L’ancien sénateur autochtone Murray Sinclair n’est plus
Radio-canada Et Cbc
2024-11-06 13:15:17
L'ancien juge et sénateur Murray Sinclair s’est éteint.
L’ancien sénateur autochtone Murray Sinclair est décédé. Il avait 73 ans. Cet ancien avocat et juge des Premières Nations avait présidé de 2009 à 2015 les travaux de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR).
Mazina Giizhik (son nom en langue ojibwée, qui signifie « Celui qui parle d'images dans le ciel ») est mort entouré des siens tôt lundi matin, a annoncé sa famille dans un communiqué.
Né le 24 janvier 1951, près de Selkirk, au Manitoba, il a été élevé par ses grands-parents, tout comme ses deux frères et sa sœur, puisque sa mère – survivante des pensionnats pour Autochtones – est morte de la tuberculose alors qu'il n'avait qu'un an.
Athlète émérite, il s’est inscrit en 1968 à l'Université du Manitoba, au Département d’éducation physique. Il a toutefois quitté les bancs universitaires en 1970, pour prendre soin de sa grand-mère après le décès de son grand-père.
Œuvrant alors dans le domaine communautaire depuis quelques années, il a été élu en 1971 vice-président de la région d'Entre-les-Lacs à la Fédération Métisse du Manitoba. L’année suivante, il est devenu l'assistant du ministre Howard Payley, qui deviendra peu de temps après procureur général du Manitoba.
« Au cours de mes années à ses côtés, en tant qu'assistant spécial, j'ai appris ce qu'une personne gentille et respectueuse pouvait accomplir, et comment rester concentré malgré les énormes pressions auxquelles il était confronté », disait Murray Sinclair au sujet de son mentor Howard Payley
Par la suite, Murray Sinclair a repris ses études universitaires en sociologie et en histoire, puis en droit. Il est devenu avocat en 1979, avec comme spécialités les droits de la personne et les droits des Autochtones. En 1988, après seulement huit années de pratique, il a été nommé juge après avoir refusé une telle offre à trois reprises.
« Murray Sinclair a été pendant plus de 25 ans au service du système judiciaire manitobain. Il a été le premier juge autochtone nommé au Manitoba et le deuxième au Canada », mentionne sa biographie sur le site du Sénat du Canada, où il a siégé à titre de sénateur indépendant de 2016 à 2021.
Durant ces cinq années, il s'est notamment impliqué dans le dossier de la protection des langues autochtones et dans celui de la réforme du système de protection de l'enfance.
Éclaircir l'histoire des pensionnats pour Autochtones
Avant de devenir sénateur, il avait été coprésident de l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones au Manitoba de 1988 à 1991. Ces travaux ont fait la lumière sur le racisme systémique au sein du système de la santé et de la police de la province.
« Les gens n'ont tout simplement pas compris l'idée de ce qu'est le racisme systémique », avait-il confié quelques années plus tard au quotidien The Globe & Mail.
« Lorsque nous parlions aux responsables, particulièrement aux policiers, c'était très clair pour moi qu'ils pensaient que nous étions en train d’accuser chaque flic d'être raciste. Mais je leur ai expliqué que c'est le système en lui-même qui est fondé sur des croyances, des attitudes et des politiques, qui forcent même les personnes non racistes à agir de manière raciste », expliquait Murray Sinclair au Globe & Mail.
« Si vous vous débarrassez de tous les racistes dans toutes les forces de police, vous aurez toujours un problème de racisme systémique », avait-il ajouté, en précisant que la clé vers la réconciliation était l’éducation et l'établissement de relations directes entre Autochtones et non-Autochtones.
Par la suite, M. Sinclair a aussi assumé la présidence de la Commission de vérité et réconciliation du Canada de 2009 à 2015.
Durant cette période, la Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVR) entend près de 6500 témoins partout au Canada, dont des survivants des pensionnats pour Autochtones. Ces travaux, dénonçant le génocide culturel mené pendant plusieurs dizaines d'années au pays, ont abouti à la présentation du rapport final qui comprend 94 appels à l’action.
« Un État qui détruit ou s'approprie ce qui permet à un groupe d'exister, ses institutions, son territoire, sa langue et sa culture, sa vie spirituelle ou sa religion et ses familles, commet un génocide culturel. Le Canada a fait tout ça dans sa relation avec les peuples autochtones », pointait le rapport de la Commission de vérité et réconciliation.
Lors de sa prolifique carrière, Murray Sinclair a remporté de nombreux prix, dont le Prix national d'excellence décerné aux Autochtones, le prix d'excellence en matière d'égalité de l'Association du Barreau du Manitoba (2001) et son Prix de reconnaissance pour services exceptionnels (2016). Au moins huit universités canadiennes lui ont également décerné un doctorat honorifique.
Il a été nommé compagnon de l'Ordre du Canada en 2022. Il a également été décoré de l'Ordre du Manitoba en juillet 2024.
Même s'il n'était plus sénateur, il continuait de s'investir sur le plan politique, notamment comme médiateur lors de négociations, ou par des conférences et des programmes visant à sensibiliser les juristes aux réalités autochtones.
Il avait trois enfants issus de deux mariages différents ainsi que deux enfants adoptés.
Un feu sacré a été allumé à l'extérieur du palais législatif du Manitoba en son honneur et pour guider son esprit, a également précisé sa famille par voie de communiqué.