Accord de Paris sur le climat: des omissions et des retards
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Daniel Turp
2016-10-24 13:15:00

La rapidité avec laquelle les États, et l’organisation économique régionale qu’est l’Union européenne, ont consenti à être liés par ce nouveau traité est digne de mention, si on compare ce délai de moins de 12 mois avec celui des sept années qui ont séparé l’adoption du protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques le 11 décembre 1997 de son entrée en vigueur, le 16 février 2005.
Le Canada compte aujourd’hui parmi les 76 parties à l’accord de Paris et l’est devenu après la transmission aux Nations unies d’un instrument de ratification par le ministre des Affaires étrangères le 5 octobre 2016. Le dépôt par le Canada de cet instrument a contribué à la réalisation de la deuxième condition d’entrée en vigueur selon laquelle les parties à l’accord devaient être responsables ensemble d’un pourcentage estimé à 55 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre. La première condition prévoyant qu’au moins 55 États ou organisations économiques régionales devaient avoir consenti à être liés par l’accord avait été remplie le 21 septembre 2016.
Il y a lieu de souligner par ailleurs le fait qu’après avoir déposé l’accord de Paris, accompagné d’une note explicative, à la Chambre des communes du Canada le 6 mai 2016, le gouvernement du Canada a présenté le 3 octobre à cette même Chambre une motion voulant « (q)ue la Chambre appuie la décision du gouvernement de ratifier l’accord de Paris aux termes de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques, signé par le Canada à New York le 22 avril 2016 (…) ». Cette motion a été adoptée le 5 octobre 2016 par 207 voix contre 81.
Affirmer ses compétences
L’on aurait pu s’attendre à ce qu’à l’égard de l’accord de Paris, le gouvernement du Québec pose les actes prévus dans la Loi sur le ministère des Relations internationales. Comme la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son protocole de Kyoto, l’accord de Paris porte sur des matières ressortissant à la compétence constitutionnelle du Québec.
Dès lors et aux fins de respecter l’esprit et la lettre de loi, le gouvernement aurait dû dans un premier temps donner son agrément à la signature par le Canada de l’accord, avant que celui-ci ne le signe le 22 avril 2016. Le gouvernement du Québec s’est contenté à cet égard de diffuser le même jour un communiqué de presse et n’a pas accompli la formalité, comme il l’a fait pour d’autres conventions internationales du Canada, qu’est l’envoi au gouvernement du Canada d’une lettre d’agrément à la signature.
Encore plus regrettable aura été l’omission de déposer à l’Assemblée nationale, comme le requiert la loi et en raison du fait que, comme le protocole de Kyoto, l’accord de Paris mérite d’être qualifié d’engagement international important, le texte de cet accord avec une note explicative. De plus, le gouvernement n’a pas présenté une motion demandant à l’Assemblée nationale de donner son approbation à l’accord de Paris, comme le prévoit aussi la loi.
Une telle motion aurait d’ailleurs dû être débattue avant le dépôt par le Canada de son instrument de ratification le 5 octobre de façon à permettre au gouvernement du Québec d’adopter quant à lui un décret en vertu duquel il aurait donné son assentiment à ce que le Canada exprime son consentement à être lié par l’accord de Paris et par lequel il se déclarerait lui-même lié à cet accord.
Une telle formalité aurait dû être accomplie avant le dépôt par le Canada de son instrument de ratification le 5 octobre, car un assentiment à la ratification devrait, en toute logique, précéder une telle ratification. Cette omission gouvernementale a d’ailleurs privé l’Assemblée nationale et ses parlementaires de débattre avant la ratification du Canada du contenu de l’accord de Paris et des mesures que le Québec envisage de prendre pour se conformer à cet accord.
Des engagements internationaux importants
Alors que le gouvernement du Québec entreprend une consultation pour doter le Québec d’une nouvelle politique internationale, il ne devrait pas oublier qu’il existe une Loi sur le ministère des Relations internationales dont il doit respecter l’esprit et la lettre. Cette loi a consolidé au fil du temps la doctrine Gérin-Lajoie et a imposé au gouvernement le devoir d’affirmer ses compétences à l’égard de traités ressortissant de sa compétence constitutionnelle. Elle a aussi cherché, avec raison, à démocratiser le processus par lequel le Québec se déclare lié par des traités qui, comme l’accord de Paris, doivent être considérés comme des engagements internationaux importants et qu’il a le devoir de soumettre pour approbation aux membres de l’Assemblée nationale.
Même s’il devait soumettre l’accord de Paris à une telle approbation avant le début de la prochaine conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 22) qui doit avoir lieu à Marrakech du 7 au 18 novembre 2016, le gouvernement du Québec aura, par ses omissions et retards, manqué, de façon inexcusable, à ses devoirs.