Amérique du Nord et vers des destinations soleil. Ces bagages ne sont plus autorisés dans le compartiment à bagages supérieur pour les voyageurs de cette classe tarifaire.
Ces mesures marquent une évolution vers une offre qui s'apparente à celle d'une compagnie aérienne à bas prix de la part du plus grand transporteur du pays. Comme ses concurrents, Air Canada mise de plus en plus sur des frais accessoires pour des services autrefois groupés, allant des bagages enregistrés aux collations à bord et à l’accès wi-fi. La juge a semblé donner son avis mardi.
Le maintien de la pratique de décomposition des prix par Air Canada cherche avant tout à maintenir son intérêt concurrentiel dans le marché, et non à protéger l’intérêt des consommateurs, écrit la juge Harvie. Pour sa défense, la compagnie aérienne a fait valoir que les consommateurs sont souvent sensibles à l’affichage initial du prix, qui n’inclut pas les frais supplémentaires, et comparent les prix en fonction de ce qu’ils voient à l’écran, souligne-t-elle.
L’intérêt des consommateurs n’est certainement pas mieux servi par une violation de la loi en raison d’une pratique généralisée en ce sens dans l’industrie, indique la décision. Au contraire, cet intérêt milite plutôt en faveur d’une plus grande transparence par l’affichage de l’ensemble des informations détenues par Air Canada dès la première étape de navigation sur son site Internet, y compris le tarif de base, le montant des frais et le montant des taxes.
Les 10 millions $ de dommages et intérêts s’élèvent à 14,45 $ par billet vendu aux membres du groupe de l’action collective entre le 30 juin 2010 et le 8 février 2012, selon la décision. L’Union des consommateurs ajoute qu’elle étudie la possibilité de porter un volet de la décision en appel auprès de la Cour suprême, après que le tribunal a refusé d’ordonner le remboursement intégral de tous les frais exigés illégalement, selon l’association de défense des consommateurs.