Affaire Cédrika : faut-il créer un poste de procureur indépendant ?
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Delphine Jung
2017-07-31 15:00:00

Me Guy Bertrand avait fait la proposition de créer un poste de procureur indépendant voilà sept ans et il la maintient toujours. Le rôle du procureur indépendant selon lui, serait de pouvoir enquêter sur des disparitions en récoltant des informations recueillies auprès de citoyens qui ne souhaitent pas dévoiler leur identité.
« Beaucoup ne veulent pas que la police commence à fouiller dans leur vie où ont simplement peur », rapporte l’avocat dont le mandat s’est terminé à la fin de l’année 2009.
Il assure avoir réussi à récolter 324 informations en se rendant disponible 24h/24 par téléphone. Une vingtaine a été considérée comme « suffisamment importante et crédible », d’après le rapport de Me Bertrand.
Le but n’a jamais été de trouver le tueur, mais la fillette, morte ou vive. Me Bertrand disposait d’ailleurs de 170 000 $, dont 100 000 $ versés par un mécène anonyme, pour la personne qui leur donnerait l’information permettant de retrouver Cédrika.
« Nécessaire dans les cas d’enlèvement »
Lorsque l’informateur avait donné son aval, l’avocat transmettait les informations à la Sûreté du Québec. Sinon, il procédait avec son enquêteur privé, Raymond-Noël Vaillancourt, un ex-enquêteur de la SQ.
Cette initiative, il l’a prise alors que Martin et Henri Provencher, respectivement père et grand-père de Cédrika, sont passés le voir pour lui demander conseil. « J’étais un peu leur dernier espoir », explique Me Bertrand, qui a agit en pro bono dans cette affaire, « pour des fins humanitaires », dit-il dans son rapport soumis au premier ministre Jean Charest, à la ministre de la Justice, à la ministre de l’Éducation ou encore au bâtonnier de l’époque, Me Pierre Chagnon.
Me Bertrand y recommande « que le procureur indépendant obtienne une reconnaissance ou un statut légal, « que son rôle soit bien défini, afin qu’il n’empiète pas sur la compétence et les fonctions des autorités policières », ou encore « qu’il puisse jouir d’un budget et de ressources humaines suffisantes ».

Il ne doit «rendre aucun compte au Procureur général, au ministre de la Justice, aux autorités policières ou à qui que ce soit», il ne doit accepter «aucun honoraire professionnel» ni être «lié par un mandat profession avec la famille».
Le tout en respectant la déontologie des avocats ainsi que la Charte des droits et libertés. « Le syndic m’avait contacté pour me demander un peu ce que j’étais en train de faire. Ils se sont rendus compte qu’il n’y avait pas de situation conflictuelle », assure-t-il.
Il nie d’ailleurs que la création d’un tel rôle ressemble à une défiance envers le corps policier. « Si j’avais des informations à leur donner pour les aider dans leur enquête, je le faisais », explique Me Bertrand.
Une perte de confiance envers les autorités ?
À l’envoi de son rapport, personne ne lui a jamais répondu, « à part la ministre de l’Éducation », déplore-t-il. Me Chagnon avait qualifié la création d’un poste de procureur indépendant de « farfelu, dit-il. Je n’ai même pas eu d’accusé de réception ».
« J’ai trouvé ce commentaire déplacé et malheureux. J’aurais aimé que le bâtonnier apporte son soutien à l’un de ses membres ou encore qu’il me propose de l’aide », ajoute l’avocat, encore amer.
Ce manque de soutien l’a découragé et encore aujourd’hui, il déplore la situation en concluant : « devant une telle perte de confiance envers les autorités, il faut rassurer les gens en créant ce poste de procureur indépendant ».
La position du Barreau sur cette question est demeurée la même qu’il y a 7 ans: « le poste de procureur indépendant n'existe pas dans notre système de justice. Les enquêtes sont menées par la police qui joue très bien son rôle d'officier de justice. Le Barreau du Québec fait entièrement confiance au système de justice et aux enquêtes policières », dit Martine Meilleur, coordinatrice des communications au Barreau du Québec.
Des crimes très rares
Généralement, les enfants disparus sont rapidement retrouvés et les cas d’enlèvements par des étrangers restent rares. En effet, 59 % des signalements d'enfants et de jeunes disparus ont été supprimés dans les 24 heures, et en moins d'une semaine dans 92% des cas, a noté la Gendarmerie royale du Canada (GRC) pour l'année 2016.
Au Québec, 31 bambins de 4 ans et moins ont été portés disparus en 2015, 33 en 2016 et sept en 2017 jusqu'à maintenant, selon les plus récents chiffres de la GRC. Tous les dossiers ont été fermés (ce qui signifie qu'ils ont été retrouvés vivants ou morts) sauf huit.
La création du Centre de recherche et de prévention des enlèvements d'enfants a été annoncée lundi, en compagnie notamment du grand-père de la fillette, Henri Provencher. Il a pour mission de travailler à la prévention des enlèvements d'enfants dans la province.
L'organisme sera pleinement indépendant, même s'il est lié à la fondation Cédrika Provencher.
Me Untel
il y a 7 ansIl n'est pas surprenant de voir le manque de respect et de confiance de la population envers les autorités.Il est aussi étonnant de voir la réponse du ministre de la Justice au regard de la demande de mettre en place un procureur indépendant. Sa réponse est plutôt provincial, car, ce n'est pas parce que ça n'existe pas qu'on peut pas créer le poste. Bravo maître Bertrand, continuez à mettre de la pression.
Anonyme
il y a 7 ansFidèle à son habitude, Me Bertrand se donne le rôle principal, c'est lui le héros!
« Beaucoup ne veulent pas que la police commence à fouiller dans leur vie où ont simplement peur »
Vraiment, il y a des gens qui avaient des infos et n'ont pas aidé la police dans cette histoire tragique parce qu'ils ne voulaient pas que la police tournent l'enquête sur eux? Je n'y crois pas, c'est ridicule.
Si des gens ont peur de la police, ils auront peur d'un procureur...
Anonyme
il y a 7 ansMe Bertrand et Me Bellemare dans la même pièce... Il ne doit plus rester beaucoup d'air à respirer...Jus saying.
Franca Verdon
il y a 7 ansToute aide apportée aux familles d'enfants disparus est toujours une bénédiction