Comment interpréter les émojis en preuve?
![Main image](https://gvm.nyc3.digitaloceanspaces.com/store/uploads/public/di/article/25067__1.jpg)
Mathieu Galarneau
2019-07-19 11:15:00
![Mes Christian Dufourd, Annie Émond et Didier Samson.](https://gvm.nyc3.digitaloceanspaces.com/store/uploads/public/di/article/25067__1.jpg)
« C'est sûr que si on envoie qu'un seul émoji pour répondre à quelque chose, là, c'est plus difficile si on n'a pas de contexte écrit », indique Me Annie Émond, de Boro Frigon Gordon Jones. « On ne pourrait pas simplement interpréter l'émoji seul sans autre contexte ou écrit. Ça serait vraiment trop demander au tribunal d'interpréter ce que le bonhomme qui pleure veut dire. »
L’avocat Didier Samson est du même avis. Sans contexte, l’usage d’émoticônes en preuve n’est gage d’aucun succès. « Si un accusé envoie un bonhomme fâché, quel est son état d'esprit quand il l’envoie? Doit-on faire le lien qu'avec l'émoji, au moment où la personne le texte, la personne est fâchée? Je pense que ça va poser un très grand problème à la Cour de dire que c'est une preuve fiable. »
Certains symboles peuvent être plus faciles à analyser que d’autres, juge l’avocat reconnu pour son style excentrique. « Si t'envoies une pêche suivie d'une aubergine, on sait que ça veut dire des relations sexuelles rapides ou que c'est à connotation sexuelle. Ça donne une piste, mais de dire que ça va devenir un élément fiable en soi, non. Ça va être à travers le reste des messages. »
Me Émond ajoute qu’avec la trame d’utilisation des émojis, on peut juger que dans tous les contextes, ils signifient la même chose. « Le juge peut dire que l'émoji est admissible, mais n'y donner aucune valeur probante, parce que personne n’a expliqué ce que le symbole voulait dire. Mais il peut également y donner une très grande valeur probante parce que la personne a toujours utilisé le même émoji dans le même contexte par le passé. »
Même si leur interprétation peut être parfois compliquée, les émoticônes ne nécessitent pas l’interprétation d’un expert en cour, estime Me Christian Dufourd, de Dufourd Dion. « Jusqu'à quel point ça pourrait être pertinent d'amener un expert qui va nous aider à interpréter tel ou tel clin d’oeil ou coeur, ou quoi que ce soit? Ça serait quand même assez étonnant qu'on aille jusque là. »
En guise de conclusion, Me Samson sert un avertissement aux citoyens: ils devraient réfléchir à ce qu’ils envoient et à qui ils les envoient. « Les émojis, c'est ben le fun, mais c'est une source de confusion. Même les messages textes sont une source de confusion: il y a des choses qui ne s'écrivent pas. »